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Culture Urbaine au Féminin : la République est notre identité. Par Sabiha Ahmine

Publie le dimanche 30 mars 2008 par Open-Publishing
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Intervention de Sabiha AHMINE - Lyon - Maison des Passages, 21 mars 2008 - Photo : Parrainage Républicain et solidarité avec une femme « sans papiers » à Lyon
En tant qu’ancienne adjointe au maire de Lyon, j’ai présidé récemment à la Maison des Passages, un lieu historique de la citoyenneté, de l’humanisme et de la solidarité lyonnaise, un colloque au tour des cultures urbaines au féminin. Une rencontre riche de sens et utile, qui s’inscrit dans la poursuite de notre action libératrice et dans le combat de nos ancien-n-e-s pour l’égalité, sans discrimination. Organisée autour de la journée internationale des femmes, elles et ils étaient nombreuses à célébrer avec nous ce noble symbole de lutte et de reconnaissance, que nous avons instauré officiellement à la ville de Lyon depuis 2001 comme une formidable dynamique républicaine d’ouverture, de métissage, de mixité et de dialogue citoyen.

Toujours d’une passionnante actualité, cette journée légendaire veut ainsi nous dire que tant que l’égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas atteinte, nous aurons besoin de la célébrer. Depuis sa fondation par l’ONU, comme Journée internationale des femmes, en 1977, et depuis sa reconnaissance en France depuis 1982, le 8 mars tape chaque année aux portes de la ville et nous invite à voyager à travers le monde, au sein de nos institutions et au sein de nos quartiers, pour nous dire combien les droits des femmes sont encore fragiles.

Mais aussi pour nous aider à faire le point sur l’état des droits et avancer ensemble dans le sens de transformer la condition humaine dans son ensemble vers un monde meilleure. C’est ainsi que nous voulons rejoindre cette dynamique universelle d’égalité et de dignité humaine, et la défendre ensemble, hier comme aujourd’hui, contre les tentatives de repli, du déni et de la régression, en cour ici ou là, hélas. A travers cette initiative citoyenne inédite, notre objectif est la poursuite de cette dynamique plurielle, en toute diversité, dans le sens d’un "Droit à la Cité pour les Femmes ».

Avant de commencer, je tiens à saluer le courage de l’ensemble de nos partenaires ainsi que nos intervenantes, pour la qualité de cette programmation. La participation d’universitaires, de Slameuses, poétesses et toutes les autres chroniqueuses, comédiens ou comédiennes de théâtre qui, par la qualité de leurs analyses, de leurs créations et de la force de leurs engagements, contribué à renforcer la place de la culture du dialogue et de la reconnaissance au sein de nos quartiers.

Entre culture savante et culture populaires, nous pourrons contrer les mécanismes de déni, de mépris, de repli et de mieux lutter contre les stéréotypes et les autres fausses représentations autour de la place des femmes dans la cité... L’éclairage scientifique de Marie-Carmen Garcia, Sociologue, maître de conférences à l’Université Lumière-Lyon 2, nous aide, à la lumière d’une fine analyse du hip-hop, à mieux comprendre le processus de métissage, ses apports et ses ouvertures, cela pour mieux lutter contre toutes les formes de discriminations, contre les inégalités et pour le respect entre les sexes, en particulier dans les relations entre filles et garçons. Tout un débat qui nous apprend que la république est notre identité commune, avec ou sans papiers.

Fondé sur la valorisation de la diversité comme un atout de la modernité, cette initiative est loin d’être réduite à un aspect festif. En faisant jonction entre les cultures savantes et les cultures populaires, elle est un hymen dédié au dialogue des cultures et des civilisations, pour le bien vivre ensemble et pour la concorde. Cette rencontre, en explorant toutes les facettes de la culture urbaine, de la participation citoyenne, met en avant la question de la place et du rôle des femmes dans cet univers urbain. Un sujet qui concerne la majorité de l’humanité.

Au delà de l’hommage que nous voulons rendre à toutes ces femmes, qui se battent en silence, et dans l’anonymat, en faisant entendre leurs revendications, leurs joies, leurs fiertés comme leurs souffrances, nous voulons faire le lien avec l’action. Avec du coeur et du courage, contre le repli et contre le mépris, c’est ainsi que les lyonnaises dans toutes leurs diversités veulent participer à faire avancer la condition humaine et ne pas rester à l’écart de la participation politique, économique et sociale.

La philosophe Hannah Arendt disait que « la ville est une mémoire organisée ». Si en effet, par sa conception même et par sa définition étymologique, la ville est le lieu privilégie de l’exercice de la citoyenneté, de la participation, de création de la richesse, du sens et de l’émergence, les femmes ne doivent pas être les oubliées de l’Histoire. En effet, au cœur de la définition de la ville même, se trouvent les notions de vertu, d’éthique et de la civilisation. La cité, produit d’un développement historique, humain, technique et matériel complexe, est aussi le lieu par excellence de la culture comme héritage commun des connaissances, des représentations, des pouvoirs et des bonnes manières de gouvernances, comme du bien vivre ensemble et de penser le monde. Depuis les cités antiques jusqu’au moyen âges, de la renaissance jusqu’aux villes modernes ou périphériques, en passant par les villes et les banlieues industrielles, les femmes ont été le formidable moteur de cette émergence.

Aujourd’hui, il y a tant de raisons qui font d’elles la population la plus concernée par l’amélioration du développement urbain humain et durable. Mais au même temps, jusqu’à nos jours, les femmes sont quasi absentes ou particulièrement invisibles (sauf pour la figuration) à tout niveau de décision ayant trait aux choix de la Cité. Si depuis la moitie du 20ème siècle, les choses ont commencé heureusement un peu à changer, nous sommes encore loin du compte : si en quarante ans de formidables progrès ont été réalisés, il nous reste encore du chemin à faire dans le sens de l’égalité.

Comme le montre un récent rapport de l’INSEE, les femmes sont encore discriminées : en matière économique et d’emploi, elle constituent la population relativement la plus pauvre et qu’elles subissent le plus fortement les effets des dysfonctionnements des cités pour ce qui est de l’accès au logement, de l’insuffisance de mobilité et surtout de la violence dont elles sont encore les principales victimes. L’instauration de la parité dans les instances de décision politique pour assurer l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, ne doit pas rester un alibi.

Ce constat nous incite à réfléchir au sens : plus que les moyens, les valeurs - autres que marchandes - morales, éthiques, humaines, républicaines, doivent impérativement retrouver une place première. En effet, en matière de bonne gouvernance, le respect des droits en général, et ceux des femmes en particulier, doit être au cœur de la gestion municipale et de l’émergence urbaine.

C’est ce qui rejoint notre action à Lyon. Au-delà du fait que nous avons fait en sorte que cette journée du 8 mars soit désormais pérennisée comme un acquis tangible des lyonnaises et des lyonnais en toute diversités, notre Cité doit contribuer d’une manière volontariste forte à des choix plus équitables envers les femmes en matière de planification urbaine, de sécurité, de mobilité, d’habitat…

Tout en diminuant les exclusions et les discriminations, nous avons encore besoin de favoriser une plus grande participation des femmes, avec une réelle influence sur la décision. Comme le montre notre modeste bilan, pour la concorde et le bien vivre ensemble, cette participation des femmes à Lyon doit toujours être une contribution forte à l’ouverture sur l’autre et sur le monde. Aujourd’hui, tout en proposant de favoriser l’égalité et la mixité par des Plans d’actions tangibles, nous voulons surtout allers vers une nouvelle planification urbaine plus citoyenne, une planification qui prend en compte la place des femmes et celle des plus faibles dans la cité.

C’est pourquoi, après avoir fait adopté la charte européenne des droits en 2002, nous avons proposé en 2007 que la ville de Lyon puisse mieux pérenniser l’action en adoptant la Charte Européenne de l’égalité Homme – Femmes, déjà ratifié par plus de 600 collectivités en Europe. Aujourd’hui, bien avant la ville de Paris qui l’a adopté en décembre dernier, cette charte a surtout reçu un avis favorable de la part de nos mairies d’arrondissement. Demain, nous souhaitons que sa mise en œuvre soit réalisée avec la participation et sous l’observation des lyonnaises et des lyonnais….

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