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Comminiqué à l’opinion publique de DIDF

Publie le vendredi 21 mai 2004 par Open-Publishing

Communiqué à l’Opinion publique

La campagne menée en France concernant la Turquie ne sert qu’aux forces réactionnaires des deux pays.

Les débats concernant l’entrée de la Turquie à l’Union européenne (U.E ) sont réapparus dans l’actualité. Tous les partis politiques, les anciens et les nouveaux politiciens, certaines organisations civiles, toutes personnes intéressées ou non à cette question, se trouve dans l’obligation d’exprimer quelque chose.
Ce débat, commencé il y a quelques années par l’ancien président de la République et l’actuel président de la Convention européenne Valéry Giscard d’Estaing, est encore d’actualité dans la vie politique française avec l’entrée des dix nouveaux pays dans l’UE ces derniers jours et avec les élections européennes de juin 2004. Cette question de la Turquie est utilisée une fois de plus par certaines forces uniquement dans un but électoral.

L’opposition du président de l’UMP, Alain Juppé, à l’adhésion de la Turquie à l’UE, a reçu le soutien des forces de droite comme de gauche, alors que lorsqu’il était ministre des affaires étrangères, celui-ci a signé un accord d’union douanière entre l’UE et la Turquie.
L’autre parti de droite, UDF, qui soutient le gouvernement, a déclaré officiellement par l’intermédiaire de son président François Bayrou, son opposition à l’adhésion de la Turquie à l’UE.
Ceux qui ont une approche réactionnaire et nationaliste, tels que Philippe de Villiers et Jean Marie Le Pen, profitent aussi pleinement de ce débat.
La position du parti socialiste et de quelques autres forces de gauche qui prétendent prendre la défense de la Turquie peut se résumer ainsi : « il n’y aucun motifs à considérer la Turquie comme un adversaire à l’heure actuelle. Les discussions vont durer au moins 15 ans, et nous avons encore le temps pour prendre une décision ».

Le débat s’élargit à toute la société par le soutien des médias, par le fait que les studios de télévisons organisent des émissions et que les journaux consacrent des pages entières sur cette question. Les sondages d’opinions viennent aussi alimenter le débat. Selon ces mêmes sondages, alors que les opposants à l’adhésion de la Turquie il y a quelques temps représentaient environ 50%, ce taux a atteint subitement les 60, voire 65%.

Comme voue le savez, la Turquie est traînée aux portes de l’UE depuis quarante ans par les Occidentaux et les gouvernements turcs. En 1999 le statut du candidat à l’adhésion à l’UE lui a été reconnu, ce qui a, d’ailleurs, été réaffirmé à Copenhague en 2002.
Si la Turquie montre des signes de progrès suffisants, d’après les critères définis, le processus de négociation pour son adhésion pourrait commencer selon une décision qui serait prise en décembre 2004.
Comme vous le voyez, après quarante ans d’attente, et si l’on considère que la Turquie répond aux critères imposés, elle ne pourra adhérer qu’après un long processus d’au moins 10 à 15 ans de négociations. De plus, à la fin de ces longues négociations rien n’est garantie concernant l’adhésion de la Turquie
Autrement dit il n’est pas question aujourd’hui d’une situation où l’on pourrait dire : « au secours ! la Turquie »

Alors dans ce cas, quelles sont les raisons de faire autant de bruit ?

Premièrement : Des sentiments de préjugés sont provoqués et utilisés pour des fins électorales à l’approche des élections de députés européens. Il est compréhensible que ceux qui en ont le plus besoin, sont les mêmes qui ont connu récemment une débâcle électorale, à savoir les partis de droite.
Deuxièmement : Cette campagne menée contre la Turquie fait partie de la « criminalisation de l’islam » au niveau international. Elle s’inscrit dans un contexte international où les attaques contre les tours jumelles de New York sont utilisées comme un prétexte. Derrière les attaques contre l’Islam, ce sont des peuples et leurs luttes qui sont opprimés et réprimés. Dans les pays avancés, ce prétexte sert aussi à légitimer les attaques menées contre les droits démocratiques acquis par les luttes des travailleurs.

Troisièmement : Dans la scène politique internationale, la Turquie est en réalité un sujet de rivalité entre les Etats-Unis et l’Union européenne ( précisément de l’Allemagne et de la France). Force est de constater que les périodes où les rivalités entre ces deux blocs s’aiguisent, comme à l’heure actuelle, correspondent aux moments où les désaccords entre la Turquie et l’U.E se renforcent. L’acceptation ou le refus définitif de la Turquie à l’avenir dépendent des flottements des relations entre ces deux blocs. De ce point de vue il serait faux de considérer cette campagne qui a pour but de préparer un terrain favorable ou non à l’adhésion, sans la relier à la question internationale.

En réalité, les relations de la Turquie avec l’UE depuis quarante ans ne sont rien d’autre que l’histoire d’une hypocrisie réciproque.
Pour les classes dirigeantes turques, faire vivre l’espoir de l’Europe au sein de la population est un moyen d’assurer la continuité de leur pouvoir et de faire accepter facilement un certain nombre de « sacrifice » au peuple. En même temps c’est « un rideau » qui dissimule la dépendance du pays à l’étranger.
Pour l’UE, comme dans le cas de l’accord d’union douanière, il s’agit de gagner des parts de marché turc sans aucune contre partie. De plus l’UE, sans repousser la Turquie dans l’autre bloc, veut se servir de ce pays, situé dans une région stratégique pour ses propres intérêts, et dans une certaine manière afin d’assurer sa sécurité.
Ce qui est important pour l’Europe, c’est le marché turc, sa main d’œuvre de bon marché et abondante, son potentiel de consommation et sa situation stratégique. En dehors de cela, le reste n’est rien d’autres que des prétextes et des mensonges.

Certes, il est important que le peuple de la Turquie augmente à un niveau de vie, des libertés individuelles et collectives comparables en Europe. Mais penser que cela ne se réalisera uniquement avec les diktats de l’UE est une grave erreur. Les droits démocratiques et la relative prospérité économique de la France et des autres pays européens ne sont pas dus à l’UE, mais gagner grâce à la lutte des travailleurs durant des centaines d’années et aux sacrifices de nombreuses vies. En réalité le processus de construction de l’UE correspond aux restrictions et aux régressions de ces mêmes droits démocratiques et économiques.

Stopper cette hypocrisie est devenu désormais une nécessité pour les travailleurs de la Turquie et de l’Europe. Il est évident que le débat, les rivalités et les démagogies concernant la Turquie ne servent pas à l’amitié et au rapprochement entre les pays et les peuples. Au contraire ils ne font que développer les préjugés réactionnaires et racistes.
Il est évident que les travailleurs et les jeunes issus de l’immigration de Turquie sont influencés et le seront encore plus par les conséquences néfastes de ce débat. Les forces réactionnaires de deux pays seront les premiers à en profiter.

DIDF, la Fédération des Associations des Travailleurs et des jeunes, qui est l’organisation des travailleurs et des jeunes issus de l’immigration de Turquie, revendique l’arrêt immédiat de cette campagne qui incite que des préjugés racistes et réactionnaires, la fin de cette hypocrisie réciproque, et que les vrais raisons soient expliqués aux peuples. C’est dans cette perspective que DIDF mène son combat avec les travailleurs français et leurs organisations qui subissent les conséquences néfastes des mesures européennes.

DÝDF
Fédération des Associations des Travailleurs et des Jeunes
www.didf.net