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Brad Will : le gringo journaliste, martyr d’Oaxaca

Publie le vendredi 3 novembre 2006 par Open-Publishing
11 commentaires

Oaxaca, Mexique. Ecoute en ligne Radio APPO

de Joëlle Stolz

Devant l’église Santo Domingo, les rebelles d’Oaxaca ont décoré un autel d’offrandes à Brad Will, le cameraman américain abattu au cours de violents incidents entre les deux camps qui se disputent cette ville du sud de Mexique. Il n’y manque ni les pains ronds préparés pour les morts, ni les bougies palpitant dans la nuit, ni les pétales orangés des fleurs de cempasuchitl, dont l’odeur douceâtre attire l’âme des défunts. Ecrits sur papier rouge, ces quelques mots : "J’ai donné mon sang pour dire la vérité d’un peuple."

Will avait 36 ans. Sa silhouette élancée, ses yeux clairs, sa barbe blonde évoquent les christs aux traits suaves qui ornent les églises des villages indiens. Collaborateur d’Indymedia.org, un site d’information altermondialiste, il était arrivé à Oaxaca début octobre pour faire la chronique du "mouvement".

Deux balles de 9 mm - tirées, selon toute apparence, par des agents du gouverneur, Ulises Ruiz - ont fait entrer le gringo de New York au panthéon des martyrs mexicains. La liste des victimes est longue d’une quinzaine de noms, affirme l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca, l’APPO, qui exige la tête du "tyran". Le Jour des morts, la population leur a rendu hommage en édifiant des autels dans le centre historique, quadrillé depuis dimanche 29 octobre par la police fédérale.

Le photographe Raul Estrella, du quotidien mexicain El Universal, se trouvait près de l’Américain lorsque les hommes de main de Ruiz ont tiré sur eux, vendredi 27 octobre, mais il a eu le réflexe de se mettre à couvert. Ce sont ses clichés qui ont permis d’identifier les quatre assaillants, des policiers en civil liés au Parti révolutionnaire institutionnel, dont deux ont été arrêtés jeudi 2 novembre. Il est là depuis cinq mois, il veut rester jusqu’au bout. Ses images racontent les cruautés et les fulgurances d’une rébellion urbaine sans précédent, par sa durée, dans l’histoire du Mexique.

Les assassins de Brad Will, identifiés par le journal mexicain El Universal : Juan Carlos Soriano Velasco (T-shirt rouge), officier de police surnommé « La Sauterelle », Manuel Aguilar (T-shirt vert et gilet sombre), directeur du personnel municipal et Avel Santiago Zárate (chemise rouge), chef de la sécurité publique. Photo : DR El Universal 2006

"Ecrivez la vérité !", exhortent les rebelles, jeunes au visage masqué d’un foulard ou vieilles dames qui gardent dans leur sac des flacons de vinaigre contre les lacrymogènes. Dans la vaste troupe médiatique qui les accompagne, ils distinguent les "bons" des "mauvais" : les reporters du quotidien de gauche La Jornada sont applaudis en héros dans les rues, tandis que l’envoyé spécial de TV Azteca, une chaîne privée considérée comme "plus tendancieuse" que sa grande rivale Televisa, se fait insulter et bourrer de coups de pied.

A la première heure, les protestataires se ruent sur le quotidien régional Noticias, qui s’insurge depuis 2004 contre Ulises Ruiz, et qui n’a jamais connu autant de succès. Chaque matin, il publie à la une le nombre de "jours d’impunité" que le gouverneur, sourd aux pressions exercées sur lui par la Chambre des députés et le Sénat, a passés à son poste.

Enfin, il y a Radio Universidad, ultime porte-voix de l’APPO - qui a dû rendre toutes les autres stations qu’elle avait réquisitionnées. Dès le début de l’intervention des forces fédérales, les équipements ont été transférés dans l’enceinte de l’université autonome Benito-Juarez, dans le sud de l’agglomération, dont le territoire est en principe inaccessible aux policiers. L’APPO a multiplié les barricades alentour. Une tentative de la police fédérale pour les détruire a été repoussée, jeudi, à coup de pierres et de cocktails Molotov. Cette nouvelle bataille de rue a fait une dizaine de blessés, dont trois journalistes photographes.

Même si Ulises Ruiz a créé son propre outil de propagande, Radio Ciudadana (Radio Citoyenne), celle-ci ne parvient pas à supplanter sa concurrente, qui alterne consignes militantes, témoignages téléphoniques sur la répression et chansons mélancoliques. L’infatigable animatrice de Radio Universidad est une enseignante dont la voix lente et posée rappelle les dictées à l’école primaire. Mais la profesora réussit à passionner son auditoire en lui parlant de "ce respect que l’on éprouve pour nous dans le monde entier, et que nous avons construit tous ensemble".

http://www.lemonde.fr/web/article/0...

Messages

  • Que se passe t-il maintenant.? La voix de l’APPO n’émet plus.
    Quelqu’un a t-il des informations ?? Josie

    • A l’heure d’aujourd’hui l’APO (l’assemblée populaire d’Oaxaca) est en mesure d’annoncer officiellement :
      Brad Will exécuté par trois policiers. Fidel Sanchez Garcia mort par balles. José Albert Lopez Bernal tué par un tir tendu de grenade lacrymogène. Un enfant de douze ans tué par balles. Une maîtresse d’école dont le corps sans vies a été retrouvé à San Pedro Juxtlahuaca (petit village situé à 8 km de Oaxaca). Mario de Radio Sabotaje laissé très gravement blessé. Trois étudiants de l’UNAM enlevés par la Police : Isabel Galindo Aguilar, Amado Aguilar, Hector Guzman Acosta. Fernando Ruiz Santos disparu. Marcos Garcia Mtz disparu. Teodoro Aquino Bolanos membre du syndicat de la Secretaria de Salud disparu. Plus de 100 personnes détenues. Une quarantaine de disparitions.

      Le peuple d’Oaxaca faisait chorus : « Sans frontières nous sommes un seul peuple »

      http://toulouse.indymedia.org/article.php3?id_article=7276

      http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/boletines/

      régis

    • Depuis le City Light books de San Francisco, mythique librairie et maison d’édition fondée par Lawrence Ferlinghetti où Kerouac, Ginsberg, Burroughs se sont succédés ce message :

      Des meurtres et beaucoup de disparitions à Oaxaca. L’armée et les troupes fédérales occupent la ville. La situation devient très dangereuse.

      Envoyez ce message aux adresses suivantes :

      *El mundo entero esta vigilando las acciones gubernamentales en Oaxaca. Retiren al ejercito y a la policia federal y controlen a los paramilitares de Ulises. ¡Queremos una solución no-violenta !

      PRESIDENT OF MEXICO | Presidente Vicente Fox Quesada : webadmon@appresidencia.gob.mx

      GOVERNOR OF OAXACA | Lic. Ulises Ruiz Ortiz, Gobernador Constitucional del Estado de Oaxaca : felipezardain@oaxaca.gob.mx

      PERSONAL SECRETARY TO THE GOVERNOR OF OAXACA | Felipe Sardain, Secretario Particular del Gobernador : felipezardain@oaxaca.gob.mx

      SECRETARY GENERAL OF OAXACAN GOVERNMENTAL AFFAIRS | Secretario General de Gobierno de Oaxaca : sriagral@oaxaca.gob.mx

      ATTORNEY GENERAL OF THE STATE OF OAXACA | Procuradora General de Justicia del Estado de Oaxaca : procuraduria7@oaxaca.gob.mx

      Ambassade du Mexique en France : embfrancia@sre.gob.mx

      Consulat du Mexique : consularmex@wanadoo.fr

      régis

    • A propos de Jöelle Stolz et du traitement qu’elle a fait des événements d’Oaxaca, on peut avantageusement lire ceci sur CQFD :

      « Plus d’un million d’élèves, en grande majorité issus de familles pauvres, sont privés d’enseignement en raison de la grève des 70 000 enseignants de l’État d’Oaxaca » regrette sa correspondante au Mexique, Joëlle Stolz. Nous voilà affranchis : là-bas aussi, des fonctionnaires arc-boutés sur leurs acquis prennent les usagers en otage ! Pour Le Monde, 800 000 manifestants soutenant les instits dans les rues d’une ville de 300 000 habitants ne signifie rien. Lamentons-nous plutôt sur l’économie paralysée. « Les barricades érigées dans le centre-ville, jadis haut lieu touristique, et la baisse d’activité des entreprises ont déjà coûté à l’économie régionale quelque 300 millions de dollars. » Et ça, ça devrait peser plus lourd que la dignité des gens, non ?

      « Seul pouvoir réel dans la ville, comme dans une dizaine d’autres municipalités, l’Assemblée populaire du peuple d’Oaxaca (APPO) a instauré sa propre police et procède à une justice sommaire. Voleurs pris en flagrant délit ou “provocateurs” soupçonnés d’agir pour le gouverneur Ulises Ruiz, dont les rebelles exigent le départ, sont exposés en place publique, mains attachées et yeux bandés. » Pour Le Monde, l’assassinat, l’enlèvement, la torture et l’emprisonnement sous accusation fallacieuse, méthodes dont font quotidiennement usage la police et les sicaires du gouverneur Ruiz, ce n’est pas de la « justice sommaire ». Payée par l’État, la brutalité des sbires officiels ne peut qu’être l’expression démocratique de la volonté populaire, ça coule de source. Insinuons pour finir que « les militants de l’Armée populaire révolutionnaire (EPR), un mouvement de guérilla plus politique que militaire, préparent l’ “autodéfense” des quartiers populaires. » Là, Stolz aggrave son cas en oubliant que le mouvement populaire a clamé haut et fort son indépendance vis-à-vis des guérillas et des partis politiques. Pareille calomnie pue à plein nez la justification d’une répression à venir.

      CQFD

      Et en effet voilà qu’on tue Brad Will et qu’on (Mme Stolz) vient sans sourciller nous faire un article sur le sujet. De la complicité de meutre à distance par l’entremise d’un quotidien.

      régis

    • La radio de l’APPO a nouveau s’est fait entendre,je l’ai laissé toute la nuit diffuser..
      Ce peuple courageux est un exemple pour nous tous,pour le monde entier !!
      EL PUEBLO UNIDO ... Merci pour vos infos .. Josie

    • Mise au point de Joëlle Stolz, correspondante du "Monde" au Mexique :

      Je n’avais pas encore eu le temps de répondre à l’article de CQFD qui me mettait en cause, repris sur le Net comme s’il était parole d’évangile, alors qu’il est d’une grande malhonnêteté... Cette contribution sur le site de Bellaciao, qui m’accuse carrément de meurtre (!), me contraint à une mise au point car il s’agit bel et bien, dans ce cas précis, de messages "à caractère diffamatoire".
      Tout d’abord, mon premier article sur Oaxaca ne date pas d’octobre, comme l’affirmait CQFD. J’ai publié le 21 septembre un reportage en page 3 du "Monde" (daté du 22), "Bienvenue à Oaxaca la rebelle", dans lequel je retraçais la genèse du mouvement, expliquais les raisons anciennes et profondes de la rébellion contre le gouverneur, et mentionnais l’ampleur des manifestations populaires contre lui. Dans un article annexe sur la même page, "La bataille de l’information", je parlais de la lutte du quotidien "Noticias" contre le gouverneur, ainsi que des radios de l’APPO.

      Tous ceux qui ont accès aux archives électroniques du "Monde" peuvent lire ces articles afin de juger sur pièce, et en tout cas peuvent retrouver facilement leur trace en tapant mon nom. Donc de deux choses l’une : ou bien CQFD a été sciemment malhonnête, parce que mon premier reportage ne "collait" pas avec la caricature qu’il voulait donner de la "méchante" journaliste du "Monde" ; ou bien ce site censé donner une information non inféodée aux pouvoirs ne fait pas le travail de vérification le plus élémentaire avant de m’attaquer - et diffuse une information tronquée, reprise en suite aveuglément.

      De la même manière qu’il serait malhonnête de réduire ce qui se passe à Oaxaca depuis cinq mois à une série de "désordres" ou de "violences", il serait malhonnête de passer sous silence le fait que les élèves les plus pauvres, ceux qui ont le plus besoin du système d’éducation public, ont perdu 200 heures de cours depuis mai (sans parler des milliers d’heures perdues depuis 26 ans en raison des grèves rituelles de la "section 22", dirigée jusqu’alors par un fraction stalinienne qui n’avait jamais tenté de renouveler ses formes de lutte, ni de s’interroger sur la façon d’améliorer la qualité de l’enseignement). Ceux qui refusent même d’évoquer cette réalité-là ont tout simplement des oeillères.

      Messieurs les diffamateurs, bonsoir !

    • Madame Stolz c’est terrible de perdre 200 heures de cours quand on loge dans d’infames conditions, qu’on a pas de quoi manger, qu’on craint la police et qu’on sait parfaitement que tous vos systèmes prétendument démocratiques n’offrent pas d’égalité des chances. Ces gamins n’ont pas besoin de connaissances géopolitiques et économiques particulières pour préférer jeter des pierres sur la police que d’aller en cours. Leur estomac et leur peur dictent leur conduite. Clientélisme, piston sont maîtres, ça il l’apprendront. Délocalisation partout, ils en feront connaissance. Machinisation accrue également. Le gouvernement prive les paysans de leurs terres pour construire chemin de fer. ça on le leur dit en famille.
      Je vous rappelle Wilhem Reich "la question n’est pas de savoir pourquoi il y a des gens qui jètent des pierres sur les voitures de police mais pourquoi il y en a si peu".
      Ne nous serinez pas avec des heures de cours. Je ne connais pas la situation au Mexique mais je peux parfaitement supposer qu’elle est loin d’être meilleure qu’ici. Or ici c’est un véritable merdier en ce qui concerne l’accès à l’emploi. Epargnez-nous le crédo des lamentations à propos d’écoliers parmi les plus pauvres privés de cours. A moins que vous ne déploriez que ces enfants manqueront du petit verni culturel qui assurera les nantis de leur innocuité.

      Il ne s’agissait pas, par ailleurs, d’accuser quiconque de crime. Mais bien de signifier que le moindre article complaisant avec les pouvoirs autoritaires, d’ailleurs et d’ici, est une complicité avec les repressions à venir. Ailleurs et ici.

      Je ne connais rien de plus abject et de plus cynique que d’évoquer un manque à gagner économique quand on crève dans les rues.

      Et voilà donc des staliniens. Le mot est sorti. Ont-ils du sang sur les mains Mme Stolz ? Il me semble que Ruiz et Fox en ont. Beaucoup. Vous voyez chère Madame c’est la guerre. Tous les jours.

  • victoria todos santos.mp4 Mirror (HTTP)
    Vidéo de la bataille remportée par le peuple courageux de OAXACA !!
    EL PUEBLO UNIDO JAMAS SERA VENCIDO !!!!!!!!!!!
    Et la voix de l’APPO est là !!!!! Josie