Accueil > Côte d’Ivoire : au risque du bras de fer
La France, ne peut considérer ses tensions actuelles avec la Côte d’Ivoire comme un conflit entre Paris et Abidjan. Elle doit hausser son action au niveau du mandat de l’ONU.
Est-ce bien le temps de se jeter entre chefs menaces et rodomontades ?Comme s’il suffisait à la France de donner du menton pour que cessent les troubles, le chef de l’État ivoirien se sentant en retour « insulté ». La question serait donc une affaire franco-ivoirienne. Une sorte de bras de fer entre deux États ?
La situation en Côte d’Ivoire est d’une extrême gravité. Non seulement parce que les ressortissants étrangers et notamment français qui jusqu’alors sont restés sur place ne peuvent aujourd’hui s’estimer en sécurité. Les passions déchaînées ne rentrent pas si facilement dans leurs boîtes, à supposer même que les dirigeants ivoiriens le veuillent vraiment, ce qui est rien moins qu’évident. Mais la gravité de ce qui se passe aujourd’hui dans l’un des plus importants pays d’Afrique tient aux risques pour le pays même, pour le continent ensuite. Pour le pays, où les risques de chaos armé deviennent plus évidents chaque jour qui passe avec de nouveaux affrontements entre forces rebelles et « patriotes » ou armée dévoués au président Bagbo. Des affrontements d’autant plus à redouter que la manipulation par le pouvoir ivoirien du thème de « l’ivoirité », dans le droit-fil de ses prédécesseurs, vient flatter les démons les plus sordides.
Plus largement, la déstabilisation de la Côte d’Ivoire qui jusqu’alors semblait en Afrique un facteur d’équilibre et de modération serait pour les États limitrophes et au-delà un tremblement de terre. Un désastre dans une zone en proie aux convulsions, aux ravages de la pauvreté venant réactiver les rivalités, les conflits ethniques, de territoires.
Mais est-ce seulement l’affaire de l’Afrique ? Comment occulter dans la crise ivoirienne la crise économique profonde liée à la baisse des cours du cacao en premier lieu, de l’ensemble des matières premières ensuite. Le système des échanges mondial, le fonctionnement de l’économie internationale sont absolument inéquitables. Ils viennent en permanence pénaliser tous les pays du continent, y compris les plus animés par la volonté de s’en sortir eux-mêmes. Baisse du prix d’achat de leurs matières premières, hausse des produits finis qu’on leur vend en retour. Quelle est l’image du monde des Ivoiriens ? Peut-on oublier que c’est en Afrique que sont d’abord, aujourd’hui, les damnés de la Terre ?
La question ivoirienne au sein des questions de l’ensemble de l’Afrique est posée à l’ensemble de la communauté internationale. Oui ou non, les nations du monde, les Nations unies, mais aussi ceux dont on parle bien peu ces temps-ci, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale vont-ils laisser un continent sombrer, quand ils ne le coulent pas eux-mêmes ?
La France dans ces conditions ne peut considérer ses tensions actuelles avec la Côte d’Ivoire comme un conflit entre Paris et Abidjan. Oui, elle a un mandat de l’ONU. On peut se demander du reste s’il était bien fondé de confier un tel mandat à l’ancienne puissance coloniale quand cadavres et fantômes sont toujours dans les placards. Quand les mentalités et les habitudes sont tenaces, quand de solides intérêts matériels sont en jeu. Mais, quoi qu’il en soit, la France doit aujourd’hui hausser son action au niveau de ce mandat, avec la communauté internationale.. Elle n’est pas comptable d’elle-même dans cette affaire mais elle doit, avec la même hauteur de vue que celle qu’elle a montrée avant le déclenchement de la guerre en Irak, faire valoir dans cette crise les intérêts du monde et de l’Afrique, les intérêts de la Côte d’Ivoire en même temps que ceux de la France. Il lui faut, sans doute aucun, avoir la force du droit, de qui parle au nom de la paix, du développement, de l’équilibre entre les peuples. Le chef de l’État sait le faire dans les sommets internationaux. Il doit le faire en actes.
http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-11-16/2004-11-16-450028