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Comores : UN DROIT D’INGÉRENCE A GÉOMÉTRIE VARIABLE
Publie le vendredi 24 juillet 2009 par Open-PublishingDans une lettre adressée à l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), le président Sarkozy a exprimé ses vives inquiétudes sur la situation au Niger où le président en exercice a procédé à un coup d’état institutionnel. L’assemblée et la cour constitutionnelle du pays ont été dissoutes. En termes clairs, Sarkozy a jugé "à la fois inquiétante et décevante" l’évolution de la situation au Niger où, à ses yeux, la démocratie et les institutions sont aujourd’hui directement menacées".
Comme pour son homologue comorien, le président TANJA du Niger est arrivé au terme de son mandat après 10 ans à la tête de l’Etat. La constitution de son pays limite le nombre de mandats à 2 quinquennats et stipule que cette disposition ne peut faire l’objet d’aucune révision « ni par voie de référendum ni par voie parlementaire ». Qu’à cela ne tienne ! A 70 ans, le président nigérien Mamadou Tandja a déjà fixé au 4 août la tenue d’un référendum sur une nouvelle Constitution devant lui permettre de rester au pouvoir au-delà de son mandat actuel fin 2009 et de se représenter autant qu’il voudra. Il convient de rappeler que l’arrêt initialement rendu par la haute cour, constatant l’illégalité du référendum, était censé être sans appel. Cela, le président qui a pourtant prêté serment de respecter la constitution de son pays, a décidé de passer outre. Comme Sambi, il s’est également arrogé des "pouvoirs exceptionnels" qui lui permettent de gouverner seul par décrets et ordonnances. A part Khadafi, la communauté internationale toute entière, le secrétaire général de l’ONU, l’UA et l’Union Européenne ont crié au scandale. L’aide financière promise par l’UE a d’ores et déjà été suspendue. La France, ancienne puissance colonisatrice a, comme nous l’avons indiqué, exprimé ses inquiétudes et pour résumer, sa totale désapprobation.
En somme, à la différence du Niger, le référendum organisé par Sambi dont l’objectif principal est de se maintenir au pouvoir, n’a suscité la moindre indignation. Pourquoi cette différence de traitement alors que le but visé par les 2 présidents est identique ?
En effet, pour ce qui est des Comores, on nous répliquera qu’il s’agit d’une affaire interne qui relève de la souveraineté d’un pays indépendant. Par contre, pour le Niger qui détient d’énormes gisements d’uranium (2° rang mondial), on n’hésite pas à dégainer l’arme fatale : le fameux droit d’ingérence dont l’initiateur n’est autre que l’actuel ministre français des relations extérieures, le french doctor, M. KOUCHNER. Pour le fonctionnement de ses centrales nucléaires, la France est plus que tributaire de l’uranium nigérien. L’âpreté des négociations ayant abouti à la signature d’un contrat d’exclusivité avec la société AREVA le prouve. Une éventuelle dégradation du climat politique dans ce pays pourrait être générateur de troubles sociaux, susceptibles de gêner énormément les approvisionnements de cette matière hautement stratégique. Les inquiétudes exprimées par le président Sarkozy sont donc plus dictées par des considérations économiques que par une quelconque volonté de préserver les acquis institutionnels au Niger.
Mais qu’est-ce qui pousse les dirigeants africains à vouloir se maintenir éternellement au pouvoir ? Faire sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats, cela devient une habitude. Tandja emprunte le même chemin que Blaise Compaoré, feu Omar Bongo, Lansana Conté, Yoweri Museveni, Idriss Déby Itno, Zine el-Abidine Ben Ali, Paul Biya ou Abdelaziz Bouteflika. Avec le même argument en guise de justification : finir l’« immense » travail entamé et ne pas laisser le pays, si « fragile », entre des mains pas suffisamment expertes...
A chaque coup, on nous sort la même rengaine, la même litanie : C’est le peuple qui réclame la continuité pour permettre de parachever l’œuvre entreprise car les autres prétendants ne sont que des incapables. Parfois, on fait état de considérations sécuritaires pour préserver l’unité de la nation qui serait dangereusement menacée. On annonce l’apocalypse ou on fait miroiter des lendemains qui chantent pour capter l’incrédulité des citoyens. En d’autres termes, c’est moi ou le chaos. Rappelez-vous des raisons invoquées par le Président Abdallah quand il a voulu se maintenir au pouvoir alors que la constitution de 1978 limitait à 2 le nombre de mandats. Toujours les mêmes inepties.
En effet, des questions subsistent. Pourquoi la communauté internationale réagit-elle différemment selon le pays incriminé ? Pourquoi certains dirigeants bénéficient-ils d’un traitement de faveur alors que l’objectif poursuivi est le même, c’est à dire, confisquer le pouvoir au mépris de la légalité ? Qui a dit que la françafrique était définitivement enterrée ?
L’ambivalence de la diplomatie française en Afrique devient chaque jour plus flagrante. Fraîchement réélu, le président BIYA du Cameroun qui est au pouvoir depuis 27 ans, a été reçu en grandes pompes à l’Elysées par son homologue Sarkozy. Pourquoi le président français qui crie au loup pour le cas nigérien, manifeste t-il parallèlement une complaisance coupable lorsque Biya, Sambi et d’autres, piétinent la constitution de leur pays pour satisfaire leur soif de pouvoir ? Cet exercice d’équilibriste est intenable.
Enfin, nous africains, devons savoir que les dirigeants des états du nord et les institutions qu’ils dirigent ou noyautent, agiront toujours en fonction de leurs intérêts propres. La nécessité d’asseoir dans le continent la démocratie, synonyme d’alternance et de stabilité, est loin d’être pour eux une priorité majeure. En conséquence, devant cette indifférence face au piétinement des règles démocratiques par nos dirigeants, nous devons apprendre à ne compter que sur nous-mêmes, surtout que nous n’avons aucun baril de pétrole ni un gramme d’uranium à vendre. La France ou les Etats-Unis se sont-ils un jour souciés de la condition des femmes en Arabie-Saoudite ou dans certains pays du golf ? Excusez le terme mais, l’Union des Comores comme d’autres nations du Sud qui n’ont rien à donner à l’occident, sont devenues « quantité négligeable ». L’opposition comorienne étant à court d’idées pour ne pas dire inexistante et nos soi-disant intellectuels étant pour leur majorité corrompus et avides de pouvoirs, seule une mobilisation du peuple d’en bas peut changer la donne. Enfin, rappelons-nous de ce refrain : « Kondro ya massikini wi yiwano ndayé wayé ». Certains compatriotes prônent la patience. Je pense qu’ils font fausse route. A l’approche du ramadan, les fonctionnaires totalisent plus de 8 mois d’arriérés de salaires. Cette situation qui pénalise les petite gens est tout simplement inacceptable. Nous restons persuadés que seule une grève générale pourra faire bouger les choses. Nous appelons donc l’ensemble des travailleurs des secteurs public, para-public, privé et même de l’informel à observer massivement à une date qui reste à déterminer, une grève générale afin de faire bouger les autorités.
Moroni, le 24 Juillet 2009 - ABOULKARIM Mohmed
Source : http://roinaka.skyrock.com/