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D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française

Publie le jeudi 28 février 2008 par Open-Publishing
18 commentaires

de Didier ERIBON

« (Préface) J’aimerais qu’on lise les pages qui suivent comme un hommage à Pierre Bourdieu. Je sais, parce que nous en avons souvent parlé ensemble, que c’est presque malgré lui qu’il s’est engagé avec tant de passion auprès des mouvements sociaux, au milieu des années 1990. C’est comme si il avait été happé par des nécessités qui s’imposèrent à lui sous la forme d’un devoir à accomplir.(…)

Oui, Bourdieu se sentit « contraint, selon la formule qu’il employa, par la situation historique à descendre dans la rue, et à y faire descendre ses concepts avec lui, car il était persuadé que le savoir est aussi une arme politique, notamment contre les politiques qui s’arment de prétendus savoirs.(…)

La manière dont la presse de gauche parla de lui fut assurément l’un des symptômes les plus édifiants et les plus sinistres des ravages provoqués par la révolution conservatrice sur le monde culturel français.(…) Il voulut montrer quelles idéologies animaient ces bons pasteurs,, d’où elles venaient, comment elles avaient été imposées dans l’espace public, installées dans la tête de tous au point presque qu’on en remarquait plus , derrière la propagande quotidienne en faveur de la « modernisation » et de la « flexibilité » leur caractère brutalement rétrograde.

Mais plus profondément, il savait aussi – i la souvent insisté sur ce point – que la réalité sociale est produite par des discours qui prétendent la décrire. Dire, c’est faire. C’est donc une bataille dans l’ordre du discours, dans l’espace des représentations qu’il fallait mener, contre un adversaire organisé, financé, soutenu par la quasi-totalité des réseaux politiques et médiatiques…pour contrer une vision du monde et lui en opposer une autre. Et essayer ainsi de faire exister un autre monde.

Il pensait également que les mots de la résistance deviennent forts quand ils rencontrent des désirs épars de révolte, d’action, de mobilisation et qu’ils contribuent à les cristalliser, à les coaliser. Une grève était insultée par une cohorte d’experts et d’intellectuels enrôlés au service des dominants. Il eut à cœur de défendre les grévistes.(…) La gauche officielle le considéra comme son ennemi au lieu de saisir la chance historique qu’il lui offrait. Ce qui en dit long sur ce qu’elle était devenue.

(I) Cela fait déjà presque une dizaine d’années que j’ai formé le projet de consacrer un petit livre à ce que j’appellerais ici la « révolution conservatrice », c’est à dire le spectaculaire déplacement vers la droite, depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980 , du centre de gravité de la vie intellectuelle et politique française.

(…) Si je me suis finalement décidé à interrompre un nouvel ouvrage en cours d’écriture pour proposer aujourd’hui cette analyse du paysage politique et intellectuel dans lequel nous vivons depuis plus de vingt ans, ce n’est évidemment pas parce que l’emballement vertigineux de la trajectoire de certains protagonistes de la révolution conservatrice les a conduits à adopter des positions de plus en plus extrémistes et à tenir des propos de plus en plus nauséabonds.(..)

C’est plutôt que l’un des lieux où la révolution conservatrice a imprimé le plus fortement son empreinte – qui en a d’ailleurs été à la fois l’un des enjeux les plus décisifs et l’un des vecteurs les plus efficaces – aura été le Parti socialiste.

Or , ce déplacement (intellectuel, politique, existentiel même) si marqué de la gauche de gouvernement vers un conformisme de droite a produit un effet en retour qui n’était peut être pas attendu par ceux qui promurent cette évolution et se félicitèrent qu’elle s’accomplisse aussi aisément(…) : « la République du centre » qu’ils appelaient de leurs vœux (c’est à dire l’effacement de la frontière entre la droite et la gauche au nom de la gestion technocratique et de la nécessaire soumissions aux « contraintes économiques » imposées par la mondialisation) aura eu pour principale conséquence de favoriser l’émergence et l’installation durable en France d’un courant d’extrême droite très puissant.(…)

Je voudrais m’interroger sur les processus qui au cours des trente dernières années, ont installé dans le paysage politique français cette rupture profonde entre d’un côté une gauche de gouvernement qui se dit « réformiste » (mais qui est plutôt « gestionnaire » ou d’un « réformisme » antisocial) et de l’autre une gauche critique ou « radicale » avec évidemment nombre de forces qui essaient de se situer ou sont ballottées entre les deux.

Avec les conséquences inévitables qui en découlent :soit cela empêche la gauche d’arriver aux responsabilités gouvernementales, car les voix récalcitrantes de ceux qui participent aux luttes sociales manquent à l’appel ; soit, quand la gauche parvient à accéder au pouvoir, elle ne réussit pas à s’y maintenir car elle provoque rapidement chez ceux qui sont partie prenante des mouvements ou ceux qui les soutiennent un sentiment de révolte et de rejet.

(…) dans la mesure où le divorce est aujourd’hui total ente le Parti socialiste et la gauche critique, radicale, m^me si l’art de la manœuvre électorale chez les uns (alliances d’intérêts) ou le sens de la responsabilité chez les autres (voter socialiste pour battre la droite, malgré le malaise qu’on ne peut manquer d’éprouver en pratiquant ce « vote utile ») permet de temps en temps de masquer provisoirement l’ampleur et la gravité de cet éclatement de gauche.

Mais provisoirement seulement. Car très vite hélas, après une première période où s’affichent quelques changements de surface, les phénomènes de droitisation intellectuelle et politique qui sont à l’œuvre depuis si longtemps ne manquent jamais de réapparaître et de se consolider.

L’une des plus douloureuses conséquences de l’évolution du parti socialiste ces vingt cinq dernières années est sans doute de nous acculer à intervalles réguliers à ce terrible choix entre ce qui serait une catastrophe immédiate et une catastrophe différée : ne pas voter pour ses candidats, c’est laisser la droite s’installer au pouvoir – e comment s’y résoudre ? - ; voter pour eux, c’est à terme donner à l’extrême droite les moyens de se renforcer encore, quand la désillusion répandra ses effets délétères –et comment ne pas s’en inquiéter ?

C’est de ce présent que je voudrais faire à la fois le diagnostic et l’archéologie. En prenant pour points de départ la défaite du candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2002, puis en remontant dans le temps jusqu’à la victoire de la gauche en 1981 et aux espoirs qu’elle avait suscités, je me suis demandé ce qui avait conduit, en vingt ans, de l’enthousiasme au désenchantement, du triomphe au désastre. (…) »

Extraits des premières pages du livre de Didier Eribon «  D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française », Variations V / Editions Léo Scheer, 2007, pages 11 à 22.

NB : Je précise ici que, bien qu’ayant cherché, je n’ai pas trouvé le moyen de demander à l’auteur sa permission de reproduire ces lignes ici ; j’ose espérer cependant qu’il ne m’en sera pas tenu grief et que l’auteur n’y verra rien d’autre qu’un hommage sincère à un travail qui m’a beaucoup plu et que j’ai donc souhaité partager, y compris dans la critique, avec nombre d’Internautes de ce forum, qui se transforme parfois en petite « académie participative libre et ouverte à tous », où les "profs" sont élèves et vice versa.

La Louve


Eribon : "La dérive droitière du PS a même atteint la gauche radicale"

de David Servenay

Didier Eribon est un intellectuel engagé, professeur de philosophie à l’université de Berkeley aux Etats-Unis. Auteur d’une célèbre biographie de Michel Foucault, il a publié cet hiver D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française, aux éditions Leo Scheer.

Dans ce petit livre, il revient sur l’impasse idéologique et politique dans laquelle s’est, selon lui, fourvoyée la gauche. Nous lui avons demandé de commenter ces derniers mois de la vie politique française. Entretien.

Quel bilan dressez-vous des arguments utilisés, à gauche, pendant la campagne électorale présidentielle ?

Ce qui m’a le plus frappé, tout au long de cette séquence électorale, c’est la manière dont la dérive droitière du Parti socialiste a produit des effets dans l’ensemble de la gauche et jusqu’à la gauche radicale.

En effet, pendant que la calamiteuse candidate socialiste, dont les conditions de désignation avaient déjà traduit l’état de délabrement politique et intellectuel de son parti, menait campagne sur des voies douteuses, pour ne pas dire dangereuses, au gré de ses pulsions conservatrices (une sorte de conservatisme compassionnel, du sarkozisme avec des larmes), on a vu une partie de la gauche radicale (notamment chez les intellectuels) la soutenir sans condition et sans distance critique, et souvent même dès le premier tour, au nom des nécessités du vote utile.

Ce qui a permis ensuite au PS de faire comme s’il avait réellement réuni 26% des suffrages au premier tour et que les autres courants de la gauche avaient effectivement quasiment disparu. Par conséquent, là où il y avait un espace possible pour réfléchir à ce que peut être la gauche aujourd’hui (ou à la manière dont les différentes gauches peuvent se rejoindre le temps d’une élection), on a renoncé à penser et à élaborer des réponses de gauche aux questions, anciennes ou nouvelles, qui appelaient une réflexion d’ensemble, et on s’est laissé aspirer par une sorte de logique électorale qui enjoignait de taire les critiques et les divergences pour ne pas nuire à la candidate. Avec le merveilleux résultat que l’on sait ! A l’évidence, ce n’était pas ainsi que pouvait se créer une dynamique de gauche.

Qu’entendez-vous par des "réponses de gauche" ? Pensez-vous, comme Ségolène Royal, que le SMIC à 1500 euros ou les 35h généralisées étaient des réponses trop à gauche ou au contraire pas assez ?

Il ne vous aura pas échappé que, dans la mesure où je suis de gauche, je pense assez rarement comme Ségolène Royal !

Mais, sur le fond, ce que j’appelle des "réponses de gauche", ce sont des réponses qui s’inscrivent dans le cadre général d’une démarche de gauche. Il ne s’agit donc pas de discuter de telle ou telle mesure (si importante ou symbolique soit-elle) comme si elle pouvait constituer un élément séparé des autres et qui relèverait du seul débat entre experts. Car c’est bien là tout le problème : une démarche de gauche ne peut s’élaborer que si elle s’appuie sur un travail collectif auquel participeraient les différents courants de la gauche, syndicats, associations, représentants de divers mouvements, chercheurs et intellectuels, et tous ceux qui veulent contribuer à un tel projet.

C’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’a fait le Parti socialiste, qui n’a cessé d’appeler à une mobilisation de "toute la gauche", mais en insistant toujours sur le fait que cette mobilisation devait s’organiser sur la base de son propre programme. En gros, cela revient à dire : "Votez pour nous et taisez-vous."

Cela ne peut évidemment pas marcher comme ça ! Donc la question pour moi n’est pas seulement de déterminer si telle ou telle mesure est réellement de gauche (ce qui n’est évidemment pas négligeable), mais aussi de voir dans quel cadre ces mesures s’inscrivent, quelle signification elles revêtent dans une perspective globale et, plus encore, comment ce cadre général et les mesures spécifiques sont élaborées, par qui, quand, pourquoi, etc.

Bref : qui a droit à la parole dans la production des idées politiques ? Ce ne sont donc pas uniquement les solutions avancées qu’il faut entièrement revisiter et repenser, mais d’abord et surtout les processus à travers lesquels les réponses et les solutions, mais aussi les questions et les problèmes eux-mêmes, sont définis et discutés.

A plusieurs reprises, pendant la campagne, Jean-Marie Le Pen a fait référence à la pensée de Gramsci, pour dire que ses idées (conformément au dessein de la Nouvelle Droite dans les années 70) avaient gagné les esprits en 2007. Qu’en pensez-vous ? Croyez-vous que la gauche ait à faire sa révolution pour conquérir le pouvoir en 2012 ou plus tard ?

Il me semble évident en effet que la droite a très largement conquis ce que Gramsci appelait l’hégémonie idéologique. La défaite de la gauche aujourd’hui est le fruit d’une longue histoire qui a commencé il y a plus de vingt ans et que j’ai essayé d’analyser dans mon livre.

Qu’on n’imagine pas en effet que la gauche aurait été seulement victime d’évolutions auxquelles elle ne pouvait pas s’opposer ! Elle a été activement partie prenante de ces phénomènes. Un certain nombre d’idéologues ont travaillé à démolir la pensée de gauche, et le plus surprenant, c’est que ces gens se sont souvent présentés comme des "rénovateurs" de la gauche, alors même qu’ils ne faisaient rien d’autre que recycler tout le répertoire et je dirai même toutes les obsessions de la pensée de droite telle qu’elle s’est façonnée en France depuis les années 1950.

Nous avons véritablement assisté, dans les années 1980 et 1990, à un phénomène de "contre-révolution" dans le domaine intellectuel, qui s’est donné pour tâche d’annuler tout ce que les années 1960 et 1970 avaient apporté et transformé dans la pensée de gauche.

Et le Parti socialiste –tout comme les journaux de gauche– aura été un des principaux réceptacles, un des principaux vecteurs mais aussi un des principaux acteurs de cette contre-révolution idéologique. Il suffit de voir qui est invité aux colloques socialistes, quels thèmes y sont discutés… C’est édifiant !

Si ce sont des idéologues de droite qui sont sollicités pour élaborer une réflexion sur les problèmes que la gauche doit affronter, il est évident qu’il en ressort une pensée de droite. Et si l’on conforte ainsi la pensée de droite, si on lui accorde une reconnaissance, une légitimité et même une quasi évidence, c’est à la droite que cela finit par bénéficier !

On a dit : la droite a gagné la bataille des idées. Ce n’est vrai que parce que la gauche a renoncé à mener la bataille, et a adopté ou ratifié les idées qu’elle aurait dû combattre. C’est aussi ce qui permet de comprendre –même s’il ne faut pas négliger, bien sûr, la force internationale de tous courants et vents mauvais– pourquoi le Front national a pu imposer des thèmes qui ont structuré le débat public, et plus profondément, imprégné les consciences et les inconscients.

Au fur et à mesure que ces discours nationalistes et xénophobes prospéraient, la gauche socialiste, au lieu de s’y opposer en essayant de façonner de nouveaux discours de gauche (mais il aurait fallu les ancrer dans les mobilisations sociales qu’elle a dédaignées, voire dénoncées ou matraquées), a participé à la dérive générale en se déplaçant toujours plus vers la droite, pour récupérer les voix de ceux qui étaient sensibles à l’attrait exercé par l’extrême droite, au point que le vote pour le Front national (un vote, soit dit en passant, que le Parti socialiste avait contribué à installer au début des années 1980), n’a fait que s’amplifier en aimantant de plus en plus toute la vie politique.

Et il a suffi à la droite classique de reprendre à son compte, de façon explicite, les thématiques de l’extrême droite pour récupérer une bonne partie de ces votes. On pourrait résumer la situation : le Parti socialiste a installé la force du Front national, puis a droitisé son discours pour récupérer les voix qu’il renvoyait lui-même au Front national par les politiques qu’il menait, et cette droitisation généralisée, l’emprise sur les consciences des visions de droite, des schèmes de perception de droite, a profité… à la droite.

Par conséquent, en effet, la gauche ne peut reconquérir le terrain perdu que si elle sait réinventer une pensée de gauche, des manières de voir le monde, des modes de perception... Sinon, elle pourra bien sûr gagner des élections, par l’effet de rejet que la politique sarkoziste ne manquera pas d’engendrer. Mais ça sera le prélude à de nouvelles débâcles.

Avec qui les socialistes peuvent-ils reconstruire une vraie gauche ?

Il faudrait peut-être poser la question différemment, car il ne va pas de soi que le Parti socialiste soit le lieu le plus évident aujourd’hui pour qu’une pensée de gauche renaisse, dans la mesure où la logique de droitisation va continuer d’exercer ses effets. Au PS, quand on parle aujourd’hui de "moderniser", cela veut toujours dire droitiser et pousser encore plus loin la droitisation d’hier.

On pourrait donc au contraire se demander : est-ce qu’une pensée et une politique de gauche peuvent se reconstruire aujourd’hui malgré ce qu’est devenu le Parti socialiste ? L’innovation viendra assurément d’ailleurs, et dans une large mesure se fera contre le Parti socialiste. En tout cas, il n’y aura pas UNE pensée de gauche, mais DES pensées de gauche. Et une tension inévitable surgira entre toutes ces tentatives contradictoires.

On peut espérer que cette tension sera féconde et productive. C’est pourquoi je crois que la tâche des intellectuels de gauche est aujourd’hui considérable. Il incombera alors au Parti socialiste de savoir s’il veut travailler avec ceux-ci, et avec tous les mouvements qui font bouger la société et la pensée (et qui sont à mes yeux les lieux où se crée la gauche nouvelle). Ou s’il veut persévérer dans son être actuel : celui d’un parti de dignitaires qui s’entre-déchirent pour les places et les postes. Si c’est le cas, la droite a de beaux jours devant elle.

http://www.rue89.com/2007/06/21/did...

Messages

  • en complement :

    Insistance de 68 par Christian Laval

    Christian Laval est l’auteur de L’homme économique....essai sur les racines du néolibéralisme

    http://www.pauljorion.com/blog/?p=320

  • Merci d’avoir ajouté cette très bonne interview que je n’avais pas lue.

    Bien sûr, pour un marxiste, i l y a des éléments à critiquer ou à peaufiner dans l’analyse d’Eribon. Mais pour la communiste que je suis, lire ce bouquin i l y a une quinzaine de jours, ça a été un sacré coup de pied aux fesses et en même temps une bouffée d’air frais.

    Enfin des éléments d’analyse sérieux, un raisonnement très intéressant, des conclusions sans fausse pudeur partisane, ENFIN !

    Tout n’est pas juste et certains passages sont soit trop "compliqués" et tirés par les cheveux, soit un peu hasardeux ( notamment parce que je crois que la relation de D Eribon avec le communisme n’est pas "amicale" et qu’il commet vis à vis de ce mouvement, de cette Idée, la même erreur que celle qu’il dénonce chez le PS :))

    Cependant force est de constater que presque tout y est ; et je relèverai aussi, de mémoire, une autre phrase qui dit "ce n’est pas parce qu’on aurait tué le communisme qu’on tuerait l’anticapitalisme") - j’ai envie d’aller plus loin, parce qu’il a mille fois raisons, mais de demander : que fait on alors de cet anticapitalisme , qui ne peut pas être un projet de société ? Quel est le stade suivant et comment Badiou peut -il répondre à Eribon, le compléter, si possible, pour nous communistes et marxistes, sous l’oeil bienveillant de MArx et Engels et à l’aune de nos "expériences" ?

    Comment nous ,acteurs du monde du travail, des luttes sociales, de la culture, de la politique, "intellectuels" (d’une certaine manière, pour moi, tous les militants communistes sont, ou devraient être, AUSSI des intellectuels) etc, comment nous pouvons et devons réfléchir à cela, en fonction que l’on est , que l’on se définit ou se pense, communiste, socialiste, écolo, "altermondialistes" etc..? et comment ensuite confronter et aussi savoir faire co exister toutes ces dimensions de la gauche (ce que Eribon traduit, à mon avis à tort par "des gauches").

    D Eribon développe aussi tout un passage sur le conservatisme et même le caractère réactionnaire du PS à nde nbx égards malgré des luttes de façade pour apparaître comme vraiment libéral ou libertaire (?) sur des sujets sociétaux.

    Et quand je lis des articles qui relatent le meeting parisien de B Delanoe hier et que je lis les propos rapportés d’un de certains intervenants , je me dis que le conservatisme "de gauche", bien pensant, a encore de beaux jours devant lui, si on ajoute le fait que S Agacinski était présente avec son époux M Jospin (dont on ne peut pas dire que ce sont de grands libéraux), au premier rang de ce meeting

    "(...)C’est autre chose que le Salon de l’agriculture", a-t-il lancé à la salle, hilare.

    Jean-Michel Ribes, auteur et metteur en scène, a déploré "le nuage de vulgarité qui tombe sur la France" et les "valeurs de l’argent" portées aux nues selon lui par le président.

    "La culture c’est tout ce que n’est pas Nicolas Sarkozy", a souligné le directeur du théâtre du Rond-Point.

    Avant lui, Gérard Darmon s’est livré à un pot-pourri des écarts de langage ayant fusé des derniers mois dans les rangs de la droite. "Dégueulasse, charognard, salope et aussi tocard : ça vole très haut", a-t-il ironisé sous les huées. "Nous, nous sommes de gauche, nous sommes polis."

    ici

    "le nuage de vulgarité qui tombe sur la France" : et bien moi, lire ça dans la bouche de quelqu’un "de gauche", ça me donne immédiatement des boutons.

    On voit planer tout de suite l’ombre de "ce qui doit se penser, se dire, se jouer".

    Et quand je "sens" ce qui se trame dans ces rangs dont je ne veux plus faire partie, cet élitisme bon teint dont la pensée critique fut un temps toute entière contenue dans "Télérama" ou autres de ce genre, qui méprise complètement et profondément la culture populaire, je me dis comme Eribon, qu’on est pas sortis de l’auberge.

    Où est la pensée critique "de gauche" sur la culture dominante capitaliste , bourgeoise ? Dans ces trois mots, rapportés, elle es t absente. Du coup ça m’a fait repenser à l’oraison funèbre que le PC a adressée à la mort de Cl Pompidou...et ça l’a éclairée d’un jour nouveau....

    Bref, tout ça pour dire que j’espère bien que les camarades qui vont voter pour des listes PS dès le premier tour ne le feront qu’en ayant préalablement gravé dans leurs têtes et dans leurs coeurs que "la gauche ce n’est pas ça" et qu’ils votent pour le moindre mal. Et qu’il y a un sacré boulot à abattre.

    Je finis par vous conseiller (si ce n’était pas clair :)) de lire ce livre de D Eribon.

    Fraternellement

    La Louve

  • très forte et très juste cette analyse de la gauche française .......
    nous n’en sommes plus au parti unique , qui est dangereux de quelque coté qu’il soit.........mais d’unir notre travail de recherches en se confrontant dans la clarté et l’efficacité....le Ps commence à bouger sur une petite gauche de son parti , mais beaucoup de militants à gauche ne lui font plus confiance et pour cause !
    la gauche existe mais est minimisée par les médias au service de le droite puissante et financière...et les intérêts personnels des uns et des autres divisent surtout en campagne électorale.
    le désastre des présidentielles ne semble pas remettre en questions certaines oganisatios de gauches...qui ne sont pas au service du front commun pour gagner ensemble...impossible autrement pour ne plus dévier vers le centre droit !
    merci à vous .

  • Les réserves que font les uns et les autres sur le "progressisme" - on ne dira pas socialisme - de Didier Eribon sont tout à fait justifiées. Il faut se souvenir que ses maîtres -Foucault, Bourdieu - se sont formés en opposition non seulement au marxisme - qui le méritait bien avec d’un côté une direction ouvriériste et dogmatique et de l’autre un référent intellectuel aussi intouchable que caractériel et prétentieux tel Althusser - mais également à Sartre, au moins tiers-mondiste conséquent. Les fondamentaux de la dialectique accoucheuse de l’histoire sont loin. Tout ça pour dire que la confusion idéologique actuelle a de beaux jours devant elle.
    Aussi en attendant, la Louve propose ceci, moi je propose cela, en pé père : Le Grand Bond en Arrière de Serge Halimi et un abonnement au Monde Diplomatique. Jesse

    • moi je propose d’interroger tous les penseurs qui produisent en ce moment, sans pratiquer censure ni ostracisme, comme c’est le cas à l’encontre de Lucien Sève :

      il faut croiser ces travaux, et imaginer que "la vérité" n’obéit à aucune "pensée unique", tandis que "l’unité d’action" a besoin d’être "pensée", ce qui se traduit , si l’on ne veut agir qu’après avoir mis un point final aux "doutes scientifiques", par de l’impuissance !

      La physique nucléaire nous laisse perplexes devant ce qui pour nos petites cellules grises ressemble à des "incohérences" :

      l’existence simultanée des "contraires", et la logique impensable des "interactions" etc...

      Il nous faut de même savoir appréhender Marx en même temps que Sartre, et ne rien jeter qui risque un jour de manquer cruellement pour "l’influx politique" !

    • Pardon Jesse mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec ton analyse sur Bourdieu et Foucault.

      Ce n’est pas tant en "opposition" au marxisme qu’ils se sont construits mais en opposition au communisme du PCF des années 70/80 (sans jamais se référer non plus à la LCR).

      J’ai beaucoup appris et je crois qu’on a beaucoup à apprendre de ces deux auteurs, très "forts", Bourdieu et Foucault, comme "lecteurs" y compris "posthumes", de Marx.

      La démonstration à laquelle se livre Eribon dans sa deuxième partie sur les rapports entre structuralisme, marxisme, conservatisme etc. est à ce point très juste.

      Souvent au PC (et particulièrement dans le grand mouvement "anti-intellectuels" qui a commencé au milieu des années 80, au point que ce parti qui fut aussi celui des intellectuels , des poètes, des philosophes, des historiens... fut rapidement vidé de toutes ces sources) souvent donc, on a jeté le bébé et gardé l’eau du bain de ce qu’il y avait de plus "rigide" dans les pensées, philosophies etc pour garder des "pseudo intellos" qui étaient en réalité de vrais apparatchiks. Est-ce bien ce qu’il faut recommencer ?

      Quant à D Eribon, comme je l’ai souligné, son analyse n’est pas une analyse "communiste" ni tout à fait marxiste (excepté dans sa démarche que, bien qu’il ne s’en revendique pas, je trouve assez marxiste par moments) ce qui ne retire rien à sa pertinence sur des tas de sujets (notamment son analyse des effets et de la forme de la révolution conservatrice et son analyse sur le PS).

      Je crois qu’un communiste ne doit rien s’interdire de lire, à chacun ensuite de savoir quoi en faire et comment.
      Le bouquin d’Halimi est très bien aussi mais je déplore parfois un truc chez lui : i l s’en tient souvent à des critiques qui pour être justes n’en sont pas moins souvent insuffisamment fondées en exemples, démonstrations etc.
      LaLouve

    • Quand je lis Bourdieu et que j’entends dire a côté, que le PCF a chassé les intellectuels (les vrais) je pense aux sirènes de la bourgeoisie, à cette opération permanente d’assimilation par des générations de lycéens de SA culture, avant tout anti-communiste : anti-communiste par essence.
      La Révolution dite "conservatrice" qui n’en est pas une, c’est l’utilisation rationnelle des sciences sociales, enveloppée dans le concept du "modernisme. Combien le PCF a "chassé" de "refondateurs", aux idées si conformistes, qu’ils n’ont pas trouvé mieux que d’échouer au PS ou dans ses satellites... JdesP

    • Salt u JdP
      Trop ambigu pour moi ton message
      Je ne comprends pas ce que tu veux dire ?
      LL

  • Je maintiens que Foucaultet Bourdieu ont construit leur réflexion en opposition au marxisme car ce furent des étudiants en "sciences humaines", puis des intellectuels, c’est à dire qu’ils ont eu le loisir et la chance, contrairement à bien des prolos, d’aller voir derrière les représentations, derrière les apparences, derrière les phénomènes. Un étudiant dans les années soixante était nécessairement amené à se déterminer par rapport aux travaux, à la recherche marxiste ou marxienne ou...Bref : avoir mis le nez dans le Manifeste, les Manuscrits de 44, le 18 Brumaire,etc, sans parler des premières pages du Capital ou d’un paragraphe de Hegel et ne pas avoir été frappé par la profondeur et la richesse des contenus qui devaient au moins conduire à un examen sérieux de l’histoire contemporaine et des rapports de force entre l’ancien et le nouveau, le vieux et le neuf, le processus dialectique fracassant de l’époque (guerre froide, décolonisation), c’était en rester à l’état ordinaire confortable du petit-bourgeois.
    Foucault avec le structuralisme (Sartre disait qu’après l’image vivante du cinéma, il proposait d’en revenir à celle de la vieille lanterne magique) et sa fameuse idéologie de la rupture - en fait un pur esthétisme - a bien contribué à l’apparition des "nouveaux philosophes" verbeux qui savaient surtout prendre la pose contre l"Empire du Mal. Quant à Bourdieu, il a quand même été pendant des années au Centre de Sociologie européenne le premier collaborateur de Aron qui le dirigeait dans le sens de son anticommunisme viscéral et d’agent de la CIA bien connu, maître à penser de Kissinger, prix Nobel bourreau du Chili. Mais c’est vrai qu’à la fin de sa vie Bourdieu était plus communiste que les "élites" communistes. Jesse

  • Deux remarques :

    D’abord je suis assez morte de rire de constater que certains repoussent un ouvrage a priori et pour des raisons qui me semblent fausses, en se réclamant de Marx, de sa pensée et de la défense de sa pensée, et que ce sont parfois les mêmes qui disent qu’on doit faire un grand parti de gauche avec les socialo.

    Alors je les préviens tout de suite : pour parler de Marx au PS vous allez pouvoir vous accrocher sérieusement car il est persona non grata au PS et ce n’est pas un hasard comme l’a démontré, très bien à mon avis, D Eribon dans son livre.

    Ensuite, je tiens à signaler quand même que ce qui faisait la grandeur de MArx et ce en quoi nous devrions être ses héritiers c’est son immense ouverture à TOUTES formes de sciences en pseudo sciences, et son esprit "non manichéen" dans un but : l’émancipation humaine. Ce n’es t pas parce qu’on se construit hors de Marx (dit l’un d’entre vous ici, ce qui reste à démontrer car je crois que des gens comme Foucault et Bourdieu se sont justement construits à fond AVEC Marx, le grand absent toujours présent, pour quiconque passe les portes de l’Université !) qu’on se construit CONTRE Marx.

    Et je crois que si le communiste ne peut pas ne pas être marxiste, le marxiste s’il est anticapitaliste, n’est pas nécessairement communiste (c’est bien un de nos problèmes dirais-je) et il peut y avoir des lectures de MArx de toutes parts - je crois que Bourdieu par exemple a eu de vraies relations, même de désamour, non seulement avec le marxisme mais aussi avec le communisme (il y a même des ouvrages ou des passages de bouquins, si ma mémoire est bonne qui ont été consacrés à Bourdieu et le communisme) mais à mon avis, dans son rapport à une notion fondamentale Liberté/Pouvoir il est complètement et indéniablement marxiste.

    Donc, je ne partage pas votre avis.

    La Louve

    • Je voulais dire qu’en lisant Bourdieu, j’ai compris pourquoi dans les années 70 je n’étais pas au PCF qui soutenait une ligne plutôt réformiste plus sensible aux aspirations d’une partie de la classe ouvrière, la plus qualifiée, la mieux payée, mais aussi de plus en plus plus restreinte.
      J’ai compris pourquoi avec le développement de la société de consommation et sa crise, ce parti avait entamé son déclin. car il s’est vite retrouvé en décalage, avec ce que nous appelions alors la "prolétarisation" des employés.
      Ces derniers de plus en plus nombreux sensibles aux sirènes libérales, issus de milieux conservateurs:agricoles, professions libérales ....qui se sont sentis "déclassés" et trahis, leur éducation les détournait par "nature de l’idéologie communiste...
      Le PCF a failli succomber à la "sacralisation" d’une partie de la classe ouvrière, qui s’est embourgeoisée et a tenté de suivre cette évolution jusqu’à la caricature du "Huisme" qui a fini par faire du "syndicalisme", en revendiquant plutôt qu’en travaillant à une alternative. "Dépasser" le capitalisme, c’est l’intégrer en intégrant ses valeurs sans les combattre.
      Ce combat continue pour empêcher notre parti de suivre cette pente qui conduit au réformisme du PS.
      Le travail de la sociologie comme celle de Bourdieu permet d’analyser du mieux possible ces mécanismes d’aliénations au Capitalisme et à ses idéologies libérales, afin de les démonter.
      Bourdieu lui-même était un objet de ses recherches. Voilà La Louve, une partie de mes pensées à ce sujet, qui ne contredit pas ce que tu affirmes. JdesP qui a des difficultés à bien penser et toujours juste penché sur son clavier.

  • Sur la question de "Bourdieu et le communisme", voici ce que Bourdieu écrit dans "Esquisse pour une auto-analyse", p.135, Seuil, 2004.

    "Pas communiste lorsque la plupart des intellectuels l’étaient, je ne me suis jamais adonné à l’anticommunisme auquel ils ont souvent sacrifié lorqu’ils ont cessé de l’être. Ce qui me vaut souvent d’être désigné et dénoncé comme "néo-stalinien" par des gens qui, pour la plupart, sont passés par le Parti communiste ou par le maoïsme et qui, ce faisant, continuent à illustrer les modes de pensée et d’expression stalinoïdes qui me portaient à m’opposer à eux en ce temps-là, comme je le fais encore aujourd’hui".

    • Bourdieu a analysé les rapports de forces, l’intéraction de ces forces entre elles, l’aliénation que font subir les unes sur les autres, et les forces elles-mêmes.. . D’origine rurale, il était fils d’employé de la poste à la campagne, et connaissait donc parfaitement tous les mécanismes d’aliénation : il a ainsi confirmé les analyses marxistes, même s’il n’était pas Communiste, comme d’ailleurs WALL STREET sur le plan économique. Il aurait pu être plus proche encore de nous s’il avait vécu plus longtemps ne serait-ce que par le respect qu’il avait pour les humbles que nous sommes, comme l’étaient ses parents... JdesP

    • MErci pour cette citation Sébastien, c’est le souvenir que j’en avais mais je n’avais plus le bouquin sous la main ! I l faut se souvenir de comment Bourdieu a été traité dans des journaux comme Libé etc pour qui en effet, il était "un stal" !!!!! J’ai rarement vu des campagnes aussi dégoulinantes de haine contre un intellectuel (ce qui était bien le signe qu’il était un grand empêcheur de penser en rond). Moi en tout cas et malgré je le remercie d’avoir existé et d’avoir écrit. (Et pour J d P : c’est bien ce que je pensais avoir compris, et je peux tout à fait comprendre qu’à une époque on n’ait pas eu envie d’être au PCF sans pour autant être "anticommuniste" !)

    • Puisque La Louve m’y encourage, voici une autre citation de Bourdieu (p.126, Raisons pratiques, Points-Seuil, 2002) qui éclaire l’un des malentendus entre Bourdieu et les communistes :

      "Le monde social est parsemé de rappels à l’ordre qui ne fonctionnent comme tels que pour ceux qui sont prédisposés à les apercevoir, et qui réveillent des dispositions corporelles profondément enfouies, sans passer par les voies de la conscience et du calcul. C’est cette soumission doxique des dominés aux structures d’un ordre social dont leurs structures mentales sont le produit que le marxisme s’interdit de comprendre parce qu’il reste enfermé dans la tradition intellectualiste des philosophies de la conscience : dans la notion de fausse conscience qu’il invoque pour rendre compte des effets de domination symbolique, c’est conscience qui est de trop, et parler d’idéologie c’est situer dans l’ordre des repésentations, susceptibles d’être transformées par cette conversion intellectuelle que l’on appelle prise de conscience, ce qui se situe dans l’ordre des croyances, c’est-à-dire au plus profond des dispositions corporelles".

      J’ai le sentiment que lorsque les révolutionnaires auront compris ça, et en tirerons les conséquences, un grand pas vers la révolution sera accompli.

  • Je ne "repousse" pas l’ouvrage de Didier Eribon. Je débats, je critique : est-ce interdit, la Louve si critique et si libérale ?
    Je maintiens que Foucault (j’ai lu Foucault, la biographie de Eribon, sa confrontation avec Chomsky...) et je maintiens que son oeuvre, comme celle de Lacan, est celle d’un faiseur, d’un philosophe de salon ou de profession comme il en est beaucoup, qui se donnent des airs en conseillant le "génial" Nietsche ou le "génial" Heidegger et qui finissent héros ou ministres de la bourgeoisie. La confusion politique qui plombe notre société provient (et je me souviens La Louve que tu as même mis en accusation de ce point de vue la "classe" politique en tant que telle) provient de l’abandon par un parti - qui fut un temps l’avant-garde ouvrière consciente en tant que classe - de sa base théorique fondamentale.
    D’autre part je n’ai aucune sympathie pour la sociale-démocratie, pas même pour la démocratie bourgeoise.
    Ensuite, relis une biographie de Marx pour apprendre que son intransigeance théorique lui valut un paquet de haines solides.
    Enfin, j’ai de l’estime pour le travail et l’engagement de Bourdieu, même si je maintiens qu’il y avait à son époque quelques étudiants plus dépouillés que lui, moins remplis de leur subjectivité, ce qui est la condition première pour s’engager en faveur de la Révolution, rendre concret l’universel qui nous habite tous, sachant que selon Hegel d’où est parti Marx l’universel "abstrait" est la pure égalité avec soi-même. Jesse

  • Jesse, j’avoue ne rien comprendre à cette phrase : "L’universel abstrait est la pure égalité avec soi-même". En revanche, renvoyer directement comme tu le fais une prise de position politique à l’origine sociale de celui qui la professe me paraît procéder à une caricature du marxisme. Marx, lui-même, n’était pas un ouvrier et il n’a jamais travaillé en usine. De même la surenchère sur les origines dites modestes est absurde. Reprochez à Bourdieu d’avoir fait preuve de subjectivité alors qu’il est l’exemple même du sociologue ayant, dans chacune de ses analyses, poussé jusqu’à l’extrême l’objectivation de celui qui objective, tout en reconnaissant qu’on n’en avait jamais fini, me paraît stupéfiant. On retrouve aussi dans d’autres messages, la thèse des deux-Bourdieu. On connaissait aussi celle des deux-Marx, etc. Bref, j’arrête car il faut quand même garder le moral...

  • Je n’ai jamais mis en cause les origines "modestes", "ouvrières" ou pas de Bourdieu. Pour moi, le problème n’est pas là du tout. Je dénonce la subjectivité dans la mesure où elle intervient dans un travail scientifique ; à ce niveau, il faut faire preuve de modestie et s’en tenir à la Chose elle-même, à la matière étudiée comme le demandait Hegel. Pour les physiciens, les mathématiciens et même les ingénieurs et techniciens qui ne se gobent pas, l’impératif ne pose pas problème. Imagine-t-on Einstein mêler ses humeurs à la théorie de la relativité ? La physique quantique le dérangeait mais il ne discréditait pas pour ça ses résultats.
    "L’universel est la pure égalité avec soi-même" : Hegel, La Science de la Logique, éditions Vrin.
    Marx connaissait bien Hegel, "ce type colossal auquel nous devons tant", lui écrivait Engels. Lorsqu’il a rédigé le Capital, Marx a entièrement relu la Logique (dialectique, de la contradiction, et non plus la logique aristotéliciennne ou logique d’identité) de Hegel qu’il a dit avoir seulement rendue concrète.
    Lénine : "On ne peut comprendre Marx sans avoir lu Hegel ". Lui-même a annoté l’ouvrage durant son exil en Suisse durant la première guerre mondiale.
    Maurice Merleau-Ponty : "Hegel est à l’origine de tout ce qui s’est fait de grand en philosophie depuis un siècle."
    un dernier mot de Marx : "L’ignorance n’a jamais servi personne". Ce qui ne condamne pas mais pousse à l’étude sérieuse et consciencieuse. Est-ce un mal aujourd’hui ? Dans cette société du spectacle, du clinquant et du superficiel, on peut penser que oui. Et malgré ça garder le moral.