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Birao, ville fantôme : un crime de guerre français en pleine campagne électorale

Publie le mardi 27 mars 2007 par Open-Publishing
6 commentaires

par Ayman El Kayman, 26 mars 2007

Un bon petit crime de guerre au cœur du Continent noir, rien de tel pour corser une bonne campagne électorale ! Mais hélas, le silence radio total qui a accompagné et suivi la dernière opération spéciale des braves pioupious du 3ème RPIMA (Régiment de parachutistes d’infanterie de marine) basés dans la bonne ville de Carcassonne, est bien au diapason du caractère obscène de la campagne électorale pour la présidentielle française, où les deux principaux candidats font dans la surenchère nationalo-identitaire, pour la plus grande joie du Borgne bâtard breton.

Donc, c’est dit : il n’y aura pas de scandale Birao pour venir entacher cette joyeuse campagne. Silence ! Secret défense ! Accords secrets de défense ! Domaine réservé de la Présidence ! Circulez, il n’y a rien à voir, rien à dire ! Touchez pas au grisbi !

Et pourtant, il y aurait de quoi dire. De quoi s’agit-il ? Je vais vous le conter brièvement.

La République centrafricaine – capitale Bangui – est sous la botte d’un général, François Bozizé, venu au pouvoir avec l’aide française par un coup d’État il y a quatre ans. Depuis que le Centrafrique existe (1960) – auparavant, ce pays s’appelait l’Oubangui-Chari et faisait partie de l’Afrique équatoriale française, et les historiens s’accordent à dire que ce fut le pays où la colonisation fut la plus cruelle -, tous les présidents qui s’y sont succédés ont été mis en place ou dégommés par la France. À commencer par David Dacko, qui prit la place en 1960 de Barthélémy Boganda, père fondateur de la nation centrafricaine, opportunément mort dans l’explosion , inexpliquée à ce jour, de son avion le 29 mars 1959. Pour continuer avec Jean-Bedel Bokassa, mis en place par Foccart et dégommé par Giscard en 1979, au cours de la rocambolesque opération « Barracuda », où VGE fit preuve de tout sauf de gratitude, pour les fameux diamants offerts par l’Empereur. Re-Dacko, renversé par Kolingba en 1981. En 1993, miracle, Ange-Félix Patassé parvient au pouvoir par des élections et non par un coup d’État, fait trop rare pour être signalé. Réélu dans la contestation en 1999, victime de diverses tentatives de putsch, Patassé est finalement renversé le 15 mars 2003 par le général Bozizé, ancien chef d’État-major, appuyé par l’armée française et par son compère Idriss Déby, satrape du Tchad voisin, lui-même venu au pouvoir par les armes et par la France.

La République centrafricaine est un pays riche dont les habitants sont pauvres : ses richesses –diamants, uranium, or et bois tropicaux - y sont honteusement exploitées par des prédateurs. Elle est de plus située stratégiquement entre le Soudan , le Tchad et les deux Congo. Le petit père Bozizé vient de se faire délivrer par le Parlement à ses ordres la possibilité d’édicter des lois par ordonnances, ce qui lui permet de faire ce qu’il veut avec les richesses de « son » pays.

Les Centrafricains ne sont donc pas contents, mais pas du tout, et on les comprend. Et certains d’entre eux ont pris les armes. On peut aussi les comprendre.

Birao est le chef-lieu de la préfecture de Vakaga, dans l’extrême-nord du pays. Sa population est passée en deux ans de 22 000 à 14 000, pour descendre aujourd’hui à 600. La raison en est simple : au moins 70% des maisons de Birao ont brûlé. Accident ? Oh que non ! Ce sont des soldats qui ont mis le feu aux maisons, entre le 4 mars et aujourd’hui. Quels soldats ? Eh bien ! C’est là que les avis divergent : les uns prétendent que ce sont les forces armées de Bozizé, les autres que ce sont les rebelles de l’UDFR (Union des forces démocratiques pour le Rassemblement), qui avaient pris le contrôle de la ville avant d’en être délogés à coups d’obus et de roquettes. L’ONU, qui a envoyé deux missions sur place, constate les dégâts, mais ne prend pas position sur l’identité des criminels. L’UDFR dément avec virulence ces accusations et dit que sont les soldats de Bozizé et leurs protecteurs de l’armée française, qui avaient permis aux troupes « loyalistes » de reprendre le contrôle de la ville et de son aéroport, par une opération double le 4 mars : bombardements des rebelles par des Mirage F1 venus du Tchad et opérations au sol menées par les vaillants paras du 3ème RPIMA.

L’opération du mois de mars a été la première opération aéroportée de l’armée française en Afrique depuis le fameux saut sur Kolwezi (au Congo, alors Zaïre) en 1978.Actuellement, on dénombre quelque 280 000 déplacés, dont 212 000 à l’interieur du pays, 20 000 au Cameroun et 50 000 au Tchad. Au total, un million de personnes, soit le quart de la population du pays, ont été affectées par l’insécurité générale qui règne dans le nord du pays.

L’armée française s’est rendue coupable et complice de crimes de guerre. La Cour pénale internationale devrait ouvrir ce dossier. Le parlement français devrait ouvrir une enquête. L’Union européenne devrait ouvrir sa gueule.

Oh pardon, excusez-moi ! J’’étais encore en train de rêver à haute voix.

La Cour pénale internationale ? Elle ne voit de criminels de guerre qu’au Soudan, chez les méchants « milicens Janjawid ».

Le parlement français ? Il n’a jamais osé s’en prendre à la politique africaine de l’Élysée, domaine réservé et sensible.

L’Union européenne ? Louis Michel, le gros Belge qui est son commissaire au développement et à l’action humanitaire, était justement à Bangui les 7 et 8 mars et il l’a dit « tout va très bien, madame la Marquise ». Il a salué la « volonté d’ouverture et de dialogue » du président Bozizé, « légitimé par les élections démocratiques » de 2005. mais surtout il a annoncé le déversement d’une manne financière sur Bozizé : 68,5 millions d’Euro + 109 millions pour le bitumage des routes et les programmes de « gouvernance », + 2 petits millions pour l’Assemblé nationale + 1 petit million et demi pour financer le « Conseil de la médiation ».

Et Gros-Louis s’est engagé « personnellement » pour « propulser la République Centrafricaine dans une percée politique, économique et sociale » attendue depuis longtemps par la population…

Pendant ce temps, rapportent des petits curieux, des centaines de tonnes d’armes achetées (avec quel argent ?) par Bozizé en Afrique du Sud, affluent à Bangui. Vous avez dit « ouverture et dialogue » ?

Bonne semaine, quand même !

Que la Force de l’esprit soit avec vous !

Retrouvez Coups de dent, la chronique hebdomadaire d’Ayman El Kayman sur son blog http://kayman-coupsdedent.blogspot.com

Messages

  • Merci Le Kaiman de cet article.

    L’armée française s’est rendue coupable et complice de crimes de guerre. La Cour pénale internationale devrait ouvrir ce dossier. Le parlement français devrait ouvrir une enquête. L’Union européenne devrait ouvrir sa gueule.

    Oui ce serait la moindre des choses. C’est sidérant qu’en 2007 comme dans les années 60 l’armée française puisse aller commettre des massacres en Afrique sans que cela n’émeuve ni n’interesse qui que ce soit.

    Ah nous pouvons nous rengorger, nous les français, en faisant la leçon aux américains et aux anglais pour leur guerre d’Irak..... Nous préfèrons détournez les yeux et nous boucher les oreilles. Nous ne voulons surtout pas savoir ce que nous faisons en Afrique. L’armée combat, tue en notre nom, et on s’en fout complètement.

    Et malheureusement, si j’ai lu quelques articles sur l’implication de l’armée française en centrafrique dans l’Huma, je n’ai pas entendu un seul mot de notre candidate sur ce sujet.
    On va me dire que telle n’est pas "la préoccupation des français". C’est sans doute vraie, mais l’argument s’il est électoraliste n’en est pas pour autant recevable.

    Jips

    • En France on préfère ne rien voir et ne pas parler de ce qui fâche... Surtout si ce qui fâche risque de vous voir fermer les mannes des aides électorales et les postes dirigeants qui vous rapportent des indemnités et des avantages.

      Ceux qui prétendent "faire" la Politique ne pensent qu’en nombre de voix et en sièges électoraux.

      Sinon, comment comprendre qu’aucun Parti de Gauche n’ait un vrai programme, ni un vrai language révolutionnaire, au National et à l’International.

      Et qu’aucun, et en particulier le PCF qui devrait être l’étendard du mouvement, ne revendique ce type de programme, hormis quelques aménagements qui auraient fait traiter de droitier le programme de la SFIO en 1956

      Les autres, le Peuple, privés de vraies analyses, de vraies informations par une presse orwelienne totalement discréditée, et d’éléments de mobilisation par des Partis qui n’ont plus de "révolutionnaires" que le nom, se contente de chercher à survivre dans un marécage de "pain et de jeux".

      Bien sûr il y a encore de bonnes volontés et des militants sincères... Qui voient leurs efforts bradés dans des alliances contre-natures au nom de la sacro-sainte nécessité et du politiquement correct.

      Je me souviens d’un temps... Ou les militants révolutionnaires étaient emprisonnés, leurs représentants vilipendés, leur presse saisie et interdite.

      On se battait pour faire connaître Hiroshima, et Nagasaki, contre les sales guerres d’indochine et d’Algérie, pour défendre les peuples victimes du racisme... Et lorqu’on voyait 300 emplois maintenus dans une boîte ou 1000 autres étaient licenciés, on ne parlait pas de "victoire" mais on déplorait le fait et on se battait encore plus.

      On pouvait dire alors que leurs objectifs et leurs méthodes faisaient TRES mal aux capitalistes et aux gangsters du pouvoir. Et ces derniers le leur faisaient sentir.

      Alors c’était le Peuple qui les soutenait directement et qui les financait pour le combat. Et souvent risquait sa vie pour les protèger.

      Je sais, ça fait vieux con de parler comme ça. C’est mieux et plus gentil de voir financer les partis d’opposition par ceux qu’ils prétendent combattre, avec les sous du contribuable...

      A condition d’être gentil et de maintenir la Paix sociale. Pour le plus grand bien des puissants.

      Mais ce que certains oublient c’est que ce qui est arrivé à Birao, ça pourrait aussi leur arriver à eux ou à leurs enfants. Même s’ils se pensent à l’abri parce qu’ils sont blancs et se croient du bon côté du manche, et mieux ici que là-bas.

      Pour le moment du moins.

      On est très mal barrés.

      GL.

    • Je suis militaire français et je sais par personne interposée ce qui s’est passé à Birao. Les 3 et 4 mars 2007, les forces rebelles ont voulu attaqué les forces gouvernementales positionnées à Birao. A la même date seuls 16 militaires français, essentiellement des paras, mais pas uniquement du 3e RPIMa, étaient présents dans la ville. On m’a rapporté qu’au début les rebelles ne voulaient s’en prendre qu’aux forces gouvernementales et n’ont tiré sur nos positions que pour nous dire "attention, restez tranquilles et laisser nous régler nos comptes entre Africains". Mais lorsque les forces gouvernementales centraf se sont lachement repliées et placées derrière les Français, les rebelles ont alors décidé d’attaquer nos positions. Si bien que nos vaillants camarades ont dû résister seuls à 16 contre environ 80 à 100 rebelles et ce jusqu’au largage d’une poignée (dix) de paras et de matériels. Puis à l’arrivée de renforts plus importants par posé d’assaut (avion qui se pose rapidement ouvre sa portière et dont descend rapidement les paras du 3 sur la DZ (droping Zone) puis redécolle illico. Parallèlement, l’appui de l’armée de l’air française a contribué à faire que nos hommes au sol tiennent la position et repoussent les assaillants (il ya eut deux assauts et on pouvait voir l’ennemi dans le blac des yeux c’est dire la proximité des combats). En tout les cas, il s’agit de légitime défense et s’il y a certainement eu de nombreuses pertes côté rebelle, on ne peut absolument pas parler de massacre par l’armée française, il s’agit d’un combat entre des armées dotées et entraînées de façon inégale, certes, mais loyal ! Mais un non militaire est -il capable de comprendre cela ? je pense que oui de la même façon que notre empathie nous pousse à nous mettre à la place de l’enfant qui souffre de la faim au Darfour à cause de la guerre civile qui y règne et de la bêtise humaine. Mais pourquoi, serait-il de trop de se mettre à la place du soldat français qui ne fait que son devoir et qui le fait du mieux qu’il peut dans des conditions de vie sur le terrain que peu de gens qui sont les auteurs des lignes de ce site seraient capables de supporter tant ils sont habitués au confort de leur mode de vie occidental ou occidentalisé. Bien souvent nous sommes mieux à même de comprendre la souffrance des Africains parce que nous connaissons la réalité. Seuls les humanitaires la connaissent aussi bien que nous. D’ailleurs, ils étaient présents à Biroa (des hollandais de MSF semble t-il) et par souci de neutralité n’ont pas prévenu nos forces de l’attaque imminente des rebelles sur nos positions. Je le répète nos forces ont combattu avec honneur à Birao ! En tout cas celles au sol ! (maintenant doit on se priver des avions sous prétexte que l’ennemi n’en a pas ? celui-ci savait le nombre ridicule de Français et lorsqu’il a lancé son attaque ne s’est pas fait de noeux au cerveau en se demandant si il ne devait attaquer qu’avec 30 hommes au lieu de 80-100 par souci de guerre juste !). Y’en a marre de l’antimilitarisme ! Un militaire d’un pays démocratique est au service de son pays. Si on n’est pas d’accord avec ses missions il ne faut pas lui jeter la pierre, mais critiquer la politique de notre gouvernement et voter en conséquence pour la changer. N’est-ce pas d’actualité d’ailleurs ?! En revanche, les témoins français militaires ont vu les forces gouvernementales exécuter des prisonniers. C’est d’ailleurs les seuls corps que l’on a pu indentifer pour connaître l’origine des rebelles (centraf ou étrangère) car les autres cadavres de rebelles(ceux tués en combat loyal) avaient été enlevés rapidement par les rebelles afin de ne pas laisser de preuve de l’intrusion de soldats soudanais parmi eux (ce qui semble être avéré). L’armée française, elle, n’a pas commis d’exécution, elle !
      Un militaire antiimpérialiste mais patriote.

  • Moui, enfin, surtout, je suis IMPRESSIONNé par le silence assourdissant des média à ce sujet.

    Un article dans Libé et puis : rien, même au canard enchaîné, on n’arrive pas à sortir quoi que ce soit à ce sujet.
    A l’assemblée nationale, rien non plus. je croyais que le peuple contrôlait l’exécutif. Enfin, je m’efforçais de croire.

    Claudio

  • Tu parles de choses qui te depasse de bien loin.Quels ont été les crimes dont tu accuses l’armée française à BIRAO ? Etais tu sur place pour voir ce qui s’est passé ? Tu joues au pseudo rebelle de la société comme c’est la mode en ce moment et tu portes des accusation sans fondement.

  • j y etais a birao aucun massacre et bizarrement accueilis avec solagement par la population ou ceux qui etaient restes ;apres 2 semaines ils commencaient a revenir de plus en plus nombreux car ils savaient qu on etait la alors je peux te dire que c est franchement insultant de tenir de tels propos a notre encontre car comme disait l autre intervenant nous faisons un dur metier que les bobos ont vite fait de critiquer
    c est votre droit mais d abor verifiez vos sorces et vos renseignements avant de vous lancer dans une croisade tragi comique
    le TPI n inporte quoi
    A Patrice pti gars de Birao