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CNE : Les conseils de Prud’hommes gênent !

Publie le mercredi 14 juin 2006 par Open-Publishing
7 commentaires

de Laiguillon

INTRODUCTION

Nous avons souvent débattu des atteintes aux droits du travail (CPE, CNE, Directive Bolkenstein, etc...). Il est absolument évident que ceux qui ne se laissent pas faire et portent plainte contre les patrons qui abusent, dans leur position de force aux vues de la situation du marché du travail, finissent devant la seule entité qui leur permet encore d’obtenir gain de cause : le tribunal des prud’hommes.

Cette juridiction, souvent le dernier rempart contre l’arbitraire patronal, est aussi à l’origine d’une jurisprudence novatrice, favorable aux salariés : réintégration après un licenciement économique illégal, sanction du recours abusif au travail précaire, lutte contre les discriminations, etc...

Comment vouliez-vous que cette institution ne soit pas devenue une cible ? Pour illustrer ce travail de sape, un cas précis dans ma région. Pour ceux qui veulent connaître les mécanismes de sape d’une manière plus globale, je vous laisse vous reporter au lien en fin d’article (Syndicat de la Magistrature).

HISTORIQUE

A la suite d’un laisser aller dans la gestion du greffe du conseil de prud’hommes de THONON (indépendant des conseillers prud’hommes), le premier président de la Cour d’appel de CHAMBERY et le procureur général nomme le 5 janvier 2004 un nouveau chef de greffe, avec pour mission de remettre de l’ordre dans le greffe et la volonté d’opérer « un flicage » des conseillers prud’hommes salariés.

Il en est résulté un refus des Chefs de Cour (premier président et procureur général) de prendre en compte toutes les heures de travail effectuées par les conseillers prud’hommes salariés ; les autorités judiciaires ont considéré qu’ils passaient trop de temps sur leurs dossiers.

Les autorités judiciaires engagent le 10 février 2004 une procédure pénale (enquête préliminaire) à l’encontre de Jean-Pierre PIOVESAN, président du conseil de prud’hommes (une première en France). De leur côté les conseillers prud’hommes employeurs refusaient, à compter du 5 avril 2004, de siéger, invoquant « une clause de conscience », sur instruction du MEDEF.

Face à ce refus de prendre en compte toutes les heures de travail effectuées, les conseillers prud’hommes salariés ont saisi la Justice (plainte avec constitution de partie civile enregistrée le 16 avril 2004).

Du fait du refus de siéger des conseillers prud’hommes employeurs, aucune affaire n’a pu être jugée. Le premier président de la Cour d’appel prend deux ordonnances, l’une le 3 mai 2004 et l’autre le 10 juin 2004, pour délocaliser l’activité de THONON à ANNEMASSE, BONNEVILLE et au juge du tribunal d’instance de THONON, privant ainsi les salariés de l’arrondissement de THONON des juges qu’ils ont démocratiquement élus. Depuis ces dates, le conseil de prud’hommes de THONON est fermé.

Le 10 mai 2004, le président salarié du conseil de prud’hommes de THONON est placé en garde à vue, des perquisitions ont lieu à l’union locale CFDT, à THALES (entreprise dans laquelle travaille le président) et au domicile du président.

Le 28 octobre 2004, le président est mis en examen pour faux, usage de faux et escroquerie et renvoyé devant le tribunal correctionnel de THONON par ordonnance du 22 novembre 2005, sans avoir été entendu par le juge d’instruction.

Pendant ce temps, entre le 8 novembre 2005 et le 30 décembre 2005, 11 conseillers prud’hommes salariés ( 8 CFDT et 3 CGT) sont placés en garde à vue et auditionnés par la police judiciaire (ici aussi une première en France). Toutes les démarches tendant à la réouverture du conseil de prud’hommes de THONON ont échoué (revue de presse en annexe pour les organisations seulement)
LA QUALITE DU TRAVAIL DES CONSEILLERS PRUD’HOMMAUX DE THONON

Les statistiques officielles du Ministère de la justice classent le conseil de prud’hommes de THONON parmi les plus rapides de France pour traiter un dossier qui le classe 5ème sur 271 avec un temps moyen, pour 2003, de 4,9 mois (moyenne nationale est de 11,7 mois)

La loi ne définit aucun temps pour traiter un dossier. Un Procureur de la République trop zélé a voulu appliquer par anticipation un projet de circulaire du Garde des Sceaux !

Le Code du Travail est extrêmement complexe. Sa connaissance et sa maîtrise résultent d’une étude et d’un approfondissement permanents en dehors de l’étude d’un dossier précis.

Les conseillers prud’hommaux ont cherché à effectuer leur mission avec professionnalisme, à se former en permanence sur la réglementation, la jurisprudence et ses évolutions. De plus, ils étaient les seuls à rédiger les jugements, alors que les conseillers employeurs auraient du en assumer la moitié.

De ce fait, le taux de jugements portés en appel ou en Cassation est l’un des plus faibles, et ces jugements sont le plus souvent confirmés en dernière instance (à préciser). Il s’agit donc d’une bonne administration de la justice, qui évite l’encombrement des juridictions du niveau supérieur, et qui va dans le sens de l’intérêt du service public.

CONCLUSION

Depuis un an, les assauts contre le droit du travail se sont multipliées : contrat nouvelle embauche (période d’essai de deux ans, pas de motivation pour licencier), apprentissage à 14 ans, travail de nuit à quinze ans, contrat première embauche, tentative avortée de « simplifier » le Code du travail par ordonnances...

Ils font suite à des reculs des droits des salariés depuis plusieurs années : allocations chômage des intermittents du spectacle, dérogation par accord d’entreprise aux règles de durée du travail, « rénovation sociale » par accord avec des syndicats minoritaires...

Dans l’environnement de libéralisation mondiale accélérée, les organisations d’employeurs cherchent par tous les moyens une destruction des acquis sociaux, et une redéfinition à la baisse des salaires et des conditions de travail, concurrencés par ceux du Sud Est asiatique.

Les conseils de Prud’hommes gênent, surtout s’ils sont efficaces. Il n’est que de voir les difficultés rencontrées par les employeurs qui licencient arbitrairement dans le cadre du « contrat nouvelle embauche ».

C’est la mort de l’institution prud’hommale, datant de deux siècles qui est programmée.

Pour ceux qui habiteraient la région, sachez qu’une manifestation pas solidarité avec les dix juges des prud’hommes sera organisée devant le tribunal correctionnel de Thonon LE 19 JUIN 2006 à 8h30.

References associées

 http://www.syndicat-magistrature.org

http://www.e-torpedo.net

Messages

  • cela prouve que l’etat totalitaire est bien en route et ça fout la trouille .

    • ça ne tient qu’aux salariés qu’on ne touche pas à cette institution vénérable. On peut tous en avoir besoin un jour ou l’autre.

    • Pour dire si nous "avançons" dans les conquêtes sociales, il fut un temps où nous critiquions les Prud’hommes parce qu’ils mettaient le travailleur et le patron sur le même plan, comme deux contractants ordinaires. Combien de procès perdus par les salariés seuls et démunis face à l’arbitraire patronal, dans un pays où les libertés syndicales n’existent en fait, pas, dans les entreprises de moins de 50. Et même ici la constitution d’un syndicat relève du parcours du combattant qui risque à tout moment la porte, si le patron se doute de quelque chose.
      Les Prud’hommes sont la dernière planche de salut en l’absence de syndicalisme actif dans l’entreprise et la plus grande partie des Conseillers Salariés méritent le respect qu’on doit à tous ceux qui agissent dans la solidarité de classe et le plus pur désintéressement.
      J’imagine que cette disparition arrangerait bien les avocats qui verraient leur "marché" s’élargir, sans compter le principal intéressé le MEDEF. Imaginez un monde où on travaille sans règles à la merci du patron ; pas la peine, allez dans le bâtiment , les régions productrices de fruits et de légumes etc., voyez les clandestins et les "sans papiers", vous aurez devant vous le reflet de ce que vous serez sans Code du Travail, donc sans Prud’hommes.
      Le Libéralisme est un poison mortel pour les salariés, il n’a jamais empêché l’esclavage, au contraire il y mène :
      Si le travail qui a son marché, est une marchandise, rien n’empêche le salarié de le redevenir à son tour.Le libéralisme est la voix charmeuse et trompeuse du Capitalisme qui lui, est un totalitarisme.
      Si nous ne comprenons pas cela, nous connaîtrons à nouveau à plus grande échelle, ce que nos parents ont connu il y a plus de 60 ans. JdesP

    • en gros d’accord avec toi , sauf sur le point ou tu dis : ""J’imagine que cette disparition arrangerait bien les avocats qui verraient leur "marché" s’élargir,"", c’est une erreur , aujourd’hui les salariés sont à 90% représentés par des avocats devant les prudhommes .
      claude de toulouse .

    • OK avec J des P. P’tain ouvrez les yeux ! S’il n’y a plus de garde-fous que sont le code du travail, les prud’hommes, les avocats spécialisés en droit du travail (il est question de modifier le contenu de la formation d’avocat, en avocat en droit des affaires, ça vous dit ? C’est éclairant non ? Libéralisme oblige, héhé !!!), on fera un retour en arrière de plusieurs siècles, en réhabilitant l’homme-esclave.
      Rien que d’y penser cela me donne la nausée. Et vous ?

    • cher Claude, je ne sais pas si tu liras cette réplique, mais les UL ne désemplissent pas de salariés en difficulté, je ne sais pas où tu as trouvé les 90% d’avocats qui ne sont d’ailleurs pas intéressés par l’aide juridictionnelle et qui connaissent mal en général le droit du travail, à moins que tu mêles dans ton pourcentage représentation de l’employeur, procédure d’Appel et de Cassation. Quant à moi je ne faisais allusion qu’aux salariés.

    • ""je ne sais pas où tu as trouvé les 90% d’avocats qui ne sont d’ailleurs pas intéressés par l’aide juridictionnelle ""

      Cher ami ,
      je l’ai trouvé au conseil des prudhommes de toulouse . Il faut savoir ( et c’est peut etre pour cela que mon exemple n’est pas generalisable ) que le nombre d’avocat à toulouse est extraordinaire , à tel point que la moitié d’entre eux gagnent le smig , et qu’ils sont trés interéssés par l’aide juridictionnelle .
      En activité diverses qui est la plus grosse section , nous ne voyons que trés rarement des conseillers salariés en audience .
      amitiés prud’hommales ,
      claude de toulouse .