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"Cesare Battisti, Victor Hugo et Benito Mussolini" par Didier Daeninckx

Publie le mercredi 3 mars 2004 par Open-Publishing

Culture. "Cesare Battisti, Victor Hugo et Benito Mussolini" par Didier Daeninckx (1)

Il y a un quart de siècle, l’éventualité d’un coup d’État d’extrême droite était une réalité en Italie. La faiblesse des institutions, l’emprise d’une classe politique corrompue, l’alignement du pays sur une Amérique martyrisant le Vietnam ont conduit toute une génération à penser qu’il fallait s’opposer au malheur par le moyen des armes.

On peut confortablement et raisonnablement juger aujourd’hui qu’il s’agissait là d’une erreur d’analyse. L’histoire se fait dans la tourmente et s’écrit une fois le calme revenu.

On sait que Victor Hugo, proscrit célèbre, ne participa pas à la Commune de Paris, une révolution ouvrière saccagée, massacrée, dont le sang, par rivières entières, teinta la Seine de rouge. Pourtant, il ne cessa de se battre pour que les milliers de combattants exilés, dont sa grande amie Louise Michel, puissent rentrer à Paris, la tête haute.

Au Sénat, en février 1878, il proclamait : " Vous n’avez qu’une chose à faire : ou la grâce ou l’amnistie. Qu’est-ce que la grâce ? C’est une peine. Qu’est-ce que l’amnistie ? C’est un effacement. Ce sont les deux contraires. Les guerres civiles ne sont finies qu’apaisées. En politique, oublier, c’est la grande loi. (...) La guerre civile est une faute. Qui l’a commise ? Tout le monde et personne. Sur une vaste faute, il faut un vaste oubli. "

Quelques années auparavant, alors qu’on lui proposait de quitter Guernesey, sans que rien ne soit changé à la nature du régime qui gouvernait la France, il avait répondu : " Quand la liberté rentrera, je rentrerai. "

Car la liberté passe aussi par les textes. On ignore qu’aujourd’hui encore, en 2004, le Code pénal italien, celui-là même sur lesquels les juges s’appuyèrent pour condamner Cesare Battisti et des centaines de révoltés, porte sur sa première page les noms de ses initiateurs de 1930. Rocco était alors ministre de la Justice sous le règne de Victor-Emmanuel III, et il apposa sa signature près de celle de son maître, le dictateur fasciste Benito Mussolini.

L’héritier de Rocco s’appelle Castelli. Il appartient à la très xénophobe Ligue du Nord que ne gêne pas cette référence au duce. Au contraire. Il a été nommé par Silvio Berlusconi, détenteur de la carte numéro 1816 de la Loge P2, qui ne craint pas, lui, de dénoncer " la contiguïté entre le mouvement anti-globalisation et le terrorisme ".

En s’appuyant sur les dérives d’un passé vieux de trente années, c’est en vérité au présent également qu’ils veulent s’attaquer.

(1) Dernier roman paru Je tue il (Série noire).

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-02-28/2004-02-28-389009