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Colère turque face au vote du Congrès sur le "génocide" arménien

Publie le jeudi 11 octobre 2007 par Open-Publishing
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de Paul de Bendern

ANKARA (Reuters) - La Turquie, alliée de Washington au sein de l’Otan, a réagi avec colère jeudi à l’approbation par une commission de la Chambre des représentants américaine d’une résolution qualifiant de génocide les massacres d’Arméniens par les Ottomans en 1915.

Ankara a fait savoir que les relations bilatérales pâtiraient du vote de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants. Le texte, approuvé contre l’avis de la Maison blanche, doit être soumis à la chambre en séance plénière le mois prochain.

Ce développement intervient alors que le Premier ministre turc Tayyip Erdogan s’apprête à demander au parlement, que contrôle son parti, d’autoriser une incursion militaire dans le nord de l’Irak contre les séparatistes kurdes qui y sont basés. Initiative à laquelle est opposé le gouvernement américain.

"L’approbation de cette résolution par la commission est une initiative irresponsable qui, à un moment très délicat, va compliquer les relations entretenues depuis des générations avec un ami et un allié, ainsi qu’un partenariat stratégique", dit un communiqué du gouvernement turc de centre droit.

"Notre gouvernement déplore et condamne cette décision. Il est inacceptable que la nation turque soit accusée d’une chose qui n’a jamais eu lieu dans l’histoire", ajoute-t-il.

La Turquie, qui joue un rôle clé dans une région instable, laisse entrevoir des conséquences négatives pour ses liens et sa coopération militaire avec les Etats-Unis en cas d’adoption de la résolution par le Congrès.

La Turquie rejette la position arménienne, soutenue par de nombreux historiens occidentaux, selon laquelle 1,5 million d’Arméniens ont été victimes d’un génocide en territoire ottoman durant la Première Guerre mondiale.

Ankara fait valoir que de nombreux Turcs musulmans ont péri en même temps que des Arméniens chrétiens au cours d’un conflit interethnique qui coïncidait avec l’effondrement de l’Empire ottoman.

DESTABILISATION

La résolution sur le "génocide" arménien, adoptée par 27 voix contre 21 à la commission des Affaires étrangères, sera mise au vote de la Chambre des représentants en séance plénière d’ici à la mi-novembre. Une résolution similaire, et purement symbolique circule au Sénat.

La Maison blanche avait souligné que cette résolution porterait préjudice aux relations avec la Turquie, qui joue un rôle logistique important dans la guerre d’Irak.

Le gros des fournitures destinées aux troupes américaines en Irak transite par la base aérienne turque d’Incirlik. Des fournitures sont aussi envoyées de cette base aux soldats stationnés en Afghanistan.

Des diplomates s’attendent à ce que le vote de la commission américaine affaiblisse l’influence de Washington sur Ankara au moment où le parti AKP au pouvoir en Turquie étudie une opération militaire dans le Nord irakien.

Une incursion militaire d’envergure affecterait à la fois les relations de la Turquie avec les Etats-Unis et l’Union européenne, à laquelle Ankara espère adhérer dans le futur. Elle pourrait déstabiliser la partie la plus pacifique de l’Irak et retentir sur l’ensemble de la région.

Mais d’intenses pressions s’exercent sur Erdogan pour qu’il agisse après des attaques séparatistes qui se sont soldées par la mort d’une trentaine de soldats et de civils au cours des deux dernières semaines.

Il a déclaré mercredi soir que son gouvernement pourrait solliciter dès jeudi une autorisation du parlement et l’obtenir à la fin du mois de jeûne musulman du ramadan. Washington s’oppose à l’envoi de soldats turcs dans le nord de l’Irak à dominante kurde par crainte d’une déstabilisation régionale.

Le sous-secrétaire d’Etat Nicholas Burns a déclaré que l’administration Bush était "très déçue" par le vote de mercredi et a indiqué que la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice prendrait contact avec son homologue turc jeudi.

Le président turc Abdullah Gül a jugé inacceptable le texte de résolution et accusé des hommes politiques américains d’avoir sacrifié de graves problèmes à "leurs petites manoeuvres".

Huit anciens secrétaires d’Etat avaient écrit à la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, favorable à la résolution, pour s’opposer au texte en brandissant un risque de mise en danger de la sécurité nationale américaine.

http://www.lemonde.fr/web/depeches/...

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