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Bienfaisantes tentes contre les politiques de l’invisibilité

Publie le mercredi 2 août 2006 par Open-Publishing

De : Gisti
Objet : [gisti-info] Bienfaisantes tentes contre les politiques de
l’invisibilité

Communiqué, 31 juillet 2006
Bienfaisantes tentes contre les politiques de l’invisibilité
Depuis une quinzaine de jours, les tentes igloos de quelques dizaines
de SDF sont en passe de devenir le problème urbain numéro un de
Paris. On aurait préféré que leur irruption dans l’actualité tienne à
la découverte de l’ampleur de la grande précarité plutôt qu’au
souhait des pouvoirs publics de répondre aux inquiétudes de
propriétaires immobiliers et d’estivants en attente de réjouissance.

L’association Médecins du Monde qui, en décembre 2005, en avait
distribué trois cents pour contribuer à faire prendre conscience aux
Parisiens que plusieurs milliers de SDF dorment chaque soir dans la
rue et obliger les pouvoirs publics à l’action a été mise en cause
avec des arguments d’une mauvais foi confondante : ces tentes
contribueraient à l’isolement de SDF qui, ainsi abrités, seraient
moins accessibles aux « maraudes » de certaines associations. Le fait
est qu’elles ont permis de rendre visible une réalité qui ne connaît
pas de saison, sauf pour l’action humanitaire priée de ne se mettre
en branle que lorsque le thermomètre frise le zéro.

Forts de leur nouvelle visibilité, les sans-logis cassent cette
logique et pourraient obliger à repenser des politiques de logement
et d’hébergement qui ne prennent absolument pas en compte les
attentes d’une population très diverse de plus en plus rétive aux
dortoirs collectifs de l’hébergement d’urgence, au demeurant trop peu
nombreux pour satisfaire l’ensemble des besoins.

Le Gisti, par son action quotidienne, est aux prises avec ce même
déni d’existence de pans entiers de la population :

parmi les sans-logis, combien de demandeurs d’asile victimes d’une
politique de dissuasion visant, par la « clochardisation », à les
dissuader de formuler une demande de protection en France et à
handicaper ceux qui se risquent à cette démarche ?
parmi les exilés, combien de captifs de règles de circulation,
notamment européennes, les empêchant d’aller vers leur destination
finale alors même que tout retour vers leur pays est impossible ?

Les pouvoirs publics agissent avec les sans-logis comme ils l’ont
fait avec les exilés depuis des années : ne voulant s’attaquer aux
causes de fond de leur errance, ils s’efforcent de les repousser, de
les disperser, de les rendre invisibles pour interdire tout débat
public. Ainsi le camp de Sangatte a-t-il été fermé en 2002 afin de
faire disparaître le point de fixation médiatique qu’il était devenu
après avoir été créé pour dissimuler à la vue les 73 000 personnes
qui s’y sont succédé. Avec ou sans camp de Sangatte, les exilés,
majeurs et mineurs, continuent d’affluer à Calais, le long des côtes
de la Manche et de la Mer du Nord, ou dans certains quartiers
parisiens, toujours plus précarisés dans l’attente d’une destination
où ils pourraient enfin être accueillis. Et c’est la même logique
d’invisibilisation qui pousse l’Union européenne à faire en sorte que
les migrants soient retenus le plus loin possible de ses rivages,
afin que les milliers de morts causés par la militarisation de ses
frontières échappent aux regards de l’opinion publique.

Tout comme les actions en justice intentées contre les soutiens
d’étrangers en situation irrégulière, le procès d’intention fait à
MDM vise à couvrir des politiques qui préfèrent invisibiliser les
problèmes plutôt que de chercher à les résoudre. En ce sens, comme
les mobilisations en faveur des élèves sans-papiers, comme l’aide
quotidienne aux exilés de Calais ou d’ailleurs, les tentes igloos
sont un instrument de mobilisation politique qui mérite d’être
défendu contre leurs détracteurs, quel que soit le vernis humanitaire
de leur argumentation.

http://www.gisti.org