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Clearstream : le pari risqué de la plainte en diffamation de Villepin (presse lux)
Publie le mercredi 21 juin 2006 par Open-PublishingClearstream : le pari risqué de la plainte en diffamation de Villepin
Dominique de Villepin prend le risque de relancer l’intérêt pour l’affaire Clearstream en portant plainte pour diffamation contre trois auteurs d’ouvrages sur ce scandale, même si l’épilogue judiciaire de cette démarche inédite pour un Premier ministre semble lointain.
Le premier secrétaire du PS, François Hollande, a souligné mardi, lors de la séance des questions à l’Assemblée, la singularité de la démarche du Premier ministre, qui sonne selon lui comme un aveu de faiblesse.
Affirmant qu’il ne retrouverait pas la confiance perdue des Français et de sa majorité »dans les procédures judiciaires que vous intentez contre des journalistes », le leader socialiste a noté que »jamais un Premier ministre n’y avait eu recours sous la Ve République ».
Selon son entourage, M. de Villepin s’est décidé à déposer plainte car il était exaspéré que »des ouvrages entiers » le mettent en cause »sans fondement » par le biais de »constructions ».
Auteur de »Clearstream l’enquête » (Les arènes/Julliard), Denis Robert ne s’est pas montré impressionné. »Je ne fais qu’énoncer des faits et tout ce que j’avance sera facilement démontrable devant un tribunal », a-t-il assuré.
Egalement visés par la plainte, Jean-Marie Pontaut et Gilles Gaetner, du service Investigation de L’Express et auteurs de »Règlements de compte pour l’Elysée » (Ohéditions), se sont déclarés »surpris ». »On ne roule pour personne », a dit Gilles Gaetner à l’AFP, soulignant que »le fonctionnement des institutions doit pouvoir être librement débattu dans une société démocratique, même au prix d’une polémique ».
Pour l’avocat Yves Baudelot, le Premier ministre »s’expose » et »prend un gros risque » si les plaidoiries ont lieu, puisque le tribunal devra établir la bonne foi des journalistes, un concept relativement »souple », et leur demandera d’étayer leurs propos. Selon lui, toutes les personnalités citées dans l’affaire pourraient alors être invitées »à venir raconter leur histoire ».
Plusieurs avocats spécialistes du droit de la presse, interrogés par l’AFP, doutent également que l’affaire aille jusqu’aux plaidoiries, exposant le chef du gouvernement à un débat public sur son rôle présumé au coeur de ce scandale.
Me Jean-Paul Levy estime que M. de Villepin ne provoquerait pas un tel débat, qui pourrait durer deux ou trois jours consécutifs, en pleine campagne électorale. Cette plainte n’est, selon lui, qu’une »bouteille à l’encre, un coup de canon qui fait long feu ».
En outre, il est peu probable qu’une telle audience puisse se tenir avant l’élection présidentielle, le calendrier de la 17ème chambre correctionnelle de Paris, où serait plaidé l’affaire, étant particulièrement chargé, affirment ces spécialistes.
Selon l’avocat Christophe Bigot, qui défend régulièrement journaux et éditeurs, une première audience de fixation pourrait intervenir pendant l’été, pour des plaidoiries au printemps 2007 au plus tôt.
Mais le Premier ministre peut toujours »se désister » de sa plainte à la veille de ces plaidoiries, évitant ainsi un débat de fond, comme l’ont fait dans le passé d’autres hommes politiques dont l’ancien maire de Paris Jean Tiberi, fait-il valoir.
»Il est, de cette façon, maître de son calendrier », ajoute-t-il, soulignant qu’il bénéficie dans tous les cas de figure de l’effet d’annonce, lui permettant à la fois de »se poser en victime » et d’envoyer un message de fermeté aux journalistes.