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CHIKUNGUNYA

Publie le vendredi 3 mars 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

Paru dans "Rouge" du 2/02/2006

CHIKUNGUNYA
La grippe coloniale
L’épidémie de chikungunya qui frappe l’île de la Réunion touche près de 250 000 personnes. En annonçant une aide de 91 millions d’euros, Villepin cherche davantage à subventionner les entreprises qu’à aider les classes populaires.

Les Réunionnais ont attendu plus d’une année que l’État français daigne se préoccuper de l’épidémie de chikungunya. Encore a-t-il fallu que les intérêts touristiques pâtissent de la baisse des réservations et que la presse de la « métropole » agite le spectre d’une extension du virus à l’Europe.

Ce mépris colonial est d’autant plus insupportable que le chikungunya n’est ni un mal inconnu, ni une grippe bénigne. La maladie frappant les régions les plus pauvres de l’Afrique et de l’Asie, la recherche d’un vaccin « non rentable » contre le chikungunya n’a suscité que peu d’intérêt dans le domaine thérapeutique.

En revanche, au début des années 1980, le virus était étudié par l’armée américaine en vue d’utilisations militaires. Il est actuellement enregistré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au nombre des germes pouvant être employés pour la fabrication d’armes bactériologiques. Les malades du chikungunya - « maladie de l’homme courbé » en swahili - subissent de fortes fièvres et des maux de tête. Ils endurent, durant plusieurs mois, de fortes douleurs musculaires et articulaires, qui réduisent la mobilité et rendent tout effort ou travail extrêmement pénible. Pour les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants en très bas âge, le virus peut être mortel. La maladie n’étant transmissible que par les piqûres de certains moustiques, les démoustications et les distributions de répulsifs aux populations constituent les seules parades.

À la Réunion, le chikungunya frapperait aujourd’hui près de 250 000 habitants. 80 personnes au moins seraient décédées des suites de la maladie. Ce bilan catastrophique est imputable à l’incurie et à l’incompétence des autorités centrales, mais aussi aux politiques successives de destruction des services sanitaires et sociaux. Analysant les documents officiels, une enquête d’Attac-Réunion signale ainsi que « les services de prophylaxie de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales ont vu venir l’épidémie dès 2004 ».

L’épidémie aggrave encore les injustices dans une région où le taux de chômage approche 40 %. Comme l’exprime Yoga Thirapathi, médecin hospitalier et militant de Maron1 : « On note d’une façon flagrante l’inégalité devant l’accès aux soins, entre ceux qui ont la climatisation, et qui peuvent fermer leur fenêtre, et ceux qui ne peuvent pas se payer des répulsifs. Ne pas distribuer à la population des moyens de se défendre, ce n’est pas une erreur, c’est un crime. Les deux pics de la maladie concernent, comme par hasard, les régions les plus défavorisées. »

Les commentateurs officiels sont unanimes pour déplorer les effets du chikungunya sur les profits du tourisme et l’image de l’île. Ce sont en réalité les classes populaires qui font les frais de l’épidémie. D’autant que, malgré le statut départemental, les Réunionnais ne disposent pas de certains droits sociaux reconnus aux « vrais » Français. Les travailleurs atteints peuvent perdre plus de 20 % de leur salaire !

De passage à la Réunion, dimanche 26 février, Dominique de Villepin, tout à son rôle de patriote d’opérette, assurait les Réunionnais de la « solidarité de toute la communauté nationale, et de l’engagement sans réserve du gouvernement », après s’être avec cyniquement félicité de la gestion - ou l’absence de gestion - de la crise par son gouvernement. Après s’être adressé aux « plus démunis », il n’a laissé aucun doute quant aux bénéficiaires de la « solidarité nationale » : sur l’ensemble des 91 millions d’euros alloués au plan de lutte contre l’épidémie, 60 millions iront aux entreprises ! Nul doute que les patrons métropolitains et leurs alliés réunionnais, grands chasseurs de subventions, sauront en faire bon usage.

De Saint-Denis de la Réunion, Geoffroy Geraud

1. Mouvement pour une alternative réunionnaise à l’ordre néolibéral. Organisation de la gauche anticapitaliste dans laquelle militent les sympathisants de la LCR.

Messages

  • ....En revanche, au début des années 1980, le virus était étudié par l’armée américaine en vue d’utilisations militaires. Il est actuellement enregistré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au nombre des germes pouvant être employés pour la fabrication d’armes bactériologiques...

    Il y a déjà quelques années que j’ai lu que les Américains faisaient des tests sur la résistance de

    certaines populations en leur envoyant par avion des virus.

    Depuis le début, j’ai un fort doute sur ce qui a provoqué le commencement de cette épidémie.

    Dans le même ordre d’idée, nous avons eu récemment

    1°) dans le var une invasion de punaises

    2°) l’aéroport de Nice inondé de crickets (bien que j’habite au 4° étage en pleine ville, j’ai reçu

    un cricket sur mon balcon. D’où est-il venu ?)

    Celà n’atteint pas la santé, mais c’est tout de même bizarre

    Michèle

    • Additif à mon commentaire :

      ....."Diffusion massive dans l’environnement de pesticides, PCB (polychlorobiphényles), et autres

      polluants connus pour leurs effets d’augmentation de la stérilité masculine"....

      La sur-population est considérée comme le problème N°1.

      Tous les moyens sont permis pour sa réduction

      Michèle

  • Quelques pettes (grosses) erreurs : 1)ce ne sont pas 240 000 personnes qui sont touchées mais 180 000 environ, selon des chiffres concordants. Ce qui n’est déjà pas mal. 2)toute la presse en métropole fait la même erreur ; il n’y a pas 180 000 personnes malades, mais 180 000 personnes qui ont ou ONT EU le chikungunya. On est malade de 5 jours à trois semaines. Imaginez un quart de la population alitée... Vu les embouteillages à la Réunion, il y a un hiatus... 3)Enfin, si des ingalités ont longtemps subsisté à la Réunion (le Smic, inférieur de 20%, n’a été aligné qu’en 1995), les travailleurs réunionnais ne perdent pas 20% de leur salaire s’ils sont malades. Il y a juste (et encore une fois, c’est déjà pas mal) les trois jours de carence de la Sécu. Je ne sais pas où vous avez été chercher ces chiffres.
    4)Quant aux Américains, c’est une des rumeurs qui courent. On parle aussi de Ben Laden... Vu l’arsenal qu’ils ont, et vu que le chik existe à l’état naturel depuis 1953, je ne vois pas trop l’intérêt de développer ce type d’arme bactériologique. Mais bon, avec Bush, la logique n’a pas cours....

    Cordialement,

    François Gillet (la Réunion)

    • Une réponse tardive de l’auteur :

      1) Mea culpa, les chiffres écrits à l’époque ne correspondaient pas à l’infection réelle. Cette erreur provient d’une regrettable "coquille" éditoriale ; j’avais en effet indiqué une "fourchette" comprise entre les données officielles (180.000) et une enquête produite par l’association "Agir pou nou tout", laquelle avançait le chiffre de 250.000 personnes ayant "eu" le chikungunya. Néanmoins, les séquelles de la maladie sont à ce point variables, et susceptibles d’être durables, selon les individus, qu’il ne serait pas inutile de s’accorder sur ce qu’"avoir eu" le chikungunya ou "en être malade" signifie en réalité. J’ai rencontré, dans le quartier du Gol Saint-louis dont je suis originaire, des personnes qui, plusieurs mois après avoir été "malades" stricto sensu, avaient le plus grand mal à accomplir certains gestes de la vie quotidienne : ces individus, handicapés par la maladie, sont-ils "malades", ou doivent-ils, à leur grand soulagement, être rangés dans la catégorie rassurante de ceux qui "ont eu" le chikungunya ?

      2) Si vous vous demandez où je suis allé chercher certains chiffres, j’ai l’honneur de vous renvoyer à de nombreux dossiers fort bien construits publiés par le journal "Témoignages", si la couleur ne vous en effraie pas : j’ai pu confronter les informations fournies par le journal communiste à des faits constatés par des travailleurs sociaux : je maintiens donc mes affirmations.

      3) Il y à me semble-t-il une fameuse mauvaise foi à m’imputer la croyance en un complot américain ; jamais je n’ai affirmé pareille baliverne, me bornant à signifier que la dangerosité du virus était fort bien connue, puisque l’état-major de l’armée des Etats-unis y a porté attention ; des traces de telles recherches peuvent être trouvées dans les archives en ligne du New-york Times, qui n’est pas jusqu’à présent apparu comme un brûlot diffusé par des gauchistes drogués ou des sectateurs de Ben Laden.
      Les critiques sont necessaires à la connaissance du réel, et le cadre journalistique est certes loin d’être le plus à même de permettre un établissement précis des faits ; c’est justement pour cela que les commentateurs doivent au minimum s’astreindre à lire avec attention les articles auxquels ils réagissent, et non se contenter de les survoler.
      Il me semble au final que ces reproches quant à ma prétendue affirmation d’une responsabilité américaine dans l’épidémie du chikungunya procèdent surtout d’une lecture effectuée au travers de préjugés passablement primaires ; qu’aux yeux de ceux qui les partagent, il "va de soi" que le journal "Rouge" est le vecteur de "l’anti-américanisme", et qu’un article qui y paraît, dans lequel cohabitent les mots "Etats-unis" et "chikungunya" ne peut être qu’un récit paranoïaque élaboré par un gauchiste inconséquent. Je suggère donc aux intervenants précédents de porter d’urgence leur attention sur un autre syndrôme devenu endémique, celui du sectarisme.

      Geoffroy Géraud.