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CIMADE : Protestations dans les centres de rétention
Publie le lundi 7 janvier 2008 par Open-PublishingCIMADE : Protestations dans les centres de rétention
Depuis plusieurs jours, des mouvements de protestation se développent au
sein des centres de rétention administrative du Mesnil Amelot (Roissy)
et de Paris-Vincennes.
Des grèves de la faim, des « manifestations » à lintérieur des centres
ont eu lieu. Les personnes retenues mobilisées protestent contre le
principe même des décisions dexpulsion qui frappent des personnes
vulnérables, présentes en France depuis des années ou y ayant la plupart
de leurs attaches privées et familiales, et/ou contre les conditions de
rétention.
La Cimade est présente depuis 1984 dans les centres de rétention. Elle y
exerce, dans le cadre dune convention signée avec les ministères
compétents, une mission daide à lexercice des droits des personnes
retenues. Organisation non gouvernementale, la Cimade témoigne - et cela
fait partie de son rôle - de ce quelle voit en rétention, à travers les
rapports quelle rend public annuellement, ou par des expressions
régulières dans la presse.
Les évènements au Mesnil Amelot et à Vincennes appellent quelques
réflexions et analyses
Il est évident que ces mouvements de protestations ne peuvent être
analysés en dehors du cadre général de la politique déloignement mise
en place par les pouvoirs publics depuis plusieurs années.
Cette politique se fonde en premier lieu par lénoncé dobjectifs
chiffrés de reconduites à la frontière : 15 000 en 2004, 20 000 en 2005,
25 000 en 2006 et 2007. Cette méthode - celle de quotas dexpulsion à
réaliser par chaque préfecture - est détestable et a été maintes fois
contestée, tant sur le plan éthique que pour les effets pervers quelle
provoque nécessairement.
Notre présence en rétention nous a en effet montré les effets désastreux
de cette logique de quotas. Elle génère une pression de plus en plus
forte sur les services administratifs comme sur les services de police
qui sont de fait contraints à des pratiques détestables et humiliantes :
interpellations au domicile, arrestations massives, convocations piège
dans les préfectures, placement en rétention de personnes vulnérables,
de mineurs. Par cette pression, les administrations en « oublient » que
chaque dossier est avant tout lhistoire dun homme, dune femme, dune
famille, par nature complexe, et quune décision de refus de séjour puis
dexpulsion est toujours lourde de conséquences.
Laugmentation du nombre de personnes à expulser a dû saccompagner de
la création ou de lextension des centres de rétention existant,
dautant que lallongement de la durée de rétention (portée à 32 jours
en 2003 par la première loi Sarkozy) a eu pour effet de doubler la durée
de présence des étrangers retenus. Des centres ont été construits,
dautres ont vu leur capacité doubler. Alors que les centres de taille
modeste permettaient naguère de maintenir une relation humaine entre
fonctionnaires et personnes retenues, les centres de grande capacité
(140 au Mesnil Amelot, deux fois 140 à Paris Vincennes) ont transformé
la rétention en un système de plus en plus carcéral, rendant les
contacts de plus en plus anonymes, générant une promiscuité
difficilement supportable. Comment peut-on rassembler dans un même lieu
des dizaines et des dizaines de personnes, toutes plus inquiètes les
unes que les autres sur leur avenir immédiat, plus traumatisées les unes
que les autres de devoir dun jour à lautre - avec malgré tout lespoir
jusquau bout dune libération, dun recours accepté - être arrachées à
leurs proches, famille, amis, à leur travail, à leur existence sociale,
sans risquer de provoquer, un jour, des « protestations » ?
A de multiples reprises, la Cimade était intervenue depuis 2003 auprès
du ministère de lIntérieur pour le mettre en garde contre les dangers
de tels centres. Le message a été à peine entendu : le décret sur la
rétention de 2005 a limité la capacité dun centre à 140 places maximum
– cest déjà énorme - mais na pas tardé à être détourné : le centre de
Paris-Vincennes est de fait un centre de 280 places, masqué derrière
lapparence de deux centres accolés de 140 places chacun. Un autre
centre de 240 places est en prévision sur lenceinte de Roissy pour 2009
ou 2010...
Quotas dexpulsion, examen superficiel des situations individuelles,
promiscuité accrue dans les gros centres de rétention : si certains
peuvent sétonner des incidents actuels, ils pourraient tout autant
sétonner quil nen y ait pas plus !
Ces protestations du Mesnil Amelot et de Vincennes nont dailleurs rien
dexceptionnels. Des mouvements de ce type sont réguliers, dans lun ou
lautre de la vingtaine de centres implantés sur le territoire. Ceux de
ces derniers jours sont, cette fois, plus longs et beaucoup plus
médiatisés. Moins bruyantes, plus difficiles à évoquer ou à quantifier,
il est dautres expressions qui se développent : celles de personnes
retenues qui ont choisi de retourner la violence contre elles-mêmes, par
des actes dauto mutilation, par des tentatives de suicide, par des
dépressions. Ces autres formes de protestations sont nombreuses, et
beaucoup plus inquiétantes.
Particulier, par son ampleur et par sa durée, ce mouvement exprime
langoisse, le désespoir et le sentiment dinjustice des personnes
enfermées dans les centres de rétention en France, dans la crainte dune
expulsion imminente.
Indépendamment de lopinion que lon peut porter sur la politique
dimmigration actuelle, une chose est certaine : les méthodes employées
créent de la souffrance, des drames supplémentaires. Elles doivent et
peuvent être changées sans attendre.
Plus dinformations dans le rapport annuel de la Cimade sur les centres
et locaux de rétention :
http://www.cimade.org/nouvelles/521-Protestations-dans-les-centres-de-retention