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Biélorussie
21/03/2006
L’élection présidentielle fait désormais partie de l’Histoire, la semaine d’observation est passée. Mais voici le commencement...
La naissance de l’aventure de la compréhension de la Biélorussie se trouve en Mme. Ermoshina, chef de la Commission Centrale Electorale. Lors de son discours devant les membres de l’Assemblée Parlementaire de l’OSCE (et de l’OTAN) dont je suis le maillon le plus insignifiant de l’administration, et répondant à la question d’un parlementaire « Pourquoi avez-vous invité l’OSCE et non pas l’UE ou le Conseil de l’Europe ? ». Au lieu de répondre - ce que j’estime légitime - « Nous sommes membres de l’OSCE et non pas de l’UE ou du Conseil de l’Europe », elle déclare « Lorsque j’ai voulu aller dans l’UE, je me suis vu refuser le visa pour mon entrée sur le territoire, pourquoi devrais-je inviter des ENNEMIS dans mon pays ? ». L’assemblée composée de politiciens professionnels reste impassible. L’UE est ma passion et ma vocation ; s’entendre dire que des Membres du Parlement Européen sont des ennemis, alors que j’en connais certains personnellement, me heurte et je commence à prendre conscience de la situation politique en Biélorussie.
Election Day :
A quatre - un député du Bundestag, notre interprète et notre chauffeur Biélorusses, et moi - nous quittons Minsk à la découverte du pays.
Ouverture des bureaux et matinée électorale :
L’accueil est chaleureux et amical à 1 heure de voiture de la capitale ; les gens sont fiers d’avoir des étrangers de l’OSCE pour observer leur bureau de vote.
Je souligne l’aspect humain de ces rencontres car ces personnes sont des gens incroyables ; ils sont heureux et fiers d’être membre de leur Commission Electorale de Circonscription. Ils sont ravis de se présenter et de nous faire partager leur journée électorale.
Transparence des élections à ce moment de la journée : 100%. Mais il faudra revenir plus tard sur le système de vote par anticipation.
Visiblement l’organisation est parfaite. Notre équipe est totalement satisfaite.
Avant de quitter cette petite bourgade, notre interprète souligne la ligne de démarcation entre la Biélorussie de ‘façade’ et celle que connaissent la majorité des habitants. Cette limite se trouve en dehors de la rue principale de cette petite ville. Il suffit de prendre une rue perpendiculaire pour observer l’état de délabrement du pays.
Nous ne suivrons plus les indications des Observateurs de Longue Durée qui nous ont déployé, nous prenons une carte de la région et la route vers la ‘vraie’ Biélorussie.
Trente kilomètres plus loin et un désert de neige plus tard, nous sommes en Biélorussie rurale. Les drapeaux rouge et vert, qui plus tôt nous indiquaient la présence d’un bureau de vote, sont si nombreux qu’ils ne nous seront plus d’aucune utilité pour nous orienter. Nous nous adresserons toujours aux passants pour nous aider dans nos recherches.
Là encore, une coopération totale est déployée ; des personnes chaleureuses, des gens bien, fiers et beaux nous accueillent.
Un des souvenirs qui restera le plus longtemps gravé dans ma mémoire est cette succession de portraits mis ostensiblement en évidence devant le bâtiment officiel central. Ces figures sont celles des travailleurs et plus généralement des membres de la ‘collectivité’ les plus méritants au niveau régional.
Ca y est, je suis en Biélorussie. Un verrou supplémentaire de la compréhension vient de sauter. A partir de ce moment je me suis élevé à un niveau de prise de conscience supérieure de la société Biélorusse qui va m’aider à observer et comprendre les évènements qui vont suivre.
L’endroit le plus reculé de la Biélorussie que j’ai atteint : une cabane en bois perdue au milieu d’un modeste hameau de cabanons isolés dans un mars blanc et glacial. Cela sera le dernier bureau de vote civil que nous observerons. Les militaires chargés de la surveillance du bureau - procédure normale et conforme aux standards internationaux - nous accueillent avec étonnement et respect. Le bureau de vote composé d’une commission de 5 personnes est quasiment vide. Le chef de cette commission est paniqué, non pas par la présence d’observateurs de l’OSCE - puisque tout est électoralement parfait, un ‘très bon’ rapport de plus pour la journée - mais parce qu’il aurait voulu nous accueillir de façon plus officielle. Une fois de plus nous aurons procuré une grande satisfaction par notre présence.
Nous étions donc dans un bureau de vote rural fort peu préparé à la visite d’observateurs internationaux. Une vieille femme, représentante d’une Union locale, assise seule sur une chaise de cette pièce déserte devait être la seule à observer ce bureau en cette journée d’élection.
Tout au long de notre observation nous aurons eu à coeur de rendre à nos hôtes les sourires et les chaleureuses poignées de mains qu’ils nous auront échangé. Le dialogue aura été clair et limpide, ces gens sont vraiment des êtres humains exceptionnels.
Une surprise supplémentaire provient du meilleur accueil qui nous aura été réservé ; c’est celui d’une base militaire des forces terrestres Biélorusses. Les militaires étaient visiblement les mieux préparés à la visite d’observateurs de l’OSCE. Ils nous apprendront que nous sommes la deuxième équipe à leur rendre visite. Je reconnais dans leur description un amical parlementaire, ancien Officier dont l’intérêt pour ce bureau de vote précis me semblait évident. Il est 12h et les votes sont déjà terminés dans ce bureau de 357 inscrits. En accord avec le Code électoral, le dépouillement a déjà eu lieu et les résultats nous sont communiqués : 356 voix pour Lukashenko, 1 voix pour Milenkevich. Les célébrations de la victoire du Président sortant vont déjà bon train dans la salle de représentation de la base. Une jeune femme chante seule sur scène devant une salle remplie de soldats disciplinés dont les applaudissements rappellent la cadence des défilés militaires. Un des officiers de la base nous servira de guide, il nous invitera à prendre le café, une table est remplie de gâteaux et de mignonnettes biélorusses est dressée. Il veut connaître notre opinion sur le déroulement des élections à ce stade de la journée. Les soldats pouvaient célébrer la victoire de leur Président, la victoire était acquise.
Changement de décors, nous décidons de rencontrer des militants locaux de l’opposition. Nous irons même chez l’un d’entre eux. Ces personnes vivent dans la crainte et sont intimidés au quotidien. Certains subissent des agressions physiques et espèrent trouver du soutien dans la communauté internationale. Je comprendrais plus tard qu’ils ont peur de ‘disparaître’ une fois les observateurs de longue durée sortis du pays. Je suis le premier Français que l’un d’eux rencontre et il nous convaincra de l’existence de fraudes au niveau de la formation des comités d’observation locaux des bureaux de vote.
Il nous faudra déjeuner dans une pièce isolée d’un petit restaurant, au volume musical élevé pour rencontrer un autre militant local, ouvertement suivi par deux agents du KGB se trouvant dans la salle principale du restaurant. L’élu Allemand avec qui je fais équipe lui confirmera ce qu’il sait déjà : Lukashenko va gagner le scrutin, la révolution n’aura pas lieu. Je vois les larmes remplir ses yeux. Il demande de l’aide, et tout ce que je trouve à lui dire c’est que l’OSCE sera présente aux prochaines élections, puis aux suivantes...
Dans une petite ville aussi isolée de la Biélorussie, où l’influence de la ville moderne et fascinante de Minsk trouve sa limite, je sais qu’il est sur la liste des personnes qui ‘peuvent’ disparaître une fois les élections oubliées à l’extérieur du pays. Le fait qu’il accepte de nous rencontrer n’est pas gratuit, il espère que cela lui assurera une certaine forme de protection. Je la lui souhaite.
Dans la rue, tout est prêt pour accueillir les célébrations de la victoire du Président sortant. Il est 14h et les radios annoncent un score de plus de 80% pour Lukashenko - au mépris de la règle électorale interdisant la divulgation des sondages sortie des urnes (sondages réalisés par des organismes agréés par le pouvoir) avant la clôture des bureaux de vote à 20h - les partisans du Président veulent faire comprendre aux opposants qu’ils n’ont rien à espérer.
Après neuf bureaux de vote visités dans cette région de Biélorussie, toute observation supplémentaire s’avère superflue. Il n’y a rien à voir, le message est reçu, circulons.
La politique :
De retour à Minsk, dans le but de faxer nos rapports d’observation, je me rends dans la salle de réunion mise à disposition de l’OSCE PA par l’hôtel. Une réunion dont le but est de se concerter sur le contenu du rapport final vient de débuter. C’est une confrontation Russie Vs reste du Monde qui s’y déroule. Mais à 16h, tous savent déjà que les élections ont été truquées dès la campagne et qu’une révolution n’aura pas lieu. Le chef de la délégation Russe offre un toast à la coopération internationale ; je sais qu’il boit à la victoire.
20h00 : Les bureaux de vote ferment, les dépouillements commencent et la fraude prend corps. La transparence de la journée de dimanche laisse la place à l’opacité de la nuit à Minsk dans le bureau que j’observe. Au mépris de la procédure prévue par le code électoral, tous les bulletins provenant des urnes de vote par anticipation - source principale de la fraude électorale puisque les électeurs votent depuis plusieurs jours sans le contrôle d’observateurs internationaux - des urnes mobiles et des urnes fixes sont comptés ensemble. Sans un dépouillement séparé, notre observation se poursuivra dans une complète opacité supervisée par deux hommes en civil - probablement du KGB - dont on ne me cachera même pas leur non appartenance à la Commission Electorale de Circonscription qui est seule habilitée à effectuer les opérations de dépouillement.
Fort heureusement, mon amical député sera plus heureux que notre équipe. Le dépouillement auquel il a assisté n’a pas connu la fraude. Résultats : 91% des votes exprimés pour Lukashenko lors du vote par anticipation contre 49% pour la journée de dimanche.
Ces chiffres doivent être relativisés puisqu’ils sont le fruit d’une observation ponctuelle et géographiquement limitée. Néanmoins, il apparaît clair que le vote par anticipation - qui par mon expérience a rassemblé environ 45% des inscrits - ne reflète pas la réalité des scores obtenus dimanche par les candidats respectifs. La seule explication délivrée par le chef de ce bureau de vote : « Les personnes voulant voter pour le Président étaient impatientes » n’est pas crédible. Même si il est clair que le Président Lukashenko est populaire en Biélorussie, son score réel se trouve aux alentours de 50%. Les 82% annoncés depuis dimanche ne reflètent pas la réalité. Il apparaît clair aujourd’hui que des élections frauduleuses ont eu lieu et que Lukashenko a été réélu. La révolution escomptée par l’opposition et les médias n’aura pas lieu en Mars 2006.
Ceci dit, une autre conclusion s’impose. Lors de ce bref séjour, j’ai eu la chance de partager la vie de la capitale avec de jeunes Biélorusses, et tout particulièrement avec une personne qui me ressemble. Pour bien vivre en Biélorussie, il faut rester hors de la politique. En Europe de l’Ouest on utilise trop facilement le mot ‘dictature’ pour qualifier le régime Biélorusse. Concrètement, l’état d’esprit de la population est dominé par la peur. Ceux qui ne s’en rendent pas compte et travaillent pour la collectivité semblent heureux. Les opposants au régime n’ont pas de moyens de communication et les médias sont contrôlés. La soirée télévisuelle de dimanche soir était dominée par le film ‘Lost in translation’ prouvant au moins qu’à défaut de liberté, les médias ont du goût.
Des élections aujourd’hui ? Rien sur le ‘rally’ qui se tenait au coeur de la capitale alors qu’il s’agissait d’un vrai rassemblement populaire de 2 à 3 mille personnes qui risquaient beaucoup plus que moi par leur présence. Certains d’entre eux brandissaient le drapeau étoilé de l’UE au bout de cannes à pêche transformées en mats de fortune. Pour les aider il faut penser à eux ; lutter contre l’oubli inspiré par notre vie quotidienne. Faire cela c’est les protéger car croyez moi, nos problèmes ne sont rien comparé à la pression qu’ils connaissent à vivre dans un état policier ou règne un puissant KGB sous le contrôle d’un seul homme qui vient d’être réélu pour 5 ans.
Je me rendrais compte quelques minutes après avoir écrit ce qui précède que l’homme qui était assis à ma droite dans l’avion Minsk - Frankfort est un agent du KGB. Son rôle n’était pas particulièrement de me surveiller bien qu’il semblait attentif à ce que j’écrivais ; il était là en représentation, il était là pour s’assurer que les observateurs de courte durée qui remplissaient le vol quittaient bien le pays. Il sera arrêté par la police Allemande sous mes yeux à la sortie même de l’avion ; mais il le savait déjà avant de monter. Son passeport Biélorusse était dans sa main avant même qu’il ne quitte son siège. Et oui, c’est ça la Biélorussie, pour le meilleur et pour le pire. Pour ceux qui ne l’ont pas déjà fait, lisez ‘1984’ de G. Orwell, cela vous aidera à comprendre ce que vous venez de lire.
Messages
1. >Biélorussie, bravo de ne pas avoir capitulé devant le capitalisme impérial !, 9 octobre 2006, 15:23
J’aime quand vous parlez de l’accueil chaleureux des Biélorusses mais pas certaines de vos interprétations. Vous ne connaissez pas les Russes.
La Russie n’ a pas besoin des valeurs surfaites de l’Occident éteint. Qui ne sait plus de quel expédient user pour redorer son blason.L’un d’entre eux et le plus risible étant la leçon de démocratie, avec le kit du bon électeur, du bon opposant et tout et tout ! Avec des réunions "secrètes" et un petit frisson en compagnie d’un terrible sbire du KGB ! Quel héroïsme !
Après la capitulation des derniers dirigeants d’URSS, Gorbatchev et Eltsine, face au capitalisme impérial, jetant ainsi aux orties les acquis sociaux pourtant durement gagnés par les luttes des populations, nous avons vu avec douleur et rage (pour ceux qui y ont des attaches) le spectre de la misère revenir hanter la Russie. Comme au bon temps de l’Autocratie .
Les Biélorusses ne veulent pas d’un retour en arrière. Les plus conscients en tout cas , dont certaines "vieilles femmes" ,comme vous dites : souvent d’anciennes Résistantes des maquis. A l’époque, fringantes jeunes et jolies filles, elles se sont dressées contre la Bête nazie qui ensanglantait leur pays, le couvrait de ruines et de gibets. Remerciez-les : c’est grâce à elles que vous n’êtes pas en Germanie.
Les Biélorusses aiment leurs marécages impénétrables et leur fleuve Bérézina : la meilleure assurance contre les prédateurs de tout poil. Ils aiment aussi leurs "vieilles", leurs Babouchkas, ce qui tranche avec notre jeunisme. Dans la chanson de Brel, "les Vieux" ne sont à coup sûr pas biélorusses. Sinon ils seraient respectés, fêtés, entourés.
Les Biélorusses aiment aussi leur jeunesse qui est très belle, vous l’avez remarqué. Et très fière ! Ils se réchauffent à leurs propres flammes, ils ont leurs idéaux, leur musique, leurs broderies et sont aussi très hospitaliers comme vous l’avez vu.
Mais ne vous y trompez pas. Ils ne jouent pas dans la même cour que les petits coqs donneurs de leçons venant périodiquement les sermonner ou fomenter des révolutions. Et qui retournent vite fait vers la chaleur de leur petit nid !
Ces grands démocrates ne tiendraient pas 8 jours dans un maquis. Les Biélorusses ont tenu des années ! Et si un président ne leur convenait pas, ils sont de taille à lui faire savoir.
Même si certains se laissent tenter par les délices de Capoue à l’occidentale. Financés par les fondations capitalistes anti-peuple.
Honte à nos représentants de la Communauté Européenne qui se conduisent de façon indigne envers un dirigeant élu ! Qui refusent des visas comme à des pestiférés parce qu’ils ne bêlent pas avec le business carnassier.
De quel droit ? Et peine perdue : ils ont perdu la Russie, ils sont en train de perdre l’Ukraine. Ils n’auront pas la Biélorussie ! Et c’est bien fait !
little light
1. Il faut écraser le capitalisme ?, 10 octobre 2006, 11:24
Je suis des plus surpris de lire d’aussi virulents propos suite à mon article. C’est donc bien une chance que je ne l’ai pas mis ne ligne dans les jours qui ont suivi les élections, la tension aurait très certainement été plus grande.
Je partage les inquiétudes de la population Biélorusse lorsqu’ils contemplent la paupérisation de l’Ukraine et de la Russie. Néanmoins je ne saurais cautionner une analyse passéiste, désuète, partisane et, disons-le, carrément rétrograde. On pourrait revisiter l’Histoire du continent européen pendant des années, distribuer des lauriers et des blâmes mais dans quel but ? Je suis gêné quand je vois l’Allemagne porter encore le poids de ses erreurs passée, aussi lourdes soient-elles. On le voit encore aujourd’hui quand elle envoi des bateaux au Liban…
Sérieusement, ce qui importe est le présent et encore plus l’avenir. Quel avenir souhaite-t-on pour nos semblables et pour nous-même ? Je suis loin de penser que la société dans laquelle nous vivons est parfaite, ce n’est pas le cas mais ce n’est même pas là la question.
Crois-t-on à la légitimité d’élections justes et libres ? A cette question je réponds OUI ! Et cette réponse affirmative ne préjuge nullement de l’organisation politique qui découle du processus électoral. Es-ce que les élections étaient justes et libre en Biélorussie en mars 2006 ; la réponse est NON. Mais le problème de fond n’est pas de gonfler ou pas le score d’un candidat, le problème est plus global que ça. Le problème est de garder les gens dans l’ignorance, de ne pas laisser de choix. Le simple choix de la libre pensée, chose que visiblement vous devriez cultiver dans le cadre d’une autocritique générale.
Pour illustrer mes propos je vous livre un nouvel article intitulé « Blackout de l’information » :
"La semaine passée les relations entre la Biélorussie et son voisin Russe ont connu une escalade de tension dans le discours de leurs présidents respectifs. La question du prix du gaz fixé par Moscou est au centre de toutes les attentions. Il semblerait que ceux qui prennent les décisions chez Gazprom décident également de la politique étrangère russe.
Ces tensions seraont-elles suffisantes pour inciter Minsk à sortir du giron russe ?
Lukashenko le prétend mais ses propos manquent de conviction. Il serait facile de critiquer un homme tel que lui mais pour l’avoir vu agir en Mars, je peux dire qu’il est homme habile et intelligeant.
La deuxième grosse actualité pour la Biélorussie est la Géorgie. Côté Est, les régimes issus de révolutions ne sont appréciés que par leurs semblables. J’ai constaté moi-même en juillet que la seule chaine d’information tv indépendante Euronews (accessible si l’on paye le cable - j’estime à quelques pourcents - certainement moins de 10% - la population y ayant accès) voyait son signal coupé quand elle parlait de la Géorgie. En plein journal TV, c’est le black out de 5 minutes durant le sujet puis ça redevient normal.
La semaine dernière, mardi je crois, tous les signaux TV et radio étaient coupés dans le pays. La réaction des autorités face à une actualité dérangeante est la "politique de l’autruche", ils font le blackout de l’information en attendant que ça passe...
On peut fermer les yeux pour ne pas voir les choses changer autour de nous. Mais n’évoluent-elles pas pour autant ? En Biélorussie le mot "changement" continue de faire peur et sonne comme une insulte, combien de temps cela va-t-il encore durer ?"
Maintenant si l’on doit parler du KGB et bien parlons-en. Tout d’abord je n’ai jamais utilisé le qualificatif de « sbire » que vous semblez si facilement m’attribuer. Sachant que rien n’est jamais noir ou blanc, je me rends bien compte de la nature « fonction publique » du métier. Mais alors que les services secrets d’un pays sont sensés le protéger de l’intérieur et, encore plus, de l’extérieur ; en Biélorussie on se protège encore plus de soi-même. C’est le règne de l’intimidation, on se DOIT de fournir les informations demandées ou bien il faut se préparer à des conséquences… Sincèrement ça revient simplement à une tête cherchant à se protéger d’un bras alors qu’ils font partie du même corps. La paranoïa n’est pas nécessaire, nous sommes tous européens.
Trouvez-vous vraiment normal que des étudiants perdent leur place à l’université car ils ont participé à des manifestations non sanctionnées pas les autorités ? Vous imaginez ça appliqué à la France ? Non pas qu’en France manifester soit facilement interdit, mais vous, mieux que quiconque, devriez respecter la liberté de manifester son mécontentement en public. Il n’y avait pas de « complot » organisé pour faire chuter le régime même si les médias en auraient fait leurs choux gras. La réalité c’est qu’il y a eu assez de place à Minsk pour 3 jours de liberté d’expression puis tout le monde a dû passer par la case prison !
Dernières questions ; êtes-vous allé à Minsk dernièrement ? Disons ces deux dernières années ? Avez-vous vu les aménagements du centre ville ou fréquenté les endroits où sortent la nouvelle génération (Bronx, Madison,…) ? Encore mieux, vous êtes-vous rendu dans des villes de province comme Mogilève où le vestige du paradis que vous chérissez tant est une des dernières statues de Lénine encore sur pied ?
Rien n’est blanc ou noir, mais la Biélorussie est déjà en plein changement.
2. >Biélorussie, bravo de ne pas avoir capitulé devant le capitalisme impérial !, 9 octobre 2006, 15:23
J’aime quand vous parlez de l’accueil chaleureux des Biélorusses mais pas certaines de vos interprétations. Vous ne connaissez pas les Russes.
La Russie n’ a pas besoin des valeurs surfaites de l’Occident éteint. Qui ne sait plus de quel expédient user pour redorer son blason.L’un d’entre eux et le plus risible étant la leçon de démocratie, avec le kit du bon électeur, du bon opposant et tout et tout ! Avec des réunions "secrètes" et un petit frisson en compagnie d’un terrible sbire du KGB ! Quel héroïsme !
Après la capitulation des derniers dirigeants d’URSS, Gorbatchev et Eltsine, face au capitalisme impérial, jetant ainsi aux orties les acquis sociaux pourtant durement gagnés par les luttes des populations, nous avons vu avec douleur et rage (pour ceux qui y ont des attaches) le spectre de la misère revenir hanter la Russie. Comme au bon temps de l’Autocratie .
Les Biélorusses ne veulent pas d’un retour en arrière. Les plus conscients en tout cas , dont certaines "vieilles femmes" ,comme vous dites : souvent d’anciennes Résistantes des maquis. A l’époque, fringantes jeunes et jolies filles, elles se sont dressées contre la Bête nazie qui ensanglantait leur pays, le couvrait de ruines et de gibets. Remerciez-les : c’est grâce à elles que vous n’êtes pas en Germanie.
Les Biélorusses aiment leurs marécages impénétrables et leur fleuve Bérézina : la meilleure assurance contre les prédateurs de tout poil. Ils aiment aussi leurs "vieilles", leurs Babouchkas, ce qui tranche avec notre jeunisme. Dans la chanson de Brel, "les Vieux" ne sont à coup sûr pas biélorusses. Sinon ils seraient respectés, fêtés, entourés.
Les Biélorusses aiment aussi leur jeunesse qui est très belle, vous l’avez remarqué. Et très fière ! Ils se réchauffent à leurs propres flammes, ils ont leurs idéaux, leur musique, leurs broderies et sont aussi très hospitaliers comme vous l’avez vu.
Mais ne vous y trompez pas. Ils ne jouent pas dans la même cour que les petits coqs donneurs de leçons venant périodiquement les sermonner ou fomenter des révolutions. Et qui retournent vite fait vers la chaleur de leur petit nid !
Ces grands démocrates ne tiendraient pas 8 jours dans un maquis. Les Biélorusses ont tenu des années ! Et si un président ne leur convenait pas, ils sont de taille à lui faire savoir.
Même si certains se laissent tenter par les délices de Capoue à l’occidentale. Financés par les fondations capitalistes anti-peuple.
Honte à nos représentants de la Communauté Européenne qui se conduisent de façon indigne envers un dirigeant élu ! Qui refusent des visas comme à des pestiférés parce qu’ils ne bêlent pas avec le business carnassier.
De quel droit ? Et peine perdue : ils ont perdu la Russie, ils sont en train de perdre l’Ukraine. Ils n’auront pas la Biélorussie ! Et c’est bien fait !
little light
1. > Hommage au "sbire" du KGB pour sa patience et son abnégation., 9 octobre 2006, 22:38
Petite précision à propos du "sbire" du KGB. En réalité, un humble fonctionnaire qui fait des heures sup par pur patriotisme car il est payé des clopinettes à côté des largesses accordées aux visiteurs électoraux.
Il râle (en silence) parce qu’il est loin de sa famille, que lui aussi il aimerait rejoindre son petit nid douillet. Et tout ça parce que des m...deux seraient capables de revenir sur leurs pas et infiltrer son pays pour y f... le bordel !
Mais il prend son mal en patience. Il travaille pour son pays, quoi. Il positive. Il se dit que le quidam à reconduire est plutôt sympa.
Et puis il se console en pensant que son grand-père et sa grand-mère ont dû, eux, combattre des années dans le maquis. Et qu’avec un peu de chance, et de vigilance, il pourra éviter cette extrémité et ses enfants aussi.
Il se prend à rêver : si ces fichus Occidentaux pouvaient se calmer un brin et laisser les gens des autres nations en paix, il pourrait peut-être se détendre plus souvent avec ses proches, jouer de l’accordéon à la fête du village et rire et danser jusqu’au petit matin !
Vivre quoi ! Comme tout être humain qui se respecte.
Molodiets khlopets ! (*)
little light
(*) Bravo le gars !
2. > Hommage au "sbire" du KGB pour sa patience et son abnégation., 10 octobre 2006, 08:25
merci little light, il est temps en effet que l’on reconnaisse ce qu’on doit à l’héroïsme des biélorusses pendant que nous en France petain serrait la main de Hitler... Tes phrases sur les vieilles, qui furent de magnifiques et jeunes combattantes m’ont émue.
Je me souviens de ce que me racontait à Minsk une de ces femmes, après la guerre il restait plus de trois femmes pour un homme tant la population avait payé son écot à la résistance, elle m’a dit : "Danielle, nos hommes sont devenus des enfants gâtés parce qu’ils étaient une denrée rare... " Non seulement ces magnifiques jeunes femmes ont été des résistantes mais après elles ont du travailler la terre, faire des travaux d’homme, et dans le même temps avoir des vies gachées par le veuvage et le célibat... Alors si les biolorusses admirent leurs babouchkas tant mieux, elles le méritent...
Danielle Bleitrach
3. > Hommage au "sbire" du KGB pour sa patience et son abnégation., 10 octobre 2006, 16:22
et itou en Russie...sauf que là bas, même pas de Lukashchenko "rétrograde" (demander aux babushki biélorusses si elle aiment Lukashchenko...bon, pas de l’amour sans borne (encore que j’en ai entendues...), mais au vu de ce qui se passe à droite à gauche, elle savent ce qu’elles leur doivent). Du coup y on voit mendier dans la rue des grand-mères dont chacune à plus vécu à elle seule que tous les "parlementaires adorés" de cet article. Quand je croise, par exemple à St Petersbourg, une femme de 70 ans qui vend des chats sur la Nevski, je ne peux m’empêcher de m’imaginer sa vie : purges à la naissance, siège-charnier de Leningrad pdt l’enfance, adolescence à travailler comme une brute ds les pionniers/komsomols pour reconstruire le pays, pb de logements sous Xruchev, stagnation Brejnevienne pour élever ses enfants, et, en guise de retraite bien mérité, bordel total depuis les années 90 qui lui sucrent ses allocs et son logement (privatisation et guettoisation spatiale rampante).On se sent vraiment merdeux à côté, avec toutes ses dents, sa sécurité sociale et un salaire qui a un sens...
Cher "marco.com", est-ce vraiment si difficile à comprendre que des Biélorusses puissent avoir une dent contre l’UE ?! C’est pas en visitant la Biélorussie à la BHL avec un chauffeur et un interprète que tu risques de comprendre vraiment qqc. Y’a des choses qu’on ne comprend bien qu’en les vivant, et le pb c’est que les étudiants d’opposition, à plus forte raison toi-même, ne vivez pas la même chose que, par exemple, ces grand-mères. Il faut essayer de se mettre ds leur peau, et c’est très dur parce que nos conditions/espoirs sont très différents. Moi aussi j’ai longtemps fréquenté les djeun’s de Moscou qui me ressemblaient, démocrates, progressistes, anti-Poutine, éduqués, qui voyagent, qui font réparer par d’autres leur jigouli quand elle est en panne....avant de passer - par moments - de l’autre côté du miroir. Et là le choc est rude : d’abord on trouve les gens presque "affreux". On les voit au delà des banalités résumées ici (accueillants, souriants etc. - bien que déjà à ce niveau je sois pour le moins surpris en comparant à mon expérience, même si moi je n’avais pas de chauffeur il faut dire). Et il faut du temps pour arrêter de juger de son seul point de vue. Vivre avec eux, comprendre que toi tu n’es pas menacé par un service militaire, par une expulsion de logement, que tu es fatalement, pour eux, un "arriviste". Et oui, il te faut apprendre à accepter d’être considéré ainsi parce que tu as fait des études, travaillé pour obtenir tel diplôme ou tel poste, bref, que tu as dépassé la simple prétention de survivre à tes enfants. Il faut un effort pour s’apercevoir que l’autre est "différent", puis du temps pour l’accepter, et enfin, arriver à retrouver sous ces différences une humanité commune, très largement suffisante pour bien vivre ensemble. L’éternelle histoire du bourgeois qui découvre qu’il n’est pas tout seul...sauf que le happy end tend à devenir rare ces derniers temps, maintenant que "populiste" est même devenu une insulte chez nous :( y’a qu’à en voir l’illustration brillante du dernier referendum....Les babushki biélorusses qui préfèrent quand même un Lukashchenko autoritaire à une "surclasse" européenne à la Attali ? Ca peut se concevoir, non ?
Levochik
4. > Hommage au "sbire" du KGB pour sa patience et son abnégation., 10 octobre 2006, 16:48
Cher Levochik,
j’accèpte tout à fait ces commentaires, je suis en accord avec vos propos et éprouve une profonde empathie pour ces personnes agées qui n’ont pas la qualitée de vie qu’elles mériteraient pour les vieux jours.
J’éprouve également de l’empathie pour des militants d’opposition de province qui ont peur de sortir de chez eux car ils risquent de se faire agresser dans leur cage d’escalier.
C’est une réalité duale. J’ai passé l’été en Biélorussie et je connais les aspects positifs de la société. Mais cela ne transparait pas dans mon article.
Marco.com
5. > Hommage au "sbire" du KGB pour sa patience et son abnégation., 25 septembre 2007, 18:34
Ma réponse n’a rien à avoir avec votre conversation mais vous pouvez surement m’aider. Je suis allée en Biélorussie en 1996, à Minsk dans le cadre d’un échange. Le thème était le travail social. J’aimerai si actuellement le métier d’éducateur existe et si oui, dans quel secteur ils interviennent.
Je vous remercie
Une éducatrice