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COGITER AVANT DE S’AGITER

Publie le jeudi 3 avril 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

Suite à l’article : GAUCHE DE GAUCHE : COMMENT JE VOIS LES CHOSES de Raoul Marc Jennar, quelques interrogations pour son regard bienveillant en direction de la LCR m’avais laissé un peu dubitatif. Donc je vous laisse lire la réponse d’Alex Neumann qui par certains coté va dans le sens de mes interrogations. Certes je ne partage pas toute son analyse, mais quelques points critiques méritent que l’on s’y arrête. Réponse lu site le site Rezo citoyen dont voilà le lien : www ;rezocitoyen.org

réponse adressée à Raoul Marc Jennar par Alex Neumann,

COGITER AVANT DE S’AGITER

Cher camarade,

je salue l’effort de tirer des bilans critiques et d’évaluer la complexité de la situation politique à gauche. Oui, la candidature unitaire à gauche et les 125 propositions étaient trop conditionnées à des arrangements entre factions politiques et à l’existence des structures existantes. Oui, il ne faut pas compter sur la capacité d’auto-réforme de courants politiques liées à la nostalgie de Gerorge Marchais (Mme Buffet et le PCF) ou François Mittérand (M.Mélénechon et la gauche socialiste). Oui, il faut développer une critique plus profonde, donc radicale, des enjeux politiques.
Pour autant, la tentative de dialoguer avec la LCR me fait penser au noyé qui saisit une paille à la surface agitée de l’océan. Cela pour des raisons
qui ne sont pas conjoncturelles ni sectaires.

1. D’un point de vue purement pragmatique, il faut voir que l’opposition unitaire de la Ligue se fait laminer de façon procédurière par la direction : Licenciement de Christian Picquet, procès d’exclusion des militants qui n’entrent pas dans le rang (Christophe Aguiton, etc.), départs nombreux de militants critiques (p.ex. Catherine Lebrun, membre du BP), et cela depuis 68 jusqu’à aujourd’hui.

2. D’un point de vue idéologique, il faut lire l’entretien récent de Daniel Bensäid dans la revue Lignes, qui est un tissu de mensonges par omission. Nulle trace de l’orientation sectaire et ouvriériste LO-LCR qui, de 1999 à 2004, a laissé le champ libre à la gauche plurielle, puis entravé des regroupements à gauche du PS, jusqu’en 2005. Rappelons le refus explicite de la LCR d’assister -y compris comme observateur- aux réunions de l’alternative à gauche (appelRamuleaud). C’est uniquement l’échec électoral complet de cette ligne trotskyste (2,7 % aux dernières européennes) qui a nécessité une tactique moins sectaire. Et non pas une quelconque capacité d’apprentissage propre de la LCR en tant qu’organisation.

3. D’un point de vue historique, il s’agit de voir que le "nouveau parti" a une histoire. Sans mémoire, il n’y a pas d’avenir, mais uniquement la répétition des erreurs du passé.
Après mai 68, la LCR a décidé d’abandoner toute perspective de mouvement large (poussant même l’opposition de gauche au sein du PSU de scissionner abruptement), au profit de la construction d’une organisation trotskyste de type léniniste. La démarche de l’époque : Créer des comités "Rouge" pour recruter des militants en accord avec la Ligue, afin d’élargir la base du parti. Il suffit de consulter la toute dernière motion de la direction nationale de la LCR -votée en 2008- pour identifier cette même procédure (il s’agit à nouveau de créer des comités "nouveau parti" animés par les militants LCR).

Après les grandes grèves de 1995, cette démarche est déjà explorée, sur la base d’un programme moins léniniste et plus dans l’air du temps, sous le nom "Entente pour l’espoir", supposée préparer la formation d’un "nouveau parti". La proposition étant de créer des "comités de soutien" partout, en 1996-97. L’idée n’a pas marché et s’est trouvée rapidement écartée, au profit de l’alliance électorale LO-LCR, sur la base programmatique de LO. Preuve du caractère propagandiste et peu substantiel du discours sur la "nouvelle force", que la LCR tire périodiquement du tiroir pour recruter des sympathisants et militants, au moins depuis 1992 (voir sa brochure "À gauche du possible", ed. La Brèche).

Aujourd’hui, la répétition de ce schéma apparaît clairement dans le refus et l’incapacité de la LCR de co-organiser les réunions, meetings et comités "nouveau parti" avec des courants déjà existants à l’échelle hexagonale (libertaires, alternatifs, communistes refondateurs ou unitaires, gauche des Verts, autres courants trotskystes, etc.).

La direction nationale de la LCR accepte tout au plus des convergences locales, souvent partielles (ex. Toulouse), à condition qu’elles s’inscrivent dans son schéma directeur et que ces forces soient de toute manière incontournables localement (ex. Clermont Ferrand). Dans le même temps, elle sanctionne toute transgression venant de la part de ses opposants internes et combat les initiatives unitaires externes. -Enfin, n’oublions pas que le dernier congrès de la LCR avait mandaté sa direction à réaliser une candidature de rassemblement à gauche du PS, mais que le noyau dur de cette même direction a tout fait pour la faire échouer en déclarant rapidement la candidature de Besançenot (qui s’est toujours prononcé contre l’idée même d’un tel rassemblement dans les votes internes).

4.D’un point de vue du projet politique, il doit nous étonner que la LCR ne cite jamais en positif la réussite du nouveau mouvement politique Die Linke en Allemagne, issu d’une convergence conflictuelle de plusieurs courants larges et, surtout, d’un mouvement social contre la contre-réforme libérale du gouvernement "de gauche" Schröder. Dans Die Linke, on trouve aujourd’hui des écologistes et des responsables issus des Verts, des socialistes de gauche et des dissidents du SPD, des refondateurs communistes de l’Est, des trotskystes du même courant que la LCR, des altermondialistes d’ATTAC !, des syndicalistes de base, des chercheurs et intellectuels universitaires de toute tendance progressiste, etc. Le coup d’envoi de cette formation, qui pèse désormais 10% des voix sur le plan fédéral et qui met en pas le rapprochement de quelques dirigeants politiques, mais la révolte massive contre les lois Hartz de 2004 (concernant le marché du travail). Révolte qui a mis en mouvement près de 300 000 personnes, dans des centaines de villes.

Où est passé l’internationalisme ou l’altermondialisme des trotskystes de la Ligue, dans une entreprise partidaire qui se justifie avant tout par le contexte national de la France ?
5.D’un point de vue philosophique-critique, enfin, il convient d’approfondir le bilan et l’échec du léninisme/trotskysme/guévarisme/chavisme, qui part toujours de l’idée que les citoyens ne peuvent pas élaborer un projet d’émancipation à partir de leur propre expérience, mais que le parti doit leur apporter la conscience politique, "de l’extérieur" de leur propre vie. Postulat philosophique historiquement erroné, mais qui est partagé par Lénine, Trotsky, Lukaçs, Bensäid et son jeune disciple Besancenot. Une alternative à cette démarche existe, comme on l’a vu en Mai 68, alternative qui a été conceptualisé par Oskar Negt dans "L’espace public oppositionnel" (Payot, 2007), entre autres auteurs. Approche théorique et expérimentale qui promet d’associer le féminisme, l’écologie et les cultures venues d’ailleurs, au lieu de leur consacrer des notes de bas de page dans des manifestes de parti.

Conclusions :

Dans ces conditions, il semble illusoire et même vaniteux de nouer un "dialogue" - qui implique une reconnaissance mutuelle et égalitaire - avec un appareil politique qui impose ses vues tout en soignant une rhétorique de l’ouverture. Ouverture médiatique d’autant plus facile à concéder qu’elle ne repose sur aucune pratique constante, comme le passé et le présent nous le montrent de façon strictement factuelle.
Ce constat objectif ne signifie pas qu’il faille baisser les bras, mais il implique que la seule démarche efficace pour arriver à une nouvelle formation politique est la critique de fond de l’approche historique de la LCR (alors que le PCF semble se charger lui-même de sa propre disparition progressive).

Si l’on veut être pragmatique, il faut commencer par déstabiliser la direction actuelle de la LCR, au lieu de la flatter, afin de la forcer au dialogue. En ce sens, les forces critiques et oppositionnelles auraient tout à gagner de provoquer un débat public sur les fondements politiques, historiques et théoriques du projet d’émancipation à venir. Au lieu de se laisser happer par le marketing idéologique et le lancement de gadgets à court terme (avant-hier le nouveau parti d’Arlette et la mutation de Robert Hue, hier la candidature Bové, demain le parti d’Olivier Besancenot). La controverse produira peut-être un dialogue.

Commençons à cogiter avant de nous agiter.

Salutations solidaires,

Alexander Neumann Responsable de la rédaction de la revue Variations, fondée par Jean-Marie Vincent, www.theoriecritique.com

Messages

  • Dans le préambule, ce que je voulais dire sur les points de désaccords que j’ai vis à vis de cet article se trouvent particulièrement dans l’analyse succincte et assez schématique des problèmes du Parti Communiste. Quant à sa position à l’encontre de la LCR elle n’est pas dénuée d’intérêt et demande à ce que l’on s’y arrête...

    • l’evolution de la LCR montre justement son adaptation réfléchie à l’évolution de la situation politique
      et le refus de l’orthodoxie.
      C’est exact que la lcr s’est trompée sur les possibilités réelles du mouvement ouvrier en certaines périodes.
      Ce n’est pas tant l’erreur qui est critiquable (sauf evidemment l’erreur perpetuelle) que le refus de l’admettre.

      En revanche sur la position de principe d’indépendance de classe,de lutte de classe,de refus du stalinisme,le parcours mérite d’être salué.

      oui la lcr c’est 3000 militants mais un parti se juge sur ses positions ,sa stratégie,sa pratique ,ses combats..
      Depuis quand le nombre ferait la vérité ??
      Plutot que déstabiliser la direction de la lcr qui propose ni plus ni moins de se dissoudre pour faire avancer l’outil dont a besoin le monde du tavail pour aller vers le socialisme,prenons la aux mots .

      dans le désastre de ce début de siecle y a t il encore du temps à perdre avec de vieux schémas ???

      Damien

  • la LCR c’est 3000 adhérents : on s’en fout de la LCR...qu’elle aille là ou elle est le mieux, càd le neant.

  • Salut à tous,

    C’est parce que je me fais toujours avoir par les vacances scolaires (qui déboulent dans ma vie sans prévenir ; je n’ai pas d’enfant...), et que la soirée du 31 Mars au Cratère a été un succès surprenant (relief aéré de digressions littéraires, dirait-on au Salon du Livre de Frankfürt, où l’on ne vend pas que des saucisses...) que ... c’est le moment ou jamais de saisir quelque chose de vif et prometteur dans ce qui fermente :
     des éléments de Resf commencent à trouver que "nous tournons en rond", sans marquer d’avancée décisive qui limite "la casse" dans la précarité immigrée que dessinent maintenant les dispositifs européens "aux frontières et la confirmation de l’engagement français en Afghanistan, au nom de l’alignement sur le catéchisme de l’Otan en matière de "lutte anti-terroriste", d’autres, que leur charge de travail est maintenant compliquée par une surveillance accrue de leurs hiérarchies, qui rend incompatible leur participation aux discussions et aux activités de Resf, en terme de délais de lecture et de déplacements,
     d’autres, auxquels la récente période de campagne électorale aura laissé un goût de pusillanimité et de rance, s’en re-prennent à la "récupération par les partis politiques" de
    l’"ingénuité naturelle" des mouvements d’opinion et de masse, a fortiori lorsqu’ils sont relayés par les medias ("là-bas si j’y suis"...), d’autres lèvent le pied pour ne pas sombrer dans un activisme échevelé, etc, etc...

    Ce matin, sur France-Culture, une historienne, Suzanne Citron, évoquait l’atypisme de l’oeuvre qu’a laissée cet autre historien de La Révolution française, Jules Michelet, par sa faculté de se contredire.
    Elle faisait remarquer que Michelet a complètement remanié "son Histoire de France" à partir du moment où l’épisode albigeois du Midi médiéval s’est imposé à lui.
    "Quel rapport avec l’audience et les activités de Resf ?", me direz-vous, "une fois de plus, KLetaGR, tu t’égares..."
    Que ne l’auriez-vous reproché à Michelet, lui-même ? aurais-je alors "beau jeu" de rétorquer, en forme de démission et révérence..., et c’est précisément de là que je pars, de cette forme de constat d’impuissance "républicaine" à faire entrer dans ses formes le produit d’une fermentation de plusieurs années, et de redouter pour elles le fracas d’une déflagration sociale que chacun pressent et qu’aucune recomposition partidaire de dernière minute ne chevauchera, pour en faire part à cette "liste informelle", et lui dire :
     les 2, nous aurons besoin, comme les enfants qui ne parlent que leur langue maternelle à l’école confrontés dans la cour à ceux qui en manient deux, voire trois, dans "la structure péri familiale" , des 2 !
    Et pas chacun chez soi, ou "de son côté", comme y invitent les "clientélismes électoraux" ("Venez chez nous, vous pourrez travailler et après, on vous coupera les roupettes comme il faut..."), mais "Ensemble", c’est à dire
    en quittant le point de vue boutiquier et diocèsain des carriéristes de partis
    comme le quant-à-soi craintif du précaire animé de sa seule "foi du charbonnier".
     Or, en deux ans de "Ramdam" qui aura monté "en puissance", c’est à peine si les expériences dont se prévalent à juste titre les Ecoles Steiner d’initiation dès le plus jeune âge des enfants aux langues étrangères, se seront transférées aux exigences de "moyens" que réclament à cors et à cris les syndiqués de tous poils de l’Education nationale. Avec un effort particulier de la Région L-R sur l’Occitan à l’école, "on aurait ce qu’il faut " en la matière ?
     Or, on ré-entend déjà les "vieilles sirènes du mépris" des politiques professionnels ré-entonner’ les airs de "les gens sont comme ça", "c’est pas gagné", "les gens votent avec leurs trouilles" et "ils ont bien assez à faire comme ça", le nez sur leurs trous de serrures ! Pour ne pas avoir à se poser les termes de leur impasse en renversant la perspective, à la façon de Michelet !

    Bien évidemment, ce n’est pas parce qu’il m’importe de savoir "à quoi nous aurions à arrêter une définition de la Nation" en cas de "déferlement atlantiste", ces prochaines années, que je bats ce fer tant qu’il est chaud, mais exactement le contraire : c’est au moment précis où des immigrés qui prennent des coups peuvent avoir un aperçu sur les portées diverses sur lesquelles se déclinent "les parentalités" en France, que certains songent à le verrouiller, le saucissonner dans un projet de "Grand Parti".
    A ceux-là, qui prétendent se référer à "Que faire ?" de Lénine, je rappelle que ce livre est le produit de débats entre interlocuteurs agissant contre l’autocratie au sein du même parti.
    Que la lutte pour le pouvoir qui en est issue a consacré l’élimination physique totale de l’un des interlocuteurs, et que le "Grand parti" qu’il faudrait rejoindre aujourd’hui, n’a même pas fait le tiers du quart d’une moitié d’expérience d’un quartier autogéré de ville de moyenne importance entre résidents de plusieurs nationalités résidant en France, car le jacobinisme politique de "notre cher et beau pays s’y oppose", à commencer dans nos propres partis et syndicats, si soucieux de passer "pour des gens responsables" aux yeux des technocrates de régions qui se prennent déjà, pour des académiciens européens... au moins !

    Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : je ne propose pas là d’"éradiquer le jacobinisme en France, au préalable à toute discussion",
    mais de quitter et les réflexes jacobins et le "provincialisme" qui font de "la caisse de résonance nationale" de chaque sensibilité alternative la question centrale de ces prochaines années, au détriment des "petites avancées" que ces "exigences-clés" nous intiment de les négliger, de les compter.
    Entre les vases communicants, il y a peu de condensation.
    Longtemps, en France, il y a eu un Parti-Etat dont ç’a été une exception que son cheminement dans les pas de Staline. Si cette époque est révolue, ces réflexes ne sont pas l’apanage des seuls éléments pour lesquels ce qu’il reste de ce parti demeure "un cadre d’accueil".
    Ces réflexes, stérilisant tout ferment se sont transférés au langage commun et à la politique "en général", occupée à "arrêter tout mouvement" depuis les "lois anti-casseurs" des années 70, au nom de "la structuration du Champ politique".
    Il s’agit de savoir si c’est au détriment du "mouvement" que nous infléchirions notre investissement vers du "huis-clos partidaire", alors que nous avons besoin des 2.

    KLetaGR.