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COLLOQUE DU MRAP : ANTISIONISME ET ANTISEMITISME
Publie le jeudi 21 décembre 2006 par Open-Publishing1 commentaire
Colloque du MRAP : Antisionisme et antisémitisme *
Les actes du colloque "Antisionisme et antisémitisme" organisé le 13 mai 2006 par le MRAP viennent d’être publiées dans sa revue /Différences /n° 260 (1). Les militants du MRAP absents à ce colloque ont pu réagir aux contributions qu’en octobre 2006. Voici ma contribution (qui regroupe deux messages postés sur liste interne).
L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES ET LE PEUPLE JUIF.
Certes un certain antisémitisme peut se cacher derrière l’antisionisme et c’est bien le rôle du MRAP de le dénoncer mais le CRIF (2) a beau hurler à l’antisémitisme, cela ne saurait empêcher la critique du gouvernement israélien, de sa classe politique, de sa haute administration, de son armée, de ses colons, et de la plupart des hauts
dignitaires religieux. Et si "remettre en cause le droit d’Israël à exister c’est de l’antisémitisme" l’objection à l’antisionisme n’en est pas quitte pour autant. Car si le peuple juif peut avoir droit à un territoire et à un Etat la nature de cet Etat ne saurait être préservé de la critique. Au-delà de la critique gouvernementale, c’est la forme de l’Etat qu’il convient d’observer .
Pour introduire de gros changements concernant la forme étatique voire l’Etat lui-même il faut extirper sa logique sioniste et instaurer des réformes importantes l’inscrivant dans un cadre laïc et non impérialiste. Ce n’est certes pas au MRAP de les définir dans le détail. Mais il n’est pas mauvais qu’il se pose ses questions du point de vu de "l’amitié entre les peuples" qu’il souhaite promouvoir.
En fait la solidarité internationaliste comme la critique antisioniste débarrassée d’antisémitisme s’adresse au peuple juif luttant contre l’oppression interne et externe. La contribution de Pierre STAMBUL a le grand mérite de clarifier ce sujet en trois points comme son titre l’indique "antisémitisme, antisionisme et "antiisraélisme". Et si un blog douteux peut reprendre sa contribution ce n’est que grâce à une lecture trop superficielle. Une autre contribution de lui (3) fait le point sur la question de l’identité juive rapporté à l’identification à Israel.
MAIS QU’EST-CE QUE LE PEUPLE JUIF ?
Pascal LEDERER (dans le n 260 de /Différences/) se demande si la diaspora en fait parti intégrante sans donner de réponse claire avant de souligner que pour ce peuple c’est l’aspect culturel qui est déterminant notamment au travers de l’expérience de la discrimination et ce beaucoup plus que par référence à la religion qui n’est qu’un facteur de plus en plus résiduel. Et l’auteur d’ajouter que contrairement à la notion classique de peuple, celle de "peuple juif" comprends en son sein les grands actionnaires, la bourgeoisie et les dirigeants des firmes multinationales qui bénéficient de la mondialisation capitaliste. Peut-être faudrait-il parler de "peuples juifs". En tout cas il est sans doute bon de se souvenir de la spécificité du contenu de la notion de "peuple juif" sans pour autant la faire pleinement sienne à toute occasion. Pour ma part, j’intègre bien le fait que les tous juifs sans distinction de classe sociale ont une expérience historique du nazisme et de la discrimination antisémite mais lorsque j’évoque à propos des logiques collectives "l’amitié entre les peuples" c’est au peuple comme fraction de la population israélienne juive dirigée et dominée que je pense . Il s’agit donc de la fraction inscrite dans un rapport social gouvernant-gouverné tant au plan politique institutionnel qu’au plan social et économique global. Et bien souvent c’est même à la fraction progressiste du peuple juif que la solidarité de lutte s’adresse ; la fraction solidaire de l’émancipation du peuple palestinien. Car à la racine de la solidarité il y a la conception de "pas de liberté possible pour un peuple qui en opprime un autre" via un appareil d’ Etat construit comme une machine de guerre .
Alors n’oublions pas ces juifs - israéliens ou non - qui continuent de mener un combat antisioniste. Le fait de vouloir "deux Etats pour deux peuples" n’évacue pas totalement la question du sionisme maintenu. Et lorsque j’entends des gens qui critiquent la politique de l’Etat sioniste mais en parlant des juifs je rectifie toujours, car
effectivement oublier la distinction antisionisme / antisémitisme autorise l’amalgame.
LA PERTINENCE DE LA CRITIQUE ANTISIONISTE EN VUE D’UN "POSTSIONISME"
Critiquer le sionisme serait un débat dépassé, puisque Israël existe réellement et est reconnu. Mais précisément on constate que cela n’épuise pas la critique d’Israël et la logique spécifique de construction permanente de son Etat. Par ailleurs, il existe aujourd’hui des organisations, des individus qui se réclament du sionisme comme théorie politique d’actualité. C’est bien parce que, ainsi que le répète Pierre STAMBUL, le sionisme est à la fois un nationalisme, un messianisme, un projet colonial, un pion avancé de l’impérialisme et une illusion (Les Juifs ne pourraient vivre qu’entre eux) que la fuite en avant meurtrière continue. La notion d’état juif n’est-elle pas un cauchemar qui porte en elle la poursuite de l’occupation et de la colonisation. Qu’il y ait un ou deux états dans l’avenir, ce sera dans le cadre de l’égalité des droits, donc d’un "postsionisme" (lire Esther BenBassa).
Pascal LEDERER pointe les différentes formes de sionisme et les différentes formes d’antisionisme, mais laisse la aussi des questions sans réponse sans doute pour laisser place au débat. Mais le débat a-t-il permis d’avancer sur ces points ? Sans doute faut-il se mettre une bonne fois pour toute dans l’esprit qu’il y a bien des sionismes . Cela ne rend alors pas aisé la réponse. Mon antisionisme porte-t-il aussi contre le "sionisme" des Refuzniks ? J’avoue ne pas connaître leur "idéal sioniste" par contre j’admire et je soutiens leur combat. Pour que je change de position, chers camarades, il ne me suffit pas de me dire en quelque sorte : "regarde ce qu’ils font et ils sont pourtant sionistes" Cette réponse n’en est pas une. Il s’agit seulement d’un fait qui interpelle et qui mérite échange plus approfondi.
Pascal LEDERER donne une liste des anti-sionismes concevables : Les deux premières expressions sont très condamnables et injustifiables : 1 Celui qui veut détruire l’Etat d’Israël et déporter (au mieux) les juifs israéliens en Europe. 2 Celui qui légitime toute violence faite à tout Juif dans le monde ? Mais pas la troisième : 3 Celui qui souhaite voir Israël abandonner la référence juive pour devenir un Etat avec des droits égaux pour tous ? Cette position est acceptable. Elle peut elle-même être critiquée mais pas au nom de l’antisémitisme. Un antisémitisme peut éventuellement s’y cacher mais c’est autre chose. Tout dépend ici de "qui parle" ? 4 Celui qui veut l’égalité des droits en Israël ? Au non de quoi cette revendication ne pourrait être proférée ? 5 Celui qui prône un Etat binational ? Idem.
Christian DELARUE
Secrétaire national du MRAP
Membre du Conseil d’Administration d’ ATTAC France
1 Y figure une Ouverture de Mouloud Aounit, puis 1 "Antisémitisme, antisionisme et "antiisraélisme" de Pierre STAMBUL adhérent du MRAP Marseille et président de l’UJFP, 2 "Sionisme et colonialisme" par Denis SIEFFERT journaliste, directeur de la rédaction de "Politis", 3 Les difficultés du débat sur le Proche Orient en France par Pascal Boniface, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), 4 "Antisionisme-antisémitisme" :pourquoi ce débat ? par Pascal LEDERER animateur d’UAVJ ; 5 "L’extrême droite, l’antisémitisme et le sionisme d’extrême droite par René MONZAT journaliste, spécialiste des extrêmes-droites. ; 6 "La guerre du
Liban : Crime de guerre et échec militaire par Pierre STAMBUL.
2 CRIF : Conseil représentatif des institutions juives de France
3 "Les juifs, le sionisme et Israel" de Pierre STAMBUL
Messages
1. COLLOQUE DU MRAP : ANTISIONISME ET ANTISEMITISME, 17 mai 2007, 16:52
La numéro de la revue Différence du MRAP qui relate les interventions du colloque est désormais accessible sur le site du MRAP.
Cliquez sur le lien :
http://www.mrap.fr/differences/2006/octobre_2006/Differences_260.pdf