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Berlusconi oppose la légitimité des urnes à celle des magistrats

Publie le jeudi 8 octobre 2009 par Open-Publishing

de Mathilde Gérard

La décision est tombée comme un coup de massue pour le président du conseil italien. Au terme de deux jours de délibération, les quinze magistrats de la Cour constitutionnelle ont jugé inconstitutionnelle la loi Alfano qui garantissait l’immunité judiciaire aux occupants des quatre plus hautes fonctions de l’Etat – le président de la République, le président du conseil et les présidents de la Chambre des députés et du Sénat. Mais les conséquences de cette décision sur l’avenir politique de Silvio Berlusconi, contre qui quatre procédures judiciaires sont en cours, restent floues, à en lire les commentaires de la presse italienne, jeudi 8 octobre.

La Stampa souligne ainsi que malgré les nombreux procès intentés à son encontre, Silvio Berlusconi est parvenu à accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat. "Il a supporté des condamnations, par la suite transformées en absolutions. Il s’en est sorti couvert par de simples prescriptions. Et tout cela ne l’a pas empêché de gagner ou perdre des élections et occuper à trois reprises le palais Chigi [le siège du gouvernement italien], malgré la pression judiciaire qui s’accumulait contre lui." Pour le quotidien turinois, c’est en fait toute la classe politique qui est touchée par cette décision, qui met fin à une culture de l’impunité pour ceux qui occupent des fonctions publiques. La Stampa rappelle ainsi que les socialistes Romano Prodi et Massimo d’Alema avaient eux aussi dans le passé fait l’objet de poursuites, bien qu’à l’époque ces derniers avaient réagi "avec plus de respect pour la justice, sans en faire une affaire personnelle".

GUERRE DES LÉGITIMITÉS

Car c’est bien de la légitimité de la justice, et plus généralement, de l’architecture des institutions italiennes, dont il est question. Réagissant à chaud à l’annonce de la décision de la Cour constitutionnelle, Silvio Berlusconi l’a qualifiée de "politique", accusant "onze des quinze magistrats" de la Cour d’être "de gauche". Il s’en est par ailleurs pris au chef de l’Etat, Giorgio Napolitano : "On sait de quel côté il est", a-t-il lancé.

De telles déclarations ne sont "en rien spontanées ni dues à l’émotion", assure le Corriere della Sera. "Le chef du gouvernement a décidé d’opposer sa propre légitimité électorale aux institutions qui, selon lui, n’ont pas ’le peuple’ derrière elles." Le quotidien prédit de possibles fissures à la tête de l’Etat ces prochains mois, mais doute que la décision conduise Silvio Berlusconi à quitter ses fonctions. "Il demeure l’unique point d’équilibre, non seulement de la majorité, mais aussi du système politique. En effet, il n’y a pas d’opposition capable de diriger le pays à l’heure actuelle."

DE LA SOLIDITÉ DES NERFS

Le directeur de publication de La Repubblica a un avis plus tranché. Ezio Mauro estime que la décision de la Cour et la réaction de Silvio Berlusconi – "terrorisé par les magistrats, et davantage encore par son passé" – sont une preuve supplémentaire de son "instabilité" en tant que premier ministre. Et le journaliste de noter qu’en quinze ans de carrière politique, "aucune épreuve de gouvernement, aucun sursaut d’honneur et aucun sommet international, n’ont réussi à lui donner la stature d’un homme d’Etat".

C’est certainement "l’épreuve la plus difficile que Silvio Berlusconi devra affronter au cours de sa longue carrière politique", écrit Il Sole - 24 Ore. Mais pour le quotidien économique, les conséquences politiques de cette levée de l’immunité dépendront en grande partie de la "solidité des nerfs" de ceux qui le poursuivront et de leur capacité à "ne pas se précipiter dans un tourbillon hors de contrôle". Ainsi, le directeur du site Internet de La Repubblica, Vittorio Zucconi, écrit sur son blog que les appels à la démission sont contre-productifs et ne font que renforcer la conviction de Silvio Berlusconi d’être "persécuté politiquement". Le président du conseil italien promet ainsi de contre-attaquer. On ne peut guère dire de lui qu’il n’a pas les "nerfs solides".

http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/10/08/berlusconi-oppose-la-legitimite-des-urnes-a-celle-des-magistrats_1250870_3214.html