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CPE, CNE - L’affaiblissement du droit du travail n’améliore pas le droit au travail !
Publie le jeudi 9 mars 2006 par Open-Publishing1 commentaire
L’ Humanité, 6 mars 2006.
Réduire le chômage et la précarité professionnelle des jeunes : telle est la justification officielle du CPE, destiné aux moins de vingt-six ans.
Cette supercherie ne trompe guère les intéressés, ni la plupart des salariés. Mais elle mérite d’être mise en pièce à l’aide des connaissances accumulées par plus de vingt ans de travaux de recherches sur les transformations du marché du travail. Car c’est toujours au nom de la lutte contre le chômage en général, contre le chômage des jeunes en particulier - au nom du droit à l’emploi donc - que l’on a déréglementé le travail et multiplié les formes dégradées d’emploi. Le résultat est là : le droit du travail est déjà mis à mal, et le droit au travail reste plus que jamais bafoué. Il y a donc urgence à penser et à faire autrement.
La précarité n’est acceptable à aucun âge de la vie. Mais elle l’est peut-être moins encore quand c’est à l’âge des choix qu’elle vient jeter son ombre sur tout projet de vie, et oblitérer l’accès à de nombreux droits (logement, protection sociale...). Autant la variété choisie des expériences professionnelles et sociales peut aider à se construire, autant la multiplication subie des « petits boulots » entrecoupés de périodes de chômage est destructrice. Plus grave : depuis plus de vingt ans, les nouvelles générations de travailleurs expérimentent ainsi en début de vie active des droits fragilisés et de formes d’emploi dégradées, qu’ils importent et diffusent malgré eux dans l’ensemble du monde du travail.
Car des « stages Barre » au CPE, des dizaines de formules dites d’« emplois aidés » et, ou de contrats de travail dérogatoires à la norme du CDI à temps plein ont vu le jour. Les jeunes en ont été le public privilégié. Mais d’autres catégories de travailleurs n’ont pas tardé à les suivre. Sauf exception - dont les « emplois-jeunes » récemment mis à mort - elles ont donné lieu de la part des employeurs, privés ou publics, à des effets massifs dits « d’aubaine » - un usage instrumental et sans lendemain - ou de « substitution » - des salariés à statut d’emploi dégradé remplaçant sur les mêmes postes des salariés à statut normal. Et quand on visait des publics fragilisés, ces derniers constataient souvent qu’on leur préférait des demandeurs d’emploi mieux armés.
Quant aux CDD et à l’intérim, les restrictions dans leur utilisation et les quelques protections juridiques prévues par le législateur sont trop souvent vidées de leur contenu par la position de force des employeurs sur le marché du travail. Loin de n’être utilisés qu’en cas de surcroît exceptionnel d’activité ou de remplacement de salariés momentanément absents, ils fonctionnent massivement comme norme d’embauche - pour les trois quarts des recrutements -, de mise à l’épreuve interminable, ou comme mode de gestion ordinaire des fluctuations d’activité.
Prise en tenaille entre détérioration des conditions d’indemnisation du chômage et fragilisation des statuts d’emploi, une fraction considérable des demandeurs d’emploi, à commencer par les jeunes de faible niveau de formation, naviguent d’ores et déjà entre chômage et petits boulots. Qui croira que la possibilité donnée aux employeurs de licencier sans motif au cours d’une période de deux ans améliorera leur sort ? Les jeunes les mieux formés, qui échappent encore au chômage et à la précarité durables, ne sont-ils pas ici en ligne de mire ? Comment imaginer que ces jeunes, à la merci de l’arbitraire, pourraient mieux faire respecter que d’autres précaires ce qui resterait de leurs droits ? Qui ne voit, qu’une fois de plus, ils serviraient de cobayes à de nouvelles attaques contre les protections dont bénéficient encore les travailleurs plus anciens ? Après le CNE et le CPE, la fin du CDI n’est-elle pas envisagée sous l’appellation du « contrat de travail unique » ?
La mobilité de l’emploi, tant vantée par les néolibéraux, n’a jamais été aussi forte que lorsqu’elle était volontaire, parce que le chômage était très faible. Aujourd’hui encore, la stabilité des travailleurs dans les entreprises reste forte en moyenne. Non seulement parce qu’elle est contrainte - quitter son emploi est devenu bien plus risqué - mais parce que nombreux restent les employeurs qui savent que la stabilité des collectifs de travail conditionne l’implication professionnelle et les performances productives.
L’affaire du CPE incite à remettre en question bien de fausses évidences et de vraies impasses : à commencer par les dogmes néolibéraux d’une réduction du « coût du travail » et d’une « fluidification » du marché du travail comme remèdes au chômage et aux difficultés d’insertion professionnelle. Avec cette idée que « n’importe quel emploi » vaut mieux que « pas d’emploi du tout », on a multiplié, souvent à coups de milliards, les emplois précaires et à bas salaires, sans réduire pour autant le chômage de masse, d’ailleurs constamment sous- -estimé par les chiffres. Avec ce raisonnement, on peut aujourd’hui travailler... et vivre dans la rue : un tiers des sans-logis ont un emploi. Et on ferme les yeux devant la dégradation du travail et de la santé au travail, provoquées par une mise sous pression et en concurrence généralisée des salariés.
Il est grand temps de renoncer au CPE comme au CNE, d’arrêter d’opposer les intérêts des chômeurs et des travailleurs en emploi, et d’imaginer à l’inverse pour les uns et les autres une nouvelle génération de droits sécurisant les parcours et favorisant les mobilités choisies. Alors seulement droit « au » travail et droit « du » travail pourraient reprendre leur progrès de concert.
Signataires : [1]
Anne-Marie Arborio (sociologue).Jean-Jacques Arrighi (statisticien). Gilles Ascaride (sociologue).Claire Bidart (sociologue). Thierry Blöss (sociologue). Paul Bouffartigue (sociologue). Jacques Bouteiller (socio-économiste). Mariana Busso (sociologue). Élizabeth Brun (sociologue). Salvatore Condro (sociologue). Yves Doazan (sociologue). Mario Correia (sociologue). Anne-Marie Daune-Richard (sociologue). Henri Eckert (sociologue). Corine Eyraud (sociologue). Renato Di Ruza (économiste). Pierre Fournier (sociologue). Bertrand Fribourg (sociologue). Adeline Gilson (sociologue). Saïd Hanchane (économiste). Monique Haicault (sociologue). Boubaker Hlaimi (économiste). Rémy Jean (sociologue). Cathel Kornig (sociologue). Annie Lamanthe (sociologue). Caroline Lanciano (sociologue). Émilie Lanciano (gestionnaire). Séverine Landrier (sociologue). Maria-Eugenia Longo (sociologue). Ariel Mendez (gestionnaire). Dominique Maillard (sociologue). Delphine Mercier (sociologue). Nathalie Moncel (économiste). Sylvie Monchatre (sociologue). Stephan Moulin (économiste). Claude Paraponaris (gestionnaire). Edouard Orban (philosophe). Jean-René Pendariès (sociologue). Francesca Petrella (économiste). Patrick Perez (sociologue). Pierre Roche (sociologue). Frédéric Séchaud (sociologue). Tanguy Samzun (sociologue). Jeanne-Marie Tregan (gestionnaire). Patrick Veneau (sociologue). Éric Verdier (économiste).
Messages
1. > CPE, CNE - L’affaiblissement du droit du travail n’améliore pas le droit au travail ! , 9 mars 2006, 12:56
Bonjour,
Votre titre m’interpelle, vous ne croyez pas que nous nous trouvons
actuellement dans une situation ou tout le monde est pénalisé, même
l’entrepreneur, je m’explique :
Je crois, que nous subissons les effets de l’évolution, dans laquelle
s’inscrit le progrès technologique, que nous occultons, inconsciemment, ou
volontairement !
Nous devons nous rendre à l’évidence, que le travail commence à subir les effets
de la robotique l’informatique, qui lentement s’installe et perturbe l’organisation
de notre ancien système basé :
Entreprise=produit=main d’oeuvre=salaire=pouvoir d’achat !
Nous sommes confrontés actuellement à :
Entreprise=produit=automatisation=1/4 main d’oeuvre=1/4 salaire= affaiblissement du pouvoir d’achat.
Cette situation est évidemment intéressante momentanément pour le patronat, mais il subira le revers de la médaille, le jour, ou le pouvoir d’achat (fruit du travail), aura quasiment disparu en même temps que le salaire, le patronat devra alors s’accorder avec ceux qu’il aura licenciés, qui représentaient la croissance de sa richesse.
Je constate avec étonnement, qu’aucun organisme syndicale n’a débattu ce sujet pourtant
crucial pour l’avenir de notre système économique.
L’échappatoire du patronat est pour le moment, je dis bien pour le moment, les délocalisations,
dont il tire un bénéfice d’une main d’oeuvre bon marché qui auront
une fin, du fait de l’évolution de ces peuples !
Le patronat est temporairement devant deux choix :
S’automatiser, dont l’investissement est important ou
se délocaliser qui engendre un bénéfice non négligeable sans trop d’investissement,
son choix est légitime, l’entrepreneur n’a jamais été une oeuvre philanthropique,
ne l’oublions pas !
Le combat que mène le travailleur est faussé, il réclame un travail qui s’amenuise
de mois en mois au grès des découvertes du progrès technologique.
Lorsqu’un patron parle de restructuration, il s’automatise, et systématiquement
licencie, le combat que mène le monde du travail cible mal ses objectifs, ce qu’il doit revendiquer
c’est un pouvoir d’achat, le travail n’aura plus sa place prépondérante, mais bien le pouvoir d’achat
qui doit, incontournablement intéresser l’entrepreneur, puisqu’il en dépend !
Les milliers d’emplois qui se perdent, ne sont pas de caprices d’entrepreneurs,
mais une réalité qui s’installe progressivement, le progrès technologique.
Même le patronat, du moins certains s’en rendent compte.
En Allemagne Her Götz.W.Werner
1500 filiales.
21.000 salariés
Chiffre d’affaire 3,1 milliards €
On lui a posé 27 questions, une éponse insistait sur le fait :
G. W. : " Nous avons besoin d’un revenu citoyen inconditionnel. Une rente à vie pour chaque citoyen. " A combien doit-elle s’élever ? " A une somme suffisante pour couvrir décemment les besoins de base : 1300 à 1500 Euros. "
C’est incroyable mais vrai, un patron richissime, allemand, c’est rendu compte que le travail qui s’efface, va mettre sa fortune en péril, et c’est logique !
En Belgique un autre patrons dans le domaine informatique, Monsieur Duchâtelet, même statut, tient les mêmes propos, lui depuis 25 ans.
Lorsqu’on a demandé à ces patrons quant fallait il instaurer ce système, ce fut plus un cri qu’une réponse MAINTENANT, avant que ce soit trop tard !
Je crois que ce sont les syndicats qui devraient proposer ce revenu citoyen/ de base/ universel/ existentiel, il y a plusieurs dénominations
système, qui de toute façon est incontournable, disaient ces entrepreneurs.
Lorsque j’écoute les nouvelles, j’ai toujours l’impression d’entendre des paroles qui n’ont rien à voir avec ce que nous vivons,
qui n’ont pas de sens, de base, qui ne tiennent compte de rien, avec des mesures, qui sont des pansements sur jambes de bois.
Il serait peut être temps que les syndicats impose le revenu de base !
Bien à vous
Gérardine
Bedin.