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Cyrulnik décrit les dangers de l’initiative prise par SarkoL’ump
Publie le samedi 16 février 2008 par Open-Publishingtribune de genève :
FRANCE | 00h05
Boris Cyrulnik décrit les dangers de l’initiative prise par le président Sarkozy.
ap | Nicolas Sarkozy veut confier à chaque écolier âgé de 10 à 11 ans la mémoire de l’un des 11 000 enfants juifs déportés en France vers les camps d’extermination nazis.
16 Février 2008 | 00h05
Nicolas Sarkozy veut donc confier à chaque écolier âgé de 10 à 11 ans la mémoire de l’un des 11 000 enfants juifs déportés de France vers les camps d’extermination nazis. Cette initiative soulève de nombreuses oppositions. L’une d’entre elles émane d’une personnalité particulièrement bien placée pour en débattre, le médecin et écrivain Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et éthologue.
Né à Bordeaux en 1937 dans une famille juive d’origine russo-polonaise, il est pris dans la tourmente nazie. Ses parents sont déportés en 1942 vers les camps de la mort. Il ne les reverra plus. Secouru par une enseignante puis protégé par une infirmière, il échappe de justesse à la déportation.
Devenu médecin en neurologie et psychiatrie, il se passionnera pour le comportement animal et humain. Dans ses nombreux ouvrages, Boris Cyrulnik a notamment développé le concept de résilience, c’est-à-dire cette capacité de l’être humain à surmonter un traumatisme.
Dangers de l’identification
Que pense-t-il du projet de Nicolas Sarkozy ?
« Lorsque j’en ai pris connaissance, ma première réaction s’est traduite par une vive émotion, une sorte de crispation anxieuse. Puis, en y réfléchissant, en ayant dépassé ce stade émotif, il m’apparaît que cette initiative du président constitue une faute insupportable, tant à l’égard des enfants d’aujourd’hui qu’envers les survivants de la Shoah. »
Boris Cyrulnik précise sa pensée concernant les écoliers : « On va donc demander à chaque élève d’une dizaine d’années de s’identifier à un enfant mort. Cela ne va pas sans conséquences pour son développement. Il risque de se retrouver dans un schéma voisin de celui des « enfants de remplacement », qui sont nés peu après la mort de leur aîné et que leurs parents chargent, en quelque sorte, de remplacer leur petit décédé car la douleur de la perte s’est révélée trop intense pour eux. On fait porter à ces enfants un poids émotionnel énorme qui n’est pas acceptable et qui met leur développement en péril. »
Angoisse et banalisation
Le neuropsychiatre précise : « En s’identifiant ainsi à un enfant mort, certains écoliers d’aujourd’hui vont immanquablement se dire, ça peut m’arriver ; moi aussi, je suis en danger. On va ainsi planter de l’angoisse en eux ! D’autres, au contraire, banaliseront la Shoah en la rangeant parmi les autres événements de l’Histoire dans une grande confusion chronologique. Pour eux, la Shoah deviendra un événement lointain. »
Et pour les survivants de l’Holocauste, en quoi cette décision du président Sarkozy peut leur être préjudiciable ? « Elle va à fin contraire du combat de leur vie. Pendant des années, ils se sont dénié le droit d’être heureux puisqu’ils avaient eu cette chance rarissime d’avoir échappé à la mort. Dans leur esprit, ils devaient « payer » cette chance en expiant. Durant toute leur existence, ils ont donc dû surmonter cet obstacle au bonheur, afin de ne pas faire une carrière de victime. Cette initiative les replace en position de victimes. »