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Circulaire eleves sans papiers = poudre aux yeux J-4
Publie le mardi 27 juin 2006 par Open-PublishingCirculaire eleves sans papierss = poudre aux yeux
"Libération", 27 juin 2006
Elèves sans papiers, élèves expulsés (J-4)
« La circulaire Sarkozy, c’est surtout de la poudre aux yeux »
Stéphane Maugendre, avocat, décrypte les conditions de la
régularisation.
par Anne Diatkine
Combien de sans-papiers parents d’enfants scolarisés sont concernés
par la régularisation que Nicolas Sarkozy leur a fait miroiter avec
sa circulaire du 13 juin ? Le ministre de l’Intérieur énumère six
critères. Et en ajoute un, dont la formulation est plutôt floue,
puisqu’il parle d’étrangers « dont il avait été demandé de suspendre
l’éloignement jusqu’à la fin de l’année scolaire 2005-2006 ». Est-ce à
dire que la régularisation est réservée aux personnes ayant fait
l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière ? « C’est une rumeur
qu’on a entendue dans certaines préfectures mais pas dans d’autres.
Il n’y a pas deux préfectures qui fonctionnent de la même manière »,
regrette Jérôme Martinez, de la Cimade (service oecuménique
d’entraide). Lecture de la circulaire avec Stéphane Maugendre, avocat
spécialisé dans le droit des étrangers.
Un grand nombre de familles sans papiers semblent entrer dans le
cadre de la circulaire. Existe-il un quota ?
L’annonce de Sarkozy fait naître beaucoup d’espoirs chez les familles
de sans-papiers. Or, ces critères sont cumulatifs et la plupart en
induisent d’autres, implicites. C’est un entonnoir. On y entre
volontiers, mais on en sort au compte-gouttes. Le nombre de
régularisations est marginal ! C’est surtout de la poudre aux yeux.
Une loi hyper répressive sur l’immigration est votée, puis une
circulaire est publiée, qui vise à montrer que Sarkozy est humain.
Les familles doivent-elles se dépêcher de déposer un dossier en
préfecture ?
Je leur déconseille. Il faut qu’elles prennent le temps de le
bétonner et de le faire relire par une des associations faisant
partie de RESF ou par un avocat spécialiste.
Le sixième critère évoque « la réelle volonté d’intégration de ces
familles, caractérisée notamment par leur maîtrise du français, le
suivi éducatif des enfants ». Que signifie « maîtriser » une langue ?
Chaque préfet se posera la question ! Est-ce savoir la parler, la
lire et l’écrire, ou seulement la parler ? Dans certaines
préfectures, il y aura des entretiens individuels avec les deux
parents, je leur conseille de mettre dans leur dossier un certificat
d’inscription à un cours de français. Ce critère est excluant pour
les familles originaires d’un pays dont la langue est éloignée du
français.
Qu’appelle-t-on « le suivi éducatif » des enfants ?
Avant le 7 juillet [date de la fermeture des classes, ndlr], il
faudrait que les directeurs d’établissements fassent des attestations
d’assiduité, non pas pour l’année écoulée, mais pour les trois
dernières années. Mais il faudrait aussi qu’il y ait des lettres de
parents d’élèves et d’enseignants qui témoignent de l’accompagnement
de sortie par l’un des parents sans papiers. Les médecins
généralistes doivent également écrire des lettres témoignant que les
enfants sont soignés.
Il semble facile de prouver que l’on a « un enfant né en France ou qui
y réside habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13
ans »...
Ce qui exclut les familles dont les enfants sont arrivés quand ils
avaient plus de treize ans. Comment les bacheliers et les étudiants
sans papiers vont-ils être régularisés ?
Quels recours ont les familles ?
Aucun, car il s’agit d’une circulaire, et non d’une loi ou d’un décret.
Les parents en situation irrégulière sont souvent persuadés qu’ils
seront protégés à la rentrée de septembre...
En vertu de quoi ? En août, la loi sur l’immigration est applicable.
Les préfectures auront tous les moyens de reconduire les familles à
la frontière. Si Nicolas Sarkozy avait eu envie de « protéger » les
familles dont l’un des enfants est scolarisé, il aurait pris un
décret qui aurait permis de faire des recours devant les tribunaux.