Accueil > CHÔMAGE, faire mentir les chiffres
Le gouvernement se targue d’avoir fait baisser le chômage, dont le taux officiel s’établit à 9,6 %. Mais les chiffres annoncés sont truqués : opérations administratives, radiations de l’ANPE et contrats aidés dissimulent le manque de créations d’emplois.
Depuis mars 2005, on dénombre 50 000 créations d’emplois nettes dans le secteur marchand. Pourtant, sur la même période et dans la même catégorie, le gouvernement annonce 150 000 chômeurs en moins. Cherchez l’erreur !
Petit rappel utile : les chiffres annoncés tous les mois ne représentent que les chômeurs inscrits en catégorie1, c’est-à-dire ceux qui recherchent un emploi à temps plein et à durée indéterminée (CDI). Si on ajoute les autres catégories, qui comprennent les demandeurs d’emploi à la recherche d’un CDD et ceux qui ont travaillé plus de 78 heures dans le mois, on est évidemment bien loin des 2 329 900 chômeurs annoncés à la fin novembre 2005. Pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage, il suffit à l’ANPE de faire sortir un certain nombre de chômeurs de la catégorie1. Entre autres exemples, une petite astuce consiste à inscrire les personnes en convention de reclassement personnalisé (CRP) en catégorie 4, catégorie qui concerne les personnes en formation !
Selon le ministère de l’Emploi, le chômage a donc baissé de 4,6% en un an, le nombre de demandeurs d’emploi s’établissant à 9,6% de la population active. Il y a deux explications essentielles à cette baisse des chiffres. D’abord, dans le cadre de sa politique de pression sur les chômeurs, le gouvernement, via l’ANPE, multiplie les opérations de convocations et de contrôles. Sur les six derniers mois, deux plans de convocations d’ampleur nationale ont ainsi eu lieu : les jeunes, pendant l’été 2005 et les chômeurs en allocation spécifique de solidarité (ASS), en octobre.
Résultat : des radiations massives, avec des situations parfois ubuesques pour des gens convoqués plusieurs fois à dates rapprochées. Si on compare la période de juin à novembre des années 2004 et 2005, les radiations ont augmenté de 109 000, quoi qu’en dise le ministre de l’Emploi, Jean-Louis Borloo, qui affirmait il y a peu : « Il n’y a pas de radiations. C’est faux. »
Depuis mai 2005, on observe une nette augmentation des sorties des fichiers de l’ANPE. Dans près de 50 % des cas, la « sortie » est liée à une absence au contrôle (pointage) ou à une radiation administrative1. Si on y ajoute les autres motifs de sortie (arrêt de recherche pour congé maternité, maladie, les entrées en formation et les personnes dispensées de recherche d’emploi), seulement 24 % des personnes sorties des fichiers de l’ANPE déclarent avoir retrouvé un emploi.
Et quel emploi ! Une enquête2 réalisée en septembre dernier sur 2 400 personnes indique que seuls 29 % ont retrouvé un CDI. Donc quasiment trois emplois retrouvés sur quatre sont des CDD, des intérims, des vacations ou des contrats aidés. L’intérim représente à lui seul la quasi-totalité des créations d’emplois dans le secteur des services aux entreprises, et l’emploi industriel continue de baisser.
En fait, l’essentiel des créations d’emplois se produit dans le secteur non marchand, par le biais des contrats aidés (contrat d’accompagnement dans l’emploi, contrat d’avenir, etc.), dont l’État prend en charge jusqu’à 90% du salaire, voire 105% dans le cas des jeunes en chantier d’insertion. Au troisième trimestre 2005, il y a eu seulement 1000 créations d’emplois nettes dans le secteur marchand.
Cette situation s’explique par les caractéristiques du capitalisme actuel : les entreprises font des profits sans précédent et la productivité continue d’augmenter (+1,7 % au 3e trimestre 2005). Mais les patrons n’investissent pas pour autant, contrairement à la théorie sociale-libérale qui disait que les « profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain ». Tous les économistes bien-pensants annoncent une croissance plus forte pour 2006, mais tant que les capitalistes n’ont pas de perspectives de profit suffisantes à leurs yeux, ils ne créeront pas d’emplois.
Lucas Maldini
1. Dares, décembre 2005.
2. Dares/ANPE.