Accueil > DALLAS SUR SEINE

DALLAS SUR SEINE

Publie le vendredi 12 octobre 2007 par Open-Publishing
1 commentaire

De François Delapierre

Une bataille politique de grande ampleur s’est engagée autour de la révélation récente des délits d’initiés commis par les dirigeants du groupe EADS. Un gigantesque rouleau compresseur médiatique est déjà en place. Il répète sur tous les tons que cette affaire serait la conséquence de la présence de l’Etat dans un secteur où il n’aurait rien à faire. Il faut dire que les plumitifs chargés de vendre cette fable disposent de commanditaires puissants et fortunés. Le pouvoir sarkozyste d’un côté. Celui-ci veut pousser les feux de la libéralisation et dédouaner au passage des patrons qui comptent parmi les amis personnels et politiques du président de la République.

Rappelons qu’Arnaud Lagardère est même intervenu lors d’un meeting présidentiel de Sarkozy, qu’il appelle « son frère ». Les groupes privés impliqués de l’autre. A moins qu’il ne s’agisse des mêmes. Ce même Lagardère est aussi le propriétaire du premier groupe d’édition français, ainsi que d’un immense consortium de presse, premier éditeur mondial de magazines. Il détient notamment Paris Match, le Journal du Dimanche, Europe 1, RFM et une dizaine de chaînes de télévision. Est-ce un hasard si le journal qui semble le plus courageux pour pointer la responsabilité des groupes privés dans ce délit d’initiés est… le Figaro, propriété de Dassault, éternel concurrent de Lagardère ?

La thèse centrale des voyous privés qui se muent en procureurs de la puissance publique est que l’Etat n’est pas intervenu. Mais il n’avait pas le droit de le faire ! Le pacte d’actionnaires mis en place sous la pression des groupes privés qui y sont majoritaires prévoyait explicitement l’interdiction pour l’Etat de se mêler de la gestion de l’entreprise. D’ailleurs la participation de l’Etat a été placée dans une société palier et celle-ci est représentée par Lagardère au Conseil d’administration d’EADS. De même, ceux qui cherchent à accuser l’Etat français d’avoir pris part au délit d’initié parce que l’Agence qui détient les participations de l’Etat (APE) avait suggéré de vendre les actions d’Airbus font mine d’oublier que le rôle de cette agence est justement de proposer à l’Etat de vendre ses participations dès lors que celles-ci atteignent un cours plafond, hors de toute considération sur leur importance stratégique pour le pays !

Dès lors, on comprend que ce n’est pas l’omniprésence de l’Etat qui est en cause mais bien son effacement méthodiquement organisé par les libéraux. Celui-ci a donné aux actionnaires privés les mains libres pour piller le groupe, s’approprier le fruit de décennies d’investissement public et de travail des salariés d’Airbus. Lorsqu’Airbus était un consortium public, il a su révolutionner les standards de l’industrie aéronautique. En moins de 30 ans, Airbus publique a conquis plus de 50% du marché mondial de l’aviation civile. Dès que les actionnaires privés sont arrivés, ils ont exigé une rentabilité supérieure, réclamé des résultats à court terme, gelé les investissements de long terme et vendu leurs parts à la première alerte de Bourse. Ils se sont abattus sur l’entreprise comme des prédateurs affamés, provoquant par leur avidité un désastre industriel et social.

Dès 2002, pour nourrir l’appétit des actionnaires, Airbus prévoyait un plan de 6000 licenciements, heureusement bloqué en partie par l’Etat français. Airbus sera d’ailleurs obligée de recruter quasiment autant de salariés deux ans plus tard avec la relance du carnet de commande, le tout au prix d’une grosse perte de savoir faire et d’un énorme gaspillage humain et économique. Aujourd’hui, le plan Power 8 prévoit 10000 nouvelles suppressions d’emplois avec comme unique objectif de dégager une marge bénéficiaire de 2 milliards d’euros par an. Le communiqué du groupe explique d’ailleurs sans complexe qu’« EADS utilise l’EBIT [mesure du profit] comme indicateur clé de ses performances économiques ». Dans cette logique financière, ni la qualité et la sécurité de la production, ni la part de marché de l’Europe face aux Etats-Unis, ni le niveau et la qualité de l’emploi ne sont pris en compte.

C’est avec cette logique financière qu’il faut rompre, en redonnant à l’Etat le pouvoir d’imposer la suprématie de l’intérêt général face aux appétits privés dans des industries vitales pour le développement économique, la sécurité du pays, l’emploi. Le pouvoir actuel cherche à faire l’inverse en se réclamant du désastre d’Airbus pour en aggraver les causes. Ce n’est pas un hasard. Si la droite gaulliste pouvait penser une politique industrielle publique, c’est dans un contexte bien particulier.

Le patronat français avait été sorti du jeu politique par la Collaboration dans laquelle il avait très majoritairement versé. Dès lors De Gaulle n’était pas le simple jouet des grands patrons. Il pouvait parfois leur tenir tête et réfréner leurs ardeurs. Cela le distinguait par exemple de la droite américaine, dont les liens avec les milieux d’affaire sont carrément consanguins, comme le montre Bush. Mais Sarkozy n’a pas cette indépendance.

C’est une action de plus dans le portefeuille de Lagardère.

Messages

  • Mais qu’est ce que c’est que ce charrabia ?

    Allons,i l faut être sérieux 5 minutes.

    Et méthodique.

    On ne peut pas dire tout et n’importe quoi "pour la cause", ce faisant on occulte les vrais pbs qui sont des pbs politiques.

    On voit bien ce qu’essaie de faire ici PRS : défendre la fusion et les pactes d’actionnaires négociés et signés par le gouvernement Jospin, pour noyer le poisson.

    Il ya deux pbs chez EADS :

     un problème permanent de structure de l’actionnariat et de gouvernance d’entreprise
     un problème récent de suspicion de délit d’initiés.

    Le délit d’initié : la seule question (ou presque ) à résoudre est la suivante : lagardère, la CDC, l’etat savaient-ils , au moement où lagardère (notamment ) a vendu ses titres que l’A380 (ou plutôt, la gestion du dossier de l’A380 au sein d’EADS) allait impacter fortement le titre et est ce pour s’éviter des pertes sèches que de tesl actionnaires ont vendu leurs participations ?

    Là évidemment que le pacte d’actionnaire n’a pas grand chose à voir... admettons. Attendons la suite de la procédure pour s’exprimer plus avant pour le reste.

    L’autre question, avancée masquée par l’auteur de ce t article , c’est la question du contrôle de l’Etat sur ce type de participations stratégiques.

    Et là, je ne suis pas d’accord avec ce qu’il dit.

    Ou plutôt je ne suis pas d’accord avec son inteprétation , même si cette interprétation, qui repose sur une "doctrine" antilibérale, ne peut , compte tenu des références idéologiques de l’auteur, qu’être celle qu’il nous livre !

    3L’effacement" de l’Etat qui est ici présenté comme une pure volonté de l’actionnaire privé, oui c’est un VRAI problème. Mais le "souci" dans cette histoire c’es tque pour danser u ntango i lfaut toujours êter deux. Et moi ce qui me chagrine dans ce dossier , ce n’est pas la volonté dévorante de l’actionnaire privé (tout à fait dans son rôle) mais la faiblesse et l’absence de volonté paetnte de l’Etat français dans ce dossier.

    On peut me dire ce qu’on veut - quand on est socialiste on ne doit pas céder sur certains principes. Commencer à essayer de "gérer le capitalisme" c’était déjà le début de la fin.

    L’auteur m’a l’air d’oublier un peu vite que la naissance d’EADS s’est faite sous un gouvernement "de gauche", avec certes un Président de droite ( ça apprendra la "gauche" à "cohabiter" tiens...), et que M. Jospin, qui a été pointé du doigt sur ce dossier (pour de mauvaises raisons il faut le dire, ce qui prouve bien que en tant que droite celle qui nous gouverne est vraiment la plus conne du monde !!!) a expliqué , avec des arguments tout à fait libéraux , qu’il trouvait que cette fusion et ce pacte d’actionnaires étaient de bonnes choses pour la "compétitivité . Donc ,pas de regret le Yoyo. (Ah yoyo c’est un peu le Juppé de la gauche... Droit dans ses bottes !)

    Un rapport de la commission des finances du Sénat de juin 2007 livre pourtant à un moment cette appréciation sur le dit pacte d’actionnaire :

    "II. UN PACTE D’ACTIONNAIRES RIGIDE ET UNE GOUVERNANCE COMPLEXE
    A. LA RÉPARTITION DU CAPITAL : UN PRINCIPE D’ÉGALITE FRANCO-ALLEMANDE
    1. Le pacte d’actionnaires ne donne pas à l’Etat français un droit de regard sur les orientations stratégiques d’EADS

    Aux termes du pacte d’actionnaires conclu en 2000, EADS possède une structure d’actionnariat unique. L’Etat français, par l’intermédiaire d’une holding, la SOGEPA, et le groupe Lagardère sont liés par un premier pacte au sein de la « SOGEADE21(*) » qui regroupe les participations françaises. Cette entité est elle-même liée par un autre pacte d’actionnaires (le « Participation Agreement ») à DaimlerChrysler et à la SEPI (société holding de l’Etat espagnol). En vertu de ces accords, c’est uniquement aux actionnaires industriels que la possibilité est donnée d’exercer les responsabilités opérationnelles et managériales, ce qui peut se concevoir. En revanche, il est beaucoup moins compréhensible que l’Etat soit privé de regard sur une large part des grandes orientations du groupe.

    En effet, l’Etat français n’est pas directement représenté au conseil d’administration et n’exerce pas de contrôle, via cette instance, dans une société dans laquelle il détient pourtant 15 % des parts. Votre commission tient à souligner le paradoxe d’une telle situation. D’après les éléments dont elle dispose, le gouvernement de l’époque aurait été contraint d’accepter cette situation pour garantir au groupe Lagardère son indépendance et pour satisfaire aux exigences de DaimlerChrysler, opposé à un droit d’intervention de l’Etat français22(*). Le risque était alors de voir DaimlerChrysler s’associer à l’entreprise anglaise BAE Systems sans participation française. La stricte égalité dans la répartition du pouvoir était donc la condition du soutien allemand. Sans cette concession du gouvernement français, le groupe EADS n’aurait vraisemblablement pas été créé. Il n’en demeure pas moins, la « joint-venture », ou co-entreprise EADS en a subi les conséquences en termes de gouvernance.

    Le rôle ambigu de l’Etat français, principal actionnaire mais dépourvu de droit de regard, doit également être souligné. Du point de vue de la gouvernance, le comportement de l’Etat dans EADS s’inscrit en contradiction avec les principes qui président à l’action de l’Etat actionnaire depuis la création de l’Agence des participations de l’Etat23(*) (APE). L’Etat français devrait pouvoir être en mesure de jouir d’un droit de regard sur les orientations stratégiques correspondant à sa participation.

    Vos rapporteurs tiennent, en revanche, à souligner l’impact négatif, à leurs yeux, de l’influence des Etats, particulièrement dans les nominations à caractère politique à la tête du groupe. EADS doit devenir une entreprise « normale » sans interférence politique ni ingérence dans le management. En clair, l’Etat actionnaire ne doit pas troubler la gouvernance interne de cette société. Il ne doit pas avoir un rôle de gestionnaire mais de contrôle."
    *Source :
    Rapport d’information n° 351 (2006-2007) de MM. Jean-François LE GRAND et Roland RIES, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 27 juin 2007
    http://www.senat.fr/rap/r06-351/r06...

    C’est très instructif....

    La Louve