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Brésil : L‘enjeu au deuxième tour

Publie le lundi 9 octobre 2006 par Open-Publishing

de Emir Sader traduit de l’italien par karl&rosa

L’enjeu au deuxième tour n’est pas seulement l’éventuelle privatisation de Petrobras (la compagnie pétrolifère brésilienne) - comme le déclare au magazine Exame le consultant de Alckmin, Mendonica de Barros - et avec elle le Banco do Brasil, la Caixa Economia Federal, la Electrobras (la compagnie électrique).

L’enjeu au deuxième tour n’est pas seulement à nouveau l’incrimination et la répression des mouvements sociaux par le gouvernement fédéral.

L’enjeu au deuxième tour n’est pas seulement la poursuite par le Brésil d’une politique étrangère qui privilégie son alliance avec l’Argentine, la Bolivie, le Venezuela, l’Uruguay, Cuba et avec les pays du Sud du monde aussi, plutôt qu’une soumission à la politique des Etats-unis.

L’enjeu au deuxième tour n’est pas seulement l’éventuel retour à la politique de l’enseignement privé.

L’enjeu au second tour n’est pas seulement de centrer la politique culturelle sur les financements privés.

L’enjeu au deuxième tour n’est pas seulement d’avoir moins ou plus d’emplois précaires, une hausse ou une baisse de l’emploi.

L’enjeu au deuxième tour n’est pas seulement d’avoir plus ou moins d’investissements publics dans des secteurs tels que l’énergie, les communications, les transports, les assainissements essentiels, l’instruction, la santé, la culture.

L’enjeu au deuxième tour n’est pas seulement de continuer à réduire les inégalités au Brésil par des politiques sociales de redistribution (micro crédit, augmentation du pouvoir d’achat réel du salaire minimum, réduction du prix des produits du "panier de la ménagère", bourses à la famille, électrification des campagnes, entre autres) ou de revenir aux politiques du gouvernement Fernando Enrique Cardoso.

L’enjeu au deuxième tour c’est tout cela, ce qui est déjà en soi d’une importance remarquable et marque tout de suite la différence entre les deux candidats. Mais l’enjeu au deuxième tour est surtout l’insertion internationale du Brésil, avec des implications directes pour le destin futur du pays.

Avec Lula, la politique privilégiant l’intégration régionale et l’alliance Sud/Sud, en contraposition avec l’ALCA et en faveur du MERCOSUR, se poursuivrait. Avec Alckmin, on privilégierait les politiques libérales dans le domaine commercial : ALCA, signature du Traité de libre échange avec les Etats-Unis, isolement de l’ALBA, affaiblissement du MERCOSUR, de la Communauté sud-américaine, des alliances avec l’Afrique du Sud et l’Inde, du Groupe des 20.

L’enjeu au deuxième tour est la décision du Brésil de subordonner son avenir aux politiques du libre commerce ou de réaliser un processus d’intégration régionale. Cela représente une différence fondamentale pour le sort à venir du Brésil et de l’Amérique Latine. Choisir le libre échange signifie ouvrir définitivement l’économie du pays aux grands monopôles internationaux (surtout nord-américains), signifie renoncer à établir toute forme de réglementation interne (en matière d’environnement, de monnaie, de quotas etc.). Cela veut dire condamner définitivement le Brésil à la centralité des politiques de marché, en éternisant les inégalités qui font de notre pays le plus injuste du monde.

C’est pourquoi l’enjeu au deuxième tour est d’avoir un pays moins injuste ou plus injuste, d’avoir un pays avec une plus grande souveraineté ou plus subordonné, d’avoir un pays plus démocratique ou moins démocratique, de garder notre dignité de pays ou de revenir de manière stable à l’intérieur d’un marché spéculatif en nous consolidant comme un pays conservateur dirigé par des élites oligarchiques. D’être un pays, une société, une nation (démocratiques et souverains) ou d’être réduit à une bourse de valeurs, à un « shopping-center » cerné de tous côtés pas la misère.

Tout cela est en jeu au deuxième tour. Face à cela, personne ne peut rester neutre, personne ne peut rester équidistant, personne ne peut être indifférent.

http://www.liberazione.it/giornale/061005/default.asp

Traduction du portugais de Titti Pierini