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CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE
Publie le mercredi 6 octobre 2004 par Open-Publishing10 commentaires
de CLAUDE MESPLEDE
Monsieur Delanoé,
Attentif à votre élection comme maire de Paris, j’ai toujours apprécié votre façon d’être, de dire et de faire, aussi votre sens de la démocratie, de ce que je peux en percevoir depuis Toulouse où je réside et bien que je ne sois pas adhérent de votre parti. C’est pourquoi je suis déçu d’avoir découvert dans le livre que vous venez de publier deux affirmations qui m’ont atterré. Comment l’homme avisé que vous êtes a-t-il pu les écrire sans en mesurer les conséquences.
Il s’agit de votre déclaration à propos de Battisti qui me touche d’autant que je suis membre d’un comité qui agit pour empêcher son extradition et pour que la parole donnée par le président Mitterrand soit respectée comme elle n’a cessé de l’être pendant 18 ans.
Première erreur dans votre livre : vous qualifiez Battisti de membre des brigades rouges. Il appartenait au PAC (prolétaires armés pour le communisme) un groupe d’une soixantaine de membres. Si ce groupe a commis exactions et quatre homicides à la fin des années 70, depuis, Battisti n’a jamais fait l’apologie de la lutte armée, ni dans ses romans, ni dans ses propos.
Au contraire, même s’il a mis quelques années à le comprendre, il considère cette voie comme une tragique erreur. C’est le message qu’il transmet aux jeunes d’aujourd’hui.
Mais j’ai reçu le coup de grâce en lisant sous votre plume : « il est vraiment regrettable qu’elle [la majorité du conseil de Paris] ait exprimé de la complaisance, voire de la sympathie pour son passé. ».
Durant ces derniers mois, j’ai eu plusieurs rencontres avec des représentants de votre majorité dans ses trois composantes (PS, PC et verts). Je n’ai jamais ressenti chez mes interlocuteurs la moindre complaisance, ni de la sympathie pour le passé de l’accusé. Invité à une émission de France Inter sur cette affaire, en mars dernier, où j’étais opposé à Max Gallo, mes premiers mots ont été pour condamner toute violence armée d’où qu’elle vienne.
Toutefois, sans approuver le passé de l’accusé, je n’accepte pas davantage que soit bafouée la parole de la France alors que celle-ci a été respectée depuis 1985. Cette atteinte au droit d’asile, cette angoisse accablant des dizaines de familles qui s’étaient construites à la suite des engagements de la France, ce stress, ces douleurs, ces peurs ressentis par ces réfugiés, n’épargnent ni leurs conjoints, ni leurs enfants.
Tous ceux là sont innocents et aucun ne devrait avoir à souffrir pour des faits vieux de trente ans qui auraient dû être depuis longtemps amnistiés comme ils l’ont été pour tous les membres de l’extrême droite italienne malgré les attentats aveugles commis.
Il est évident que vous n’avez jamais envisagé l’innocence de l’accusé. Le recueil « La vérité sur Cesare Battisti » rédigé par Fred Vargas, que nous vous avions adressé, révèle entre autres qu’il n’y a jamais eu aucun témoin pour l’accuser. Le seul accusateur (et ceci quelques années après les faits) fut un ancien membre du groupe, arrêté lui même pour homicide.
Ce « repenti » accepta facilement de tout coller sur son ex-copain. Ce dernier, réfugié au Mexique, ignorait tout de son procès. Il découvrit sa condamnation en 1991, en rentrant en France et croyant à une farce déchira le dossier.
Récemment, Battisti a réclamé un vrai procès en présence d’observateurs. Il est en effet troublant qu’on lui refuse ce qu’on accorde à des criminels de guerre comme Milosevitch ou Sadam Hussein.
Par ailleurs, comment pouvez-vous trouver de la complaisance dans vos rangs et ne rien dire à propos de l’attitude des juges de la cour d’appel qui, non seulement ont déjugé leurs prédécesseurs en accordant une extradition vers un pays dont la loi sur la contumace reste une anomalie en Europe, mais ont aussi accepté de rejuger une affaire qui l’avait déjà été une fois.
Vous ne dites pas non plus ce que vous avez ressenti en entendant, le ministre Perben, en direct à la télévision, annoncer son verdict la veille du jugement alors que la plus extrême discrétion de sa part s’imposait.
Je suis donc déçu par vos petites phrases. Elles nous blessent de façon personnelle même si nous ne sommes pas des élus de votre majorité. En laissant entendre que certains défenseurs actifs de Battisti pratiquent une sorte de double jeu, vous n’avez pas contribué à clarifier la situation.
Je dirai même mieux, vous nous avez fait reculer ; je sais bien que vous ne l’avez pas fait de façon délibérée, mais votre prise de position influence du monde comme vous devez le savoir.
Si des personnes se sont comportées de façon anormale, il fallait s’en prendre à ces personnes plutôt que de jeter la suspicion sur tout un mouvement qui n’a jamais fait l’apologie de la lutte armée.
Enfin, renseignez-vous davantage sur cette affaire car la majorité de la presse n’a vraiment pas été à la hauteur pour donner des points de vue qui éclairent les faits, rien que les faits.
Salutations déçues
Messages
1. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 6 octobre 2004, 10:49
remarquable
2. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 6 octobre 2004, 12:27
Il n’y a vraiment rien à ajouter, bravo.
Roland
3. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 6 octobre 2004, 12:46
Remarquable de précison, de conviction et de dignité. Bravo.
Nelson
4. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 6 octobre 2004, 14:20
Mais après celà, CLAUDE MESPLEDE sera t’-il le prochain invité mystère de Drucker aux côtés de Delanoë et Bernadette Chirac ???
Fanch
5. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 6 octobre 2004, 20:00
Pour moi qui suis une" fan" de Delanoe et depuis longtemps, j’ai pris de plein fouet ses propos qui sont incompréhensibles, venant d’un homme qui a fait de Cesare un citoyen d’honneur de sa ville.
Tous les politiques se taisent, c’est lamentable.
Le courage est dans la citoyenneté.
Rien à dire de plus, sinon MERCI à CLAUDE MESPLEDE pour cette lettre.
Mimi
6. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 7 octobre 2004, 00:45
Un entretien avec F. Guérif, éditeur de Battisti : "Quatre meurtres lui étaient reprochés dont deux, commis le même jour à la même heure, l’un à Venise, l’autre à Milan." Battisti aurait-il le don d’ubiquité ?
http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=societe/20040217.OBS4451.html&host=http://permanent.nouvelobs.com/
Battisti n’étant pas présent à son procès, et pour cause, n’a pas pu se défendre. D’une part, Mitterand Président a donné sa parole et chirac, président, se devrait de la respecter (mais j’ai des doutes sur sa compréhension du mot respect), d’autre part l’extrader, c’est l’envoyer pour toute sa vie en prison, sans l’espoir d’un procès équitable, il n’y a pas d’appel !
7. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 8 octobre 2004, 17:57
bravo pour la justesse de ton propos
8. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 9 octobre 2004, 13:45
A la différence des autres co lecteurs de cet article, je trouve celui ci déplorable. En gros on défend Battisti parce que c’est un dissocié de la violence politique ! J’ignore si battisti lui même défend cette position ( bien que laisser parler à un meeting de soutien un individu tel que B.H Lévy, dénonçant la lutte de classe ouvrière, assimilant le mouvement des années 70 au totalitarisme et au terrorisme etc., c’est plus que trouble). Si c’était le cas, alors qu’il aille rejoindre les prisons italiennes. Car il faut être conséquent : respecter le racket de la démocratie bourgeoise, c’est aussi respecter ses décisions de justice. Soit on est contre ce système, et alors on s’oppose à toute extradition de ce type. Soit on est pour (même avec quelques nuances pseudo critique) et alors on jour le jeu jusqu’au bout.
1. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 10 octobre 2004, 23:35
Que tu juges ma lettre déplorable, c’est ton affaire. Que tu me reproches de défendre Battisti en usant d’arguments qui ne correspondent pas à mon attitude, c’est également ton affaire.
Mais tu devrais toutefois essayer de clarifier ta pensée et ton argumentation car je suis un peu perdu dans tout ça.
Par exemple, je ne vois pas ce que vient faire BHL avec lequel je n’entretiens aucun rapport. Cette comparaison est aussi nulle que de dire que je défends Battisti parce que c’est un dissocié de la violence politique. Terme au demeurant totalement abscons pour moi.
J’ai défendu Battisti dans l’heure qui a suivi son arrestation le 10 février parce que je trouvais cela injuste. Point barre.
Si je fais un effort pour tenter de définir le sens de ta conclusion ; tous ceux qui ne sont pas des puristes de la lutte de classe n’ont pas le droit de défendre la parole de la république française ni le respect de ses engagements à l’égard des réfugiés italiens. J’ignore ce qui peut générer un tel sectarisme car les attitudes de ce type sont généralement suicidaires.
Rappelle-toi ce texte venu d’Allemagne :
Quand ils sont venus arrêter un juif
Je me suis dit : "un juif de plus ou de moins, il n’y a pas de quoi s’inquiéter".
Quand ils sont venus arrêter un catholique
Je me suis dit : "un catholique de plus ou de moins, il n’y a pas de quoi s’inquiéter".
Quand ils sont venus arrêter un communiste
Je me suis dit : "un communiste de plus ou de moins, il n’y a pas de quoi s’inquiéter ".
Quand ils sont venus m’arrêter
Il n’y avait plus personne pour s’inquiéter
Claude Mesplède
9. > CESARE BATTISTI : LETTRE DE CLAUDE MESPLEDE A BERTRAND DELANOE, 12 octobre 2004, 20:40
Bravo à Claude Mesplède pour cette excellente lettre. Tout à fait d’accord avec lui.
Gérard Streiff, journaliste, écrivain