Coup de gueule de Patrick Sébastien

Patrick Sébastien - « Mes quatre vérités »,

Vous parlez aussi de la « racaille » ?

Je la connais par coeur mais ce n’est pas une question de race ou de couleur. Ce sont des voyous, un point c’est tout. Quand on était rugbymen, on allait tout casser dans les bals, c’était pareil. On était de la racaille. Moi, je suis un humaniste. Je n’ai pas du tout envie de ce putain d’amalgame qui pointe du doigt les Noirs ou les Arabes ! Ce qui est affolant c’est que si Le Pen dit : « Si tu n’aimes pas ton pays, quitte-le ! », vous, les médias, vous le tuez. Et quand Sarkozy le reprend à son compte, tout le monde dit « bravo ». C¿est une manipulation hallucinante. Le discours du premier est aussi dangereux que celui du second.

Critiquer aussi ouvertement un présidentiable est politiquement incorrect, non ?

Que Sarkozy soit président, je m’en moque. Tant mieux si le pays marche mieux. Mais après, je ne vois pas autre chose que la répression. J’ai envie de m’engager sur le sujet. Et tant pis si on me fait fermer ma gueule. Quand je vois les « mange-merde » que sont les humoristes aujourd’hui, qui n’osent plus l’ouvrir parce qu’ils ne pensent qu’à vendre leur DVD. Voilà pourquoi j’ai du respect pour un Guy Bedos qui sait faire autre chose que des sketches sur le camping ou les aspirateurs.

Ce n’est pas schizophrénique de tenir ces propos et de recevoir ses artistes en promo pour leur DVD dans votre Cabaret ?

Regardez bien. Il y en a que je ne reçois pas et que je ne recevrai jamais.

Qui ?

Johnny. Il intéresse tout le monde mais pas moi. Je suis un fan de la première heure. Quand il y avait un mec sur scène qui disait qu’il était né dans la rue. Aujourd’hui, c’est le mec le moins rock n’roll de France. Mais ça, il ne faut pas le dire. Que des humoristes, comme Bigard, puissent être des supporters de Sarkozy, cela m’effraie. Et pourtant, bien que je le sois au fond de moi, je ne suis pas vu comme un mec de gauche. J’ai toujours considéré Chirac comme un radical-socialiste.

Vous en êtes toujours proche ?

Chirac est mon ami. Je fais partie des fidèles. Il y a trois mois, j¿étais à son anniversaire. Nous n’étions pas nombreux, douze. Les mêmes qui étaient là en 1995 quand personne n’y croyait.

Son second mandat ne vous déçoit pas ?

Bien sûr qu’il est fragile en fin de règne. J’en parle dans mon livre en disant que lui et Mitterrand sont des filous, des menteurs mais que c’est la politique du « moins pire ». Je crois que quand on fera le bilan de ces deux-là, on s’apercevra qu’ils n’étaient pas si mal. Aujourd’hui, ça manque d’épaisseur. François Hollande est vraiment fait pour vendre des cravates.

Vous pourriez vous inscrire dans un parti ?

Mais, je ne veux pas ! Je suis fâché avec les élites qui prennent ceux qui vont dans les campings pour des cons. Moi, pas ! Je peux me retrouver dans une bodega à six heures du mat’ avec des putes et deux jours plus tard au palais de Monaco avec le prince Albert et des gens très riches mais peut-être tout aussi respectables humainement. Elle est là ma force.

Ségolène Royal ?

Je ne sais pas si cette femme-là est la bonne mais une chose est sûre, j’aimerais bien que ce soit une femme qui soit présidente de la République. En ce qui me concerne, si on se retrouve avec un duel Ségolène-Sarko, je voterai Segolène. Et si c’est Michèle Alliot-Marie contre Hollande, je voterai Alliot-Marie.

Vous voteriez plus pour la femme que pour ses idées ?

Symboliquement, oui. Pourquoi pas ? Contrairement à ce qu¿on croit, je suis tout sauf un macho. Je ne travaille qu’avec des femmes. Dans une chanson, je dis : « on a des chefs de pacotille, que des baltringues, une opposition en guenilles, madame Foldingue, y’ a même plus de droite, y’ a même plus de gauche, qui se tirent la bourre à savoir qui pisse le plus loin ».

Entre le livre brûlot et le disque qui déménage, le nouveau Sébastien est en route ?

Je ne le fais pas pour vendre des trucs mais parce que cela reflète mon état d’esprit actuel. Je ne reconnais plus mon pays. J’ai eu vingt ans en 1968 et j’ai dû mal à accepter les privations de liberté. Quand je vois mes copains restaurateurs qui ne peuvent plus bosser, qui n’ont pas eu la baisse sur la TVA...

... Merci Jacques ?

Il s’est fait avoir par l’Europe. Et puis, ne vous trompez pas. Les mômes qui étaient dans la rue contre le CPE, c’est la génération Star Ac’.

Vous n’allez quand même pas mettre tous les maux de la Terre sur le dos de la Star Ac’ ?

Si. C’est très important. Cela fait cinq ans qu’on explique aux mômes qu’ils peuvent devenir riches et célèbres sans rien faire. Cela entraîne une vraie frustration car combien vont y arriver ? Le premier pouvoir en France, c’est la télé.

Donc, vous en avez une parcelle de ce pouvoir ?

Très limitée. Je ne suis pas un manipulateur. Je montre des clowns sans filer de faux espoirs aux gens. Pour Intime conviction, on me demande pourquoi je ne mets pas de sms pour que les gens puissent voter. Mais ils n¿ont déjà pas de pognon, on ne va quand même pas leur piquer de l’argent en plus pour faire des émissions ! C’est ma colère. Je considère que l’hégémonie de TF1 est un danger.

Et si vous vous serviez de ce combat contre TF1 pour votre propre publicité ?

Je pourrais la fermer et faire mon Cabaret. Je sors ce livre maintenant parce que ça marche très bien. Il n’y a aucune aigreur dans ce que je dis. Mon regard sur la télé est très lucide. Je n’y suis pas complaisant avec TF1 mais encore moins à mon égard. J’explique comment jai failli péter un câble à cause de cette putain d’audience ; comment je m’en suis tiré à temps.

Ce fut une question de survie ?

Petit, je regardais « La piste aux étoiles » à la télé à travers une vitrine. Trente ans plus tard, après « Osons », je suis revenu quasiment au même endroit pour me mettre un pistolet sur la tête, prêt à me tirer une balle dans la tronche. À cause de la télévision. Avec le recul, j’essaie d’analyser comment cet instrument qui m’a fait rêver a pu m’amener à ça. Que l’on soit acteur ou spectateur de la télé, il ne faut pas qu’elle te fasse devenir ce que tu n’es pas.

Et si votre ultime démarche consistait à être candidat à la prochaine présidentielle ?

Tout sauf ça ! Je n’ai pas envie d¿être représentatif de qui ou quoi que ce soit. Je préfère expliquer aux gens que la solution est en eux. Et puis, ce serait très prétentieux de ma part.

Avec de telles déclarations, vous ne craignez pas un retour de bâton ?

Je n¿ai plus peur de rien. Si demain on me dégage de la télé, je ferai autre chose. Bien sûr, je préférerais y rester. En ayant gardé cette intégrité, je peux me sentir incorruptible. Et ça, c¿est une vraie force.

Pensez-vous que le public va vous suivre sur ce terrain ?

Je sais qu’en l’ouvrant, je peux déplaire. Mais je ne dénonce pas, je raconte. J’estime que le courage ne se réduit pas à gueuler que Le Pen est un gros con. Je ne m’en prends pas aux petits, plutôt à TF1, à Sarkozy, à un certain service public sur lequel pourtant je travaille, à un type de presse qui a oublié la déontologie... J’ai conscience que c’est vachement suicidaire. L’âge m’apporte la lucidité. Celle par exemple de savoir que je ne représente pas grand- chose. Je ne suis qu’un saltimbanque.

Patrice Gascoin
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