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Barenthal : les salariés tenus au silence

Publie le mercredi 24 août 2005 par Open-Publishing

Les employés de l’orfèvrerie Barenthal se sont vu imposer un accord leur intimant le silence sous peine d’annulation des indemnités de licenciement.

D es salariés licenciés sommés de garder le silence, - notamment vis-à-vis de la presse - sous peine de se voir privés de leurs indemnités. La situation semble irréelle, pourtant ce sont les conditions qu’a posé une entreprise mosellane, qui délocalise sa production vers la Chine.

Les 25 salariés licenciés de l’Orfèvrerie Barenthal (couverts en acier massif et métal argenté) à Baerenthal, ont été mis en demeure par la direction de signer un "protocole d’accord transactionnel", qui, selon la CGT, porte "atteinte aux droits fondamentaux des salariés".

Sous peine de devoir rembourser les sommes versées, les salariés licenciés doivent s’engager "à ne pas participer ou s’associer directement ou indirectement à une quelconque action ou procédure ou mouvement contraire aux intérêts de la société ou de ses dirigeants".

Accords secrets

Parmi les exemples cités dans le document : la transmission d’informations aboutissant à la rédaction d’un "article de presse".

Le texte exige également "la plus stricte confidentialité" sur l’existence de l’accord et son contenu.

"Il s’agit d’une atteinte aux droits individuels et collectifs fondamentaux, aux droits à la liberté d’expression et d’association", a dénoncé mardi 23 août Jacques Maréchal, secrétaire de l’Union départementale CGT de Moselle.

"Nous avons le couteau sous la gorge", a déclaré une salariée qui a demandé à conserver l’anonymat. Selon elle, les 25 personnes licenciées (23 ouvriers et 2 représentants, sur un total de 39 salariés du site) ont cédé ou céderont prochainement, en signant le document.

Ce texte est "anormal" et comporte des "dispositions illégales qui touchent aux droits fondamentaux des personnes", a estimé, pour la préfecture de Moselle, Michel Bernard, sous-préfet de Metz-Campagne.

Diffamation brandie

"Les signataires ne sont pas tenus par les engagements illégaux qui conditionnent le versement d’indemnités supra-légales", a ajouté le haut fonctionnaire, pour qui les services de l’Etat ne peuvent cependant pas intervenir dans l’élaboration de ce qui reste un "document privé".
"Nous avons cependant demandé que les montants des soldes de tout compte et des indemnités légales figurent dans le document, ce qui n’était pas le cas", a-t-il précisé.

"L’opinion du représentant de l’Etat n’a aucune importance, car il s’agit d’un document privé", a répliqué Gilles David, le directeur de l’entreprise. "Le document est tout à fait légal et a été élaboré par un avocat", a-t-il assuré, en brandissant la menace de "poursuites en diffamation".
"Il s’agit de clauses s’appliquant uniquement dans le cadre du règlement du litige : il n’est pas question d’empêcher qui que ce soit d’adhérer à un syndicat ou de faire des déclarations à la presse d’ordre général, par exemple contre les délocalisations", s’est-il défendu.

"Made in France"

L’Orfèvrerie de Barenthal a été rachetée en novembre 2003 par James Han, un Américain d’origine chinoise, qui s’était engagé à préserver les emplois lorsqu’il a été désigné comme repreneur par le tribunal de commerce.

Répondant aux accusations de "passivité" de l’Etat, la préfecture a indiqué que les douanes ont infligé cette année une amende de 10.000 euros au chef d’entreprise, après avoir constaté que des couverts fabriqués en Chine et importés portaient une étiquette "made in France".

Selon la préfecture, l’expédition vers la Chine des produits et "matrices" (moules de fabrication) du site a déjà été réalisée, après vérification par les douanes, le 12 août, de la légalité de ce transfert.

http://permanent.nouvelobs.com/social/20050823.OBS7234.html