Accueil > Bayrou, Sarko, Ségo : Les trois singes du net… qui s’assoient sur vos libertés.

Bayrou, Sarko, Ségo : Les trois singes du net… qui s’assoient sur vos libertés.

Publie le mercredi 18 avril 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

Liberté d’expression, liberté d’information, respect de la vie privée : On aurait pu s’attendre à ce que les trois favoris des sondages dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles attachent un miminum d’importance à ces droits et libertés fondamentaux pour une démocratie, qu’ils aient un programme sérieux, clair et complet, qu’ils soient capables de répondre aux inquiétudes que suscite l’évolution du Net et de son environnement technico-législatif...A cinq jours du premier tour, il n’en est rien.

Jamais la liberté d’expression et d’information n’aura été autant menacée sur le Net, qui est par ailleurs devenu l’outil de surveillance le plus intrusif jamais mis en place dans une démocratie, puisque désormais,toutes les activités des français sur le net sont enregistrées, et mises à disposition de la police qui peut en disposer sans même demander la moindre autorisation à un juge.

La Ligue Odebi a il y a quelque temps publié un bilan, faisant le point sur les atteintes aux droits et libertés sur internet durant le dernier quinquennat, posant par ailleurs des questions très concrètes aux candidats. Ce bilan permet déjà de se faire une idée des actions de la majorité sortante en général, et de Nicolas Sarkozy en particulier. A sa lecture, il devient évident qu’il est peu raisonnable d’attendre de Nicolas Sarkozy qu’il réponde aux questions posées, sauf à ce qu’il se dédise et promette aux électeurs le contraire de ce qu’il a fait...

Ségolène Royal, elle, pouvait bénéficier des apports de ce bilan, qui venait compléter les lacunes importantes du rapport Rocard (qui au demeurant ne fait que proposer des recommandations, et non des engagements de la candidate). Malheureusement, elle vient d’imposer un indéfendable blackout sur la publication de ces réponses.

Quant à François Bayrou, si les réponses sont rédigées, elles sont encore en cours de validation, car "particulièrement techniques" : Est-il si difficile que ça de dire que l’on refuse le filtrage aux frontières, la limitation de la liberté d’expression par les intérêts économiques du secteur audiovisuel (d’ailleurs, en passant : pourquoi ce secteur et pas celui des machines à laver ?), ou encore la mise sur écoute numérique généralisée de tous les français ? Si l’on maîtrise ses dossiers, ce qui est le minimum qu’on puisse attendre à ce niveau, cela ne devrait pourtant pas poser de problème. Ou alors y aurait-il des problèmes internes ? François Bayrou devrait-il par exemple demander une autorisation de publication de ces réponses -au hasard- au si fameux député Dionis ?

Ce qui est étrange, c’est que quand il s’agit d’utiliser internet comme outil électoral, ces trois-là ont pourtant l’air de particulièrement maîtriser le sujet... Le Net : Dans leur intérêt. Pas dans le vôtre.

En attendant, pour les électeurs, en matière de droits et libertés fondamentaux dans la société de l’information, tout se passe comme s’ils avaient en face d’eux les trois singes de la sagesse hindoue, qui ne voient rien, n’entendent rien, et ne disent rien.

La seule différence est que ces trois singes-là n’attendent pas de chèques en blanc. Et à force d’attendre des chèques en blanc aux élections, on obtient surtout des votes blancs.

Messages

  • Il y a un mois, la Ligue demandait aux dirigeants des partis politiques français de se positionner (point par point) par rapport au projet de loi de Nicole Fontaine.

    Si les internautes sont des consommateurs qui ont le pouvoir de boycotter les produits de l’industrie phonographique, ils sont -en particulier en période électorale- aussi des électeurs, qui en toute logique considéreront les positions (ou les non-positions) des principaux acteurs de la vie politique française avant de décider de ce qu’ils feront de leur bulletin de vote.

    La Ligue publie les positions officielles des différents partis dans leur ordre chronologique de réception . Voici donc la réponse du PCF (qui a répondu point par point directement dans le document que la Ligue lui avait envoyé) :

    La Ligue des Associations d’Internautes Haut-Débit demande aux dirigeants des partis politiques français de se positionner officiellement sur le projet de loi pour la « confiance » dans l’économie numérique, et les droits fondamentaux des citoyens dans la République Numérique.

    Le 26 janvier 2004.


    Mesdames, Messieurs,

    vous n’êtes pas sans savoir la révolte unanime, et d’ampleur sans précédent, que provoque la loi dite « pour la confiance dans l’économie numérique » portée par le ministère des finances, et qui entend entre autre régler la liberté d’expression sur le Net français. Les centaines de milliers de signatures recueillies par les diverses pétitions et actions de protestation contre ce projet de loi liberticide exigent désormais une réponse publique des principaux acteurs de la vie politique française.

    PCF : Nous sommes en effet signataires de cette pétition depuis le début. Tant au Sénat qu’à l’Assemblée Nationale les parlementaires communistes ont mené une bataille d’amendements de fonds, dont la plupart ont été construits avec le milieu associatif.

    Aujourd’hui, les citoyens numériques vous demandent de vous positionner publiquement et de vous engager clairement sur les points fondamentaux de ce projet de loi qui -en l’état- met en danger leur liberté d’expression et d’information, et nie leurs droits fondamentaux, tel celui d’accéder à une justice indépendante et impartiale.

    Plus en détail , nous vous demandons de bien vouloir prendre position point par point :

    1 Responsabilisation des hébergeurs : Privatisation de la Justice du Net.

    Sous ce terme se cache en réalité et en pratique une privatisation de la justice du Net : Le projet de loi demande aux hébergeurs de juger et censurer les contenus du Net avant tout intervention de l’autorité judiciaire. Certains députés avancent que cela permettra de « soulager les tribunaux » (sic), et d’aller vite : En bon français, il s’agirait d’instituer une justice privée et expéditive. D’autres prétendent qu’il s’agit d’aller vite, mais que le juge pourra intervenir « a posteriori » : En bon français, on censure d’abord, on jugera plus tard.

    Tout cela est inacceptable : Il revient simplement au Juge de juger. Si la justice doit aller vite, il convient simplement de lui en donner les moyens.

    Vous engagez-vous à préciser explicitement dans la Loi que seule l’autorité judiciaire peut donner la connaissance du caractère illicite des contenus (ce qui a par ailleurs été affirmé publiquement par le FDI) et que seule l’autorité judiciaire peut demander une censure de contenu à un hébergeur ?

    Si oui, vous engagez-vous à supprimer la procédure de notification dès lors inutile que prévoit le projet de loi ?

    PCF : Oui, c’était d’ailleurs le sens de propositions d’amendement portée par Frédéric Dutoit, député communiste des Bouches du Rhône.

    En fait de règlements de certaines questions touchant à la liberté d’expression sur internet, le gouvernement tente d’instaurer une censure des contenus, légalise les pratiques intrusives des marchands de services et maintient un contrôle d’état sur les outils de cryptographie de confidentialité -le tout sans inquiéter ni les pornographes ni les pollueurs du Net. Il met en oeuvre une conception défensive et inadapté de l’Internet, héritée des schémas du marché capitaliste alors même que les réseaux numériques en questionnent profondément la logique et les valeurs.

    Nous réaffirmons que seule la Justice peut et doit dire le droit, de façon séparée des pouvoirs exécutifs et des intérêts marchands. L’autorité judiciaire doit juger de ce qui est licite ou pas, notamment en s’appuyant sur les lois de la République (Loi Gayssot contre le racisme et l’antisémitisme par exemple).

    2 Obligation de surveillance : Privatisation de la Police

    Alors que l’Union européenne interdit d’imposer une obligation générale de surveillance du Net aux intermédiaires techniques, le projet de loi joue sur les mots et impose une obligation de surveillance spécifique à certains contenus : En pratique, cela imposerait ni plus ni moins que de surveiller absolument tous les contenus circulant sur le Net (puisqu’il faut bien aller chercher le spécifique où il peut être : c’est à dire n’importe où à n’importe quel instant). Cela n’est ni raisonnable, ni réaliste. Par ailleurs, au plan des principes, cela reviendrait à imposer à des groupes privés d’effectuer des opérations de surveillance policière : ce serait contraire au modèle républicain, et génèrerait une ambiance pour le moins délétère sur le Net français.

    Tout cela est inacceptable : C’est à la Police d’effectuer les opérations de Police. Les milices privées et les chasseurs de prime ne sont pas compatibles avec les valeurs républicaines .

    Vous engagez-vous à supprimer de la Loi toute obligation de surveillance du Net par des groupes privés ?

    PCF : Notre position de principe quant à la lutte contre les contenus illicites reste la même que celle que nous avions défini lors des amendements Bloche sur les “diligences appropriées” : l’Internet doit être régi par les mêmes principes fondateurs que tout autre média d’information ; le débat public doit être le préalable à toute législation sur ce sujet qui concerne tous les citoyens, une loi sur les contenus ne doit pas être supplanté par autant de lois qu’il y a de contenants.

    Nous ne sommes donc pas favorables à une législation “au coup par coup” dérivant vers une volonté de contrôle des contenus numériques par les hébergeurs et les FAI privés.

    3 Filtrage aux frontières : La ligne Maginot liberticide (comme en Chine !)

    En demandant aux fournisseurs d’accès de cesser de permettre l’accès à certains contenus, le projet de loi entend imposer en pratique un filtrage du Net aux frontières qu’aucune démocratie occidentale n’a à ce jour osé imposer. La réalité pratique est que ce filtrage est d’une part inefficace, et d’autre part empêcherait les internautes français d’accéder à des millions de sites parfaitement légaux hébergés à l’étranger. Si certains contenus sont intolérables, ce n’est certainement pas en faisant l’autruche que l’on pourra réellement les combattre (sauf à vouloir masquer une coupable inaction derrière le rideau de fumée de l’annonce de prises de mesures dont on chercherait à minimiser ou cacher l’inefficacité) . Il s’agit donc surtout d’une intolérable atteinte à la liberté d’information des français, sans compter qu’au-delà de son inefficacité, ce filtrage aurait un coût important, qui serait répercuté sur le montant des abonnements des internautes français : Ces derniers devraient donc payer pour une lutte inefficace contre des activités illicites ayant lieu à l’étranger… Enfin, l’Union européenne considère officiellement ce type de procédé comme attentatoire à la liberté d’expression.

    Vous engagez-vous à supprimer de la Loi toute obligation de filtrage des contenus par les fournisseurs d’accès ?

    PCF : Variante du nuage de Tchernobyl s’arrêtant aux frontières nationales, si les contenus sont hébergés sur une machine située à l’étranger, il est prévu de demander aux fournisseurs d’accès “de cesser d’en permettre l’accès”. Autrement dit de “filtrer” des contenus hébergés à l’étranger de façon à ce qu’ils ne soient plus accessibles par les internautes français ! La France rejoindrait le club très fermé des pays qui filtrent l’Internet : Birmanie, Corée du Nord, Tunisie, Chine et autres amis des droits humains vont compter un nouvel adepte, premier de sa catégorie dans les pays occidentaux. D’autant que tout cela est parfaitement inefficace contre l’explosion de la pornographie et des sites racistes et illégaux qui captent une partie du trafic sur Internet, et qu’il faut combattre sans hypocrisie, particulièrement en s’attaquant à leur financement.

    4 Suppression du caractère privé de l’e-mail

    A la demande de l’industrie du disque, la notion de correspondance privée serait supprimée de la définition de l’e-mail : Aucun internaute français ne peut accepter que l’on porte une telle atteinte à sa sphère privée. Le caractère privé du mail doit impérativement être réaffirmé clairement dans la loi si l’on veut que les français aient un minimum de confiance dans leur Net.

    Vous engagez-vous à rétablir clairement dans cette Loi le caractère totalement privé du courrier électronique , qui doit demeurer inviolable ?

    PCF : Au delà de l’exception juridique que cela constituerait, faisant de l’Internet l’objet de lois spécifiques, ces mesures semblent très influencées, au-delà d’un aspect sécuritaire assez paranoïaque, par les rêves de fichage chers aux sociétés marchandes voulant faire de chaque internaute un client identifié, et de chaque citoyen à contrôler un consommateur à connaître.

    Le caractère privé du mail doit être réaffirmé, ce qui doit aussi inclure une lutte contre le spam résolument opt-in.

    D’autant que le projet de loi de transposition du paquet télécom prévoit d’une part la définition des communications électroniques en remplacement de la notion de télécommunications et d’autre part une révision de la compétence du CSA.

    Le projet de LEN, quant à lui, redéfinit la communication publique en ligne sans tenir compte de ces aspects, et définit les services de télévision et de radio. Les deux textes méritent débat, et un débat public, approfondi et cohérent.

    Pour ces quatre points, vous engagez-vous à intervenir au niveau de l’Union européenne afin -si besoin est- de les faire écrire dans la Loi européenne ?

    PCF : Dans l’état nous considérons que la Loi Fontaine est inapplicable et illicite au regard du droit Européen. Comme pour la directive européenne dite “brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur”, fortement amendée grâce au travail conjoint des communautés du Libre et de plusieurs groupes parlementaires, le groupe de la GUE et sa composante “Bouge l’Europe !” porterons si nécessaire les amendements de la coalition du libre, de la ligue Odebi, de la FIL, etc…

    Ce résultat est à apprécier comme un exemple de médiation permis par le travail associatif, sur un sujet que les inspirateurs du texte initial comptaient bien restreindre à de la technique opaque, et qui a finalement révélé toutes ses dimensions politiques, sociales, éducatives, philosophiques.

    C’est aussi une preuve de plus que le modèle du Logiciel Libre doit être défendu activement par l’intervention politique et associative, comme le fait le Parti communiste français depuis 1995. Le Libre reste la meilleure garantie d’accès à la connaissance pour tous, fondé sur la coopération et la mutualisation, point d’appui pour le service public et contre la marchandisation du savoir.

    Nous saluons le travail constructif du groupe de la Gue-NGL (http://www.europarl.eu.int/gue) et des députés de sa composante française “Bouge l’Europe !” (www.bouge-leurope.org) pour le portage de nombreux amendements destinés à empêcher l’extension considérable du champ d’application de la propriété intellectuelle que la directive initiale prévoyait.

    Même si certains avancent le prétexte politique de la lutte contre des contenus intolérables (incitation à la haine raciale, apologie de crimes de guerre, pédophilie) pour justifier ce projet de loi, tous les internautes savent désormais (cela a été publiquement dénoncé en particulier à l’assemblée) qu’il a en réalité été rédigé au seul profit des intérêts économiques de l’industrie phonographique qui tente d’en faire un outil de lutte contre le piratage.

    En ce sens, et du fait des pressions exercées par cette industrie dans le seul but d’assouvir ses intérêts financiers, des acteurs du processus législatif envisagent de « concilier » la liberté d’expression des internautes avec les intérêts économiques de cette industrie : Pour les citoyens numériques il est clair qu’en ce qui concerne leurs droits fondamentaux il n’est pas envisageable de concilier, marchander, ou négocier quoi que ce soit !

     La liberté d’expression n’est pas marchandable.

     Le droit à une justice indépendante et impartiale avant toute censure n’est pas négociable.

     Le respect de la correspondance privée n’est pas marchandable.

    Vous engagez-vous à réaffirmer le caractère totalement non négociable de ces droits fondamentaux des citoyens français ?

    PCF : Oui. Nous y ajouterions même au moins un principe : « l’aménagement du territoire et l’accès de toutes les régions à l’Internet n’est pas une marchandise ».

    Le projet de loi autorise les collectivités à devenir opérateurs, ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle en soi. En revanche, ce droit est restreint aux seuls endroits touchés par « l’insuffisance d’initiative privée ». Les opérateurs peuvent donc restreindre leur implantation aux seuls zones rentables sans états d’âme, et ils ne seront pas « gênés » par la concurrence du service public là où ils seront installés.

    En vous remerciant pour votre réponse, dont les citoyens numériques feront bon usage, veuillez recevoir nos salutations républicaines.


    remarques :
      j’ai mis les réponses du PCF en italiques et en retrait
      les questions de la Ligue Odebi en gras

    P. Bardet

  • Quand même, je trouve assez curieux que Odebi fasse une publicité dans cet article pour Agoravox, et ce simulacre de débat sur Internet, relayé notamment par Libération au service de la grande bourgeoisie.

    Un prétendu débat à 4 sur la Toile, voici ce que l’on peut en penser

     Fatigués du cirque Royal-Bayrou-Sarkozy-Le Pen ?

     Qui contrôle les débats électoraux sur la Toile ?

    Patrice Bardet