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CGT en crise : les dessous d’une succession ratée

par Jean-Pierre Alliot

Publie le vendredi 22 juin 2012 par Jean-Pierre Alliot - Open-Publishing
14 commentaires

Bernard Thibault a déraillé ; sa sortie lui a échappé. La centrale qu’il dirige encore ira au sommet social de l’Élysée, à la mi-juillet, minée par ses conflits internes.
Pour Jean-Pierre Alliot, ex-rédacteur en chef de FO-hebdo, les affrontements qui ont marqué cette fin de règne ont une origine trop méconnue : l’hypercentralisation de la confédération, à l’œuvre notamment dans la gestion des cotisations.

La CGT attendra encore que lui soit désigné son prochain secrétaire général. À la veille de la « grande conférence sociale » convoquée à la mi-juillet par le nouveau président de la République, le « parlement » de la centrale, son comité confédéral national, a décidé, le 19 juin, de repousser l’heure du choix du successeur de Bernard Thibault.

Les courses par équipes qui animent les partis politiques pour l’intronisation du nouveau chef ont gagné une centrale ouvrière peu habituée à ces déchirements spectaculaires entre amis. La crise couvait depuis des mois ; elle a éclaté quand Bernard Thibault a été mis en minorité à la CGT, quand, le 25 mai la direction a rejeté la candidate qu’il voulait lui imposer pour lui succéder.

Un tel séisme dans l’organisation qui, depuis des décennies, assure la stabilité sociale du pays a de quoi inquiéter. Et de quoi susciter bien des interprétations plus ou moins sagaces qui, pour la plupart, s’écartent de l’essentiel, par méconnaissance de ce que sont les confédérations syndicales, de leur histoire et des règles qu’elles se sont données pour agir et pour durer.

Les forces centrifuges à l’œuvre dans la CGT expliquent mieux l’échec de Bernard Thibault que des rivalités de personnes, qu’une guerre des sexes ou qu’une querelle des anciens et des modernes, des conservateurs et des réformistes. Certaines de ces considérations ont joué, mais l’essentiel est ailleurs et ne peut apparaître que si l’on regarde de près le ressort intime de toute organisation, le nerf de la guerre, les cotisations.

Or la direction de la centrale tente d’imposer depuis des années une réforme de la collecte des cotisations. Et les fédérations ne l’appliquent, quand elles l’appliquent, qu’en freinant des quatre fers.

Les erreurs d’appréciation qui faussent l’analyse de la crise de la CGT viennent souvent d’une comparaison erronée avec les partis, qui s’arrêtent à la surface visible de la centrale. Dans leur fonctionnement actuel, les partis se résument le plus souvent à la somme des adhésions individuelles de citoyens à un organisme, qui prend le nom de parti pour se présenter aux élections et exercer le pouvoir. Encaissant au passage un financement public qui ôte à la cotisation volontaire de ses membres le poids spécifique qui n’était pas la moindre des garanties démocratiques de son fonctionnement. Le sommet de ce fonctionnement atomisé des partis est atteint avec l’organisation systématique de primaires pour l’élection présidentielle.

L’aboutissement d’un long affrontement

Les confédérations syndicales ont traditionnellement une nature différente. Leur assise est professionnelle. La CGT, comme la CGT-FO, sont composées non pas d’individus, mais d’unions et de fédérations de syndicats. Ces syndicats, eux, regroupent des individus, sur la seule base du travail salarié et de leur volonté de défendre en commun leurs intérêts particuliers de travailleurs. Sans tenir compte, d’ailleurs, de leurs opinions politiques ou religieuses. Les syndicats se groupent en fédérations nationales professionnelles, comme celles de la métallurgie, de la chimie, des postes, etc. Au plan local, ils forment des unions départementales interprofessionnelles. Ce sont ces unions et ces fédérations qui constituent la confédération et qui, entre autres responsabilités, élisent son secrétaire général. Ce sont elles qui financent la confédération par les cotisations qu’elles ont recueillies via leurs syndicats de base.

Ce qui s’est passé à la CGT le 25 mai, le jour où Thibault a été mis en minorité, est l’aboutissement d’un long affrontement entre deux forces opposées. La première vise à centraliser la vie de la CGT autour de sa direction confédérale. La seconde vise à préserver le cadre fédéraliste traditionnel de l’action syndicale. Depuis plusieurs congrès de la centrale, cette lutte se cristallise sur la collecte et la répartition des cotisations des syndiqués. Au moins deux congrès ont été nécessaires pour définir, officiellement, les règles actuelles : le 47e, en mai 2003 et le 48e, en avril 2006. Et c’est sans compter une longue maturation, qui a commencé bien avant, en fait depuis que l’hypothèse de l’effondrement électoral du Parti Communiste a hypertrophié les craintes que la chute du Mur de Berlin avait suscitées dans les cercles dirigeants de la CGT. Dès le milieu des années 1990, Lydia Brovelli, administratrice de la CGT, c’est-à-dire trésorière, tempêtait contre « la volonté d’autonomie, d’indépendance des organisations » qui provoquait des « blocages ». « Par exemple, expliquait-elle, nous réfléchissons à un nouveau système de péréquation des cotisations ».

Le résultat de ces réflexions stratégiques des sommets de la CGT, tendu vers sa survie, a été qu’il fallait trouver un remplacement au PCF pour assurer la cohésion de l’ensemble. Et ce remplaçant a été trouvé bien simplement : la bureaucratie confédérale, en centralisant les cotisations et en les répartissant elle-même entre les unions et les fédérations, a conquis sur le plan administratif le terrain que perdait le PC sur le plan politique. Tout le processus qui fait vivre financièrement la nouvelle forme d’organisation, d’une rare complexité, est exposé en une annexe aux statuts de la CGT. En quatre pages, sont développés les articles 34 à 36 des statuts et exposée le système qui dépossède les fédérations, principales victimes de la réforme, de l’essentiel de leur autonomie financière.

Pour résumer, les unions et les fédérations ont perdu leurs prérogatives de gestion des masses financières formées par la collecte des cotisations. Chacun des syndicats, au lieu de verser ses cotisations à son union départementale et à sa fédération nationale, les verse directement à la confédération, qui ensuite finance les unions, les fédérations et les autres structures qu’elle a mises en place.

Une tendance à l’éclatement

L’échec de Bernard Thibault s’est manifesté au mois de mai lorsque sa candidate, Nadine Prigent, a été refusée par la direction de la CGT, où l’influence de son concurrent direct, Éric Aubin, a reçu l’appui déterminant des fédérations les plus influentes. La première trop confiante dans le poids moral que le secrétaire général mettait dans la balance, a eu tendance à se reposer sur l’inertie de l’appareil. Le second, plus mordant, a fait campagne pour montrer qu’il connaissait mieux tous les dossiers et qu’il était plus apte à assumer les responsabilités. Et surtout, il a fait comprendre aux fédérations qu’il voulait mettre fin à une centralisation excessive de la CGT. Le résultat de l’affrontement ne sera connu qu’à l’automne, ainsi qu’en a décidé le « parlement » de la centrale le 19 juin. Ce ne sera que quelques mois avant le prochain congrès, qui est convoqué à Toulouse en mars 2013.

Qui que soit l’élu, ou l’élue, les forces qui ont provoqué la crise interne resteront à l’œuvre, rendues plus puissantes encore par les dernières initiatives prises par la CGT. Ces forces ont leur origine dans la composition même d’une organisation dont les racines sont professionnelles. Dès la fondation en 1895, la tâche première de la confédération a été de concilier les intérêts de catégories professionnelles qui, sur le long terme étaient communs, mais qui, dans l’immédiat pouvaient se manifester par des contradictions. Ainsi, pour prendre un exemple d’aujourd’hui, les intérêts des cheminots et ceux des routiers peuvent s’opposer, comme le chemin de fer s’oppose à la route, si leurs fédérations s’en tiennent à une conception corporatiste de leur action. Dans les autres confédérations, ces forces centrifuges sont équilibrées par l’attachement à une histoire commune et, à la CGT-FO, par un attachement partagé à la République dans sa dimension sociale. À la CFDT, ce sont les conceptions issues de la doctrine sociale de l’Église qui assurent la cohésion, qui a de la sorte une certaine dimension idéologique.

La tendance à l’éclatement de la CGT s’est trouvée récemment renforcée, lorsqu’a été négociée avec le patronat la réforme de la négociation collective que le gouvernement s’est empressé de transposer dans la loi, celle du 20 août 2008. Outre le volet relatif à la représentativité des syndicats, qui a été le plus popularisé, cette réforme a mis l’accent sur la négociation entreprise par entreprise, au détriment de la traditionnelle négociation par branche professionnelle. En même temps, a été porté un coup fatal au principe de faveur. Ce principe, constitutif de la dimension sociale de la République, permet au salarié de bénéficier des conditions que lui sont les plus favorables des conventions collectives ou des dispositions légales, au niveau de l’entreprise, de la branche professionnelle, de la nation. Avant que ce principe de faveur ne soit mis en cause, le niveau inférieur ne pouvait pas déroger au niveau supérieur, et les conditions les plus favorables étaient dues au travailleur.

La loi de 2008, en élargissant les dérogations, déjà possibles mais dans une moindre mesure depuis les lois Auroux du gouvernement socialiste des années 1980, a placé l’entreprise elle-même au centre de la négociation collective et a retiré la plus grande partie du grain à moudre pour les fédérations. Cette perte du poids spécifique des fédérations dans l’organisation confédérale de la CGT explique leur réticence accrue à la réforme de la collecte des cotisations voulue par la direction.

Privées d’une grande parties de leurs prérogatives dans la négociation, qui est le cœur de l’action syndicale, elles se voient privées de leurs ressources financières autonomes. De quoi nourrir la tendance de l’être à persévérer dans l’être et à alimenter bien des formes de résistance.

http://www.marianne2.fr/CGT-en-crise-les-dessous-d-une-succession-ratee_a219908.html

Messages

  • Pour Jean-Pierre Alliot, ex-rédacteur en chef de FO-hebdo,

    Voilà qui assure et promet d’emblée un point de vue hyper objectif :-D

    LOL quoi.

    LL

    • RE- LOL ...

      Quand on est noyauté par des groupuscules spécialistes de l’ entrisme et de la lutte des places , quand l’action syndicale consiste à lancer sans préparation des mots d ’ordre jusqu’au boutistes et que dans le même temps on signe des accords scélérats avec le patronat ...ON FERME SA G....E ....n ’est ce pas MR ALLIOT de FO le syndiquat qu" a tout faux ...

    • le fric, le nerf de la guerre, qui désigne les trésoriers des UD et sur quels critères, après 35 ans cotisantes, je pose ce genre de question, (avec quelques débuts de réponses , je ne suis pas une saint nitouche).
      Y’a pas un camarade assez courageux pour répondre ???

    • tu connais la réponse, alors pourquoi tu prends les gens pour des c... ???

    • c’est une question, donc si tu as le courage de répondre...

    • moi je le connais pas,cette réponse.. parce que sa question à CELO est drôlement ambigue.

      CELO, les trésoriers d’UD seraient donc, si on te suit, des"gens" désignés sur leur capacité à "magouiller" se faire"acheter", " financer ceci ou cela ?? ??

      Si c’est une insinuation à partir d’un fait, tu es adhérent comme moi de la CGT, tu as le devoir de parler en interne et de te battre pour que la vérité soit connue des adhérents(Il ya surement une commission de contrôle finacier dans ton UD, non ?)

      Si c’est un non dit visant à accréditer le "tous pourris" , alors là c’est absolument dégueulasse ;

      Et ne peut que convaincre, hélas, de braves copains de la"fermer" sur tout ce qui pourrait sembler être de l’aide objective aux de classe du Syndicat( ennemis qui existent, on le sait, HORS et dans la CGT.et .pas qu’au MEDEF ni à la FD du Commerce..)

      Voilà qui s’appelle alors, pour celui qui en "rajoute" sur l’état de l’ orga et sa force militante, un rôle d’"IDIOT UTILE selon l’expression de Lénine..

      Une réponse de CELO m’intéresse.

      A.C

  • Quand on a les Fesses Ouvertes on ferme sa gueule.........ça évite les courants d’air !

    LR...

    • Je ne suis pas chez moi et capte difficilement quand j’ai le temps, mais c’est tant mieux, quand je lis les réactions d’un tom ou lr, je me dis qu’il est temps de fermer ma gueule et passer mon chemin comme d’autres avant moi.
      Cela dit, oui un tresorier départemental est suggéré et non désigné,(parfois je suis grossière dans les termes) et j’espérai que certains vécus puissent s’exprimer ici sans être taxé d’anti cgtistes.
      Tu m’as convaincue AC, on doit laver son linge sale en famille et sans tabou au risque d’apporter de l’eau au moulin des malintentionnés.
      Je prends date à la rentrée générale.

    • C’est marrant un militant FO analysant les frictions dans la CGT qui de toute manière est à la croisée des chemins.
      Revenons à FO qui s’est fait souffler par la CFDT son poste de collaborateur de classe officiel du patronat et des gouvernements, s’agissait-il d’un recul de la Franc-Maçonnerie et de la laïcité face au Vatican et à l’Opus Dei ? De toute manière tous les chemins mènent à Washington et à Bruxelles en ce qui les concerne.
      Pour en revenir à la CGT, le gouvernement n’a pas besoin d’un syndicat de classe dans les pattes et il semblerait peut-être que ce soit cet enjeu qui soit sur la table de la confédé. Quoiqu’il arrive, le prochain (ou prochaine) secrétaire général aura à prendre des positions plus "tranchées" vis à vis de la crise du capitalisme qui nous marque de plus en plus fort : salariés, chômeurs et retraités.

    • Camarade

      C’est étrange de traiter la CGT d’avoir l’anus offert .

      Meme si Thibaut a été applaudi par les parlementaires de l’ump pour sa gestion du conflit des retraites en 2010 .

      Ce n’est pas une raison pour avoir ce genre de propos.

      Mémére qu’il ne faut pas pousser dans les orties.

    • C’est étrange de traiter la CGT d’avoir l’anus offert

      T’as pas pigé que "FESSES ouvertes" c’était l’allusion -aussi vieille que la façon dontla CIA et rving BROWN et l’afL CIO sont venues nous casser la CGT réunifiée en 1943, aux initiales "F.O"

      Moi, j’avais encore plus con dans ma boit, comme"humour"..

      .
      Je disais à mes copains majoritaires dans la Banque
      "Bon vous me dites que la C.F D.T vous trahit, nationalement...

      comme il ya pas de C.F. D’HIVER, moins dégueue...adherez à la CGT..bordel, !"

      Aujourd’hui, vu que ma Fédération s’ est macquée..avec tous les autres pourris.Cons fédérés,....je trouverais une autre argumentaion pour , RENFORCER le Collectif de Résistance dans mon’ entreprise, qui reste, malgré tout , le plus à même d’être UTILE-selon ce qu’on en fait au sein de son lieu de travail- c’est à dire..la CGT !

       :)

      Sauf que je foutrais à la poubelle les tracts nationaux !

      (Mais je faisais ça, déjà avant de partir à la retraite, en 98...)

       :)

      A.C

  • c’était jusqu’au boutiste de se battre pour le mot d’ordre retrait de la reforme woerth ? qui s’est compromis dans l’accord d’aout 2008 avec la cfdt,le medef et la cgpme accord qui a permis au gouvernement de promouvoir sa loi sur la représentativité qui a foutu dans la merde de nombreux syndicat de la cgt.la question de cogetise est aujourd’hui enore un sujet d de tensions dans nos syndicats.je suis militante de la cgt de puis 1981 dans la sante .arretez de jouer les vierges effarouchéesles accords de bercy qui les a signes,le protocole tron qui met la cdisation contre le statut de fonctionnaire a é te signe contre la volonte de nombreuses federations

    • le terme "jusqu ’au boutistes" que j ai employé concerne évidemment FO que j ai eu l ’honneur de pratiquer pendant 42 ans à la sécurité sociale ou FO dirigeait avec le patronat avant de se faire piquer les places de présidents des conseils d ’administration par plus réformistes qu’ eux : la CFDT de NOTAT puis de CHEREQUE ...

      FO qui participaient activement à la mise à l’écart de tous les militants CGT qui étaient privés de promotion tandis que les militants FO occupaient TOUS les postes de direction , FO qui votait tous les textes qui réduIsaient les droits des assurés et les réductions des budgets ...FO qui ne participait à aucune lutte mais qui appelait à la grève illimitée et dans le même temps se précipitait le stylo à la main au siège du patronat ou du ministère de tutelle pour poignarder dans le dos les travailleurs en luttes ...

      Je pourrais en écrire des tonnes sur le sujet ; la CGT est certes en crise , mais les leçons de FO ... : POUBELLE !!!

  • Pour Jean-Pierre Alliot, ex-rédacteur en chef de FO-hebdo.
    Si Farce Ouvrière s’en mele,greve generale.Non je déconne ;comme fo.......momo11