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Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I)
Publie le dimanche 4 janvier 2009 par Open-Publishing6 commentaires
Le réflexe qui a généré l’affaire dite des caricatures de Mahomet est de ceux qu’on peut reproduire à l’infini à la grâce de certains principes sacro-saints. Il est de l’ordre de l’imaginaire. Par là, ancré profondément dans le temps, tenant des représentations collectives et rassemblant la panoplie des vérités reçues. De nature culturelle, religieuse et psychologique, le communautarisme le met volontiers en berne. Le présent immédiat, les enjeux géostratégiques inavoués et les tensions lui procurent une ténacité sans égal. Ses auteurs : des laïcards aux ordre des officines de la désinformation. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui Israël bombarde la bande de Gaza faisant prévaloir un droit de légitime défense. Les médias occidentaux lui ont frayé un passage, préparé le terrain, eux qui ont sans cesse présenté le Hamas comme une organisation terroriste plutôt que comme des dirigeants d’un peuple réclamant la levée du blocus. J’ai voulu grâce à ces trois articles parus récemment dans le quotidien algérien « La Nouvelle république » montrer ce qui se cache derrière le vernis de certains arguments.
I/ Le démenti
Tout le monde a vu Philippe Val faire la promotion de son livre au titre voltairien et républicain [1]. En homme convaincu que le monde est engoncé dans une naïveté condamnable, il enchaîne les émissions – télé et radio. A un point tel que, lorsqu’on se met à douter de sa bonne parole, il se rétracte dans sa bulle – sourd à l’opinion adverse. C’est qu’il se croit tout désigné pour donner des leçons. Jamais pour en recevoir.
Dans l’émission de Laurent Ruquier (« On n’est pas couché », sur France 2), il n’a pas prononcé deux mots qu’il tombe déjà dans la trappe des deux Eric (Zemmour et Naulleau). Ils lui rappellent ses contradictions, mettent à plat sa logique, écrasent, en d’autres mots, son bric-à-brac provenant des lieux communs d’une certaine bien-pensance. En fait, les anachronismes convoqués dans le livre crèvent le milieu du tableau et manifestement sa vérité prétendue ne satisfait guère plus personne.
Son livre au seuil duquel commencent les faux-semblants arrive à point nommé – après les fameuses caricatures et l’affaire Siné – avec ses frasques et tout ce que le temps a rassemblé de passions et de ressentiments. Il exhume le Voltaire du Traité sur la tolérance, mais pour encore recycler la panoplie des idées servies et resservies à l’opinion, qui entendent gouverner le monde. Il explore les recoins sombres des années trente, revient sur l’affaire Fofana. Bref : du particulier, il se dirige illico vers le général. Mais il s’empêtre, oubliant que son credo est de dénoncer sans ménagement les réflexes essentialistes. Tels que « le Juif est usurier », « le Musulman est terroriste », « le Noir est sale »… Mais là encore ce n’est qu’échappatoire et poudre aux yeux. Tout ce qu’il développe œuvre à enfermer le Musulman et l’Arabe dans la seule idée qu’ils sont intolérants et que tout le mal vient de là. Ainsi en est-il, lorsqu’en 1923, dans Mein Kampf, un certain Hitler monte sa théorie qui va être fatale quelques années plus tard aux Juifs, aux Tsiganes et à l’Europe entière. Dans son discours, tout ramène toujours à une même thèse – incurablement ulcérée.
En réalité, le si sulfureux directeur du si satirique Charlie Hebdo n’a pas été sans laisser beaucoup de plumes dans cette légendaire affaire des caricatures danoises : il sait à peine cacher sa descente aux enfers. Ses interventions portent les stigmates d’un orgueil durement malmené. Il n’est plus qu’un chasseur pourchassé… dont la logique a du plomb dans l’aile. Or cela n’est pas pour l’assagir. Au contraire. Sa parole tient autant d’un lifting moral qu’elle donne libre cours à son désir de revanche. Il est non seulement incohérent mais reste à dix mille lieues d’être aussi bienveillant qu’il paraît l’enseigner. C’est un Val terrible d’intolérance, creux et sans d’autres voix que celle que le mépris des siècles inspire aux âmes incommodées.
Dans un article, paru sur son blog [2], la dérision prend le pas sur la bonne contenance. Il aurait aimé ajouter sa ‘’solitude‘’ à celles de Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy. Ceux-là, s’affichant comme des écorchés de la bêtise humaine, pour ainsi tirer du renom, s’auto-désignent « ennemis publics », dans le livre du même nom [3], regroupant leurs échanges épistolaires. Il est dans une telle logique de concurrence qu’il va contester aux plaintes de ses amis le droit de s’élever au-dessus des siennes. Il a lui aussi dans le martyre et le masochisme de quoi recommencer une dignité anéantie :
« – Si j’avais su, je t’aurais proposé qu’on écrive nos e-mails à trois, mais comme tu semblais te destiner à une carrière de scénariste à Hollywood […]. On pourrait appeler ça Lou Haï ou bien : Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? Ou encore : C’est vraiment trop injuste […].
»
Tout cela sur un ton de plaisanterie enrobé et qui, en fait, sous-entend : Basta Bernard… basta Michel… plus crucifié que moi, ça n’existe pas ! Finalement, chez cette espèce d’intellectuel, l’avantage est narcissique que l’on tient à remporter sur les contradicteurs. L’Autre a toujours tort !
N’en croyez rien, sauf par les racistes impénitents et les islamophobes, s’ils sont tous « mal-aimés » c’est pour leurs impostures évidentes. Il aurait aimé dire à la Terre, lui, Val, combien « le bon sens » se paie cher ! Bon sens… à l’aune d’une pensée sous tutelle et formatée. Or désormais consacré « mal-aimé » et sommé de passer outre les cris d’orfraies qui se multiplient, il doit redoubler de prouesses. Il a contre lui, cette fois-ci, ses amis et ses frères… qui usent et abusent – autant sinon mieux que lui – du circuit médiatique. De là ses recyclages, ses incantations et ses imprécations. Vivement, l’histoire et ses noms prestigieux pour faire un pied de nez au mauvais sort... Reviens, Voltaire !
Le site de la réunion
Deux livres et trois « mal-aimés », pareillement timorés parce que, finalement, ils ne sont pas pris au sérieux. Ces preux chevaliers… ces croisés de la culture et de la critique « sans frontière » ! Même présents sur tous les plateaux des télés et des radios, ils geignent à faire fondre les cœurs. En s’arrogeant le statut de victime, on peut autant qu’on veut recommencer le siège de Jérusalem. En attendant, Val de sa plume acéré transforme systématiquement ses contradicteurs en antisémites avérés, les envoyant sous le couperet de sa guillotine pour regarder, dans un enivrement religieux, leurs têtes rouler « dans le panier de la liberté d’expression [4] ». Sa cruauté, on le voit, son inconscient l’a ainsi exprimée. Entendre donc : panier du cynisme et de l’oppression.
Bien des choses réunissent ces chauffards de la plume, chouchoutés des médias. On se souvient des mêmes BHL, Finkielkraut, Glucksmann… et de la cohorte des politiciens (Bayrou, Hollande, Sarkozy… ceux-là en course à l’époque pour L’Élysée)… témoins de moralité… tiens donc… accourus lors du mémorable procès apporter caution au pote Philippe Val. On se souvient des mêmes personnages et de leur soutien à Houellebecq lorsqu’il fut confronté aux mêmes organisations, d’ailleurs dans le même cas de figure de l’insulte. Lequel Houellebecq est connu autant, sinon plus, pour sa haine envers l’Islam, qualifié de « religion la plus con », que pour son œuvre romanesque.
Nul doute que Val jouit – par tous les pores et tous les trous – quand il écrit ceci à l’adresse de BHL :
« – Tu lui diras [à Michel Houellebecq] toute l’estime qu’à Charlie on éprouve à son égard. J’ai fait encadrer dans mon bureau sa célèbre fatwa : ‘’La religion la plus con c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran on est effondré… effondré !’’ ; ‘’L’islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition’’. Tous les matins, […] je récite ces trois phrases avec dévotion […]. [5]
»
Avec dévotion ! Et, il est vrai, l’athéisme n’est pas sans être parfois la religion des stupidement aigris. C’est fou ce qu’on retrouve les mêmes personnages autour des mêmes pourfendeurs aux œuvres assurément délirantes… Les mêmes flambards s’empressent d’honorer la bêtise, la sacrant vérité incontestée et lui donnant une place dans le panthéon des valeurs dégénérées. Qu’il s’agisse de Salman Ruchdie ou de Taslima Nasreen – soit disant preuves vivantes de la « connerie » de l’Islam –, on retrouve les mêmes mollahs de la même laïcité : BHL, Finkielkraut, Glucksmann, Bruckner et consorts. Ceux-là, autoproclamés philosophes mais communautaristes… sont toujours là, en tête des défilés. Autoproclamés démocrate et en réalité promoteur de la pensée désespérément unique… sont à l’affût des causes ethnocentristes, d’avance acquises.
Paradoxe
Or cette histoire n’est pas finie qu’une autre commence pointant le paradoxe de ces donneurs de leçons rencontrés sur tous les fronts de la liberté d’expression, de la tolérance… et cependant du droit à l’ingérence.
Tout à coup : retour de flamme ! Charlie Hebdo implose, miné dans ses fondements, ses certitudes et sa crédibilité. Val cesse de rire ! A peine un rictus… résolument figé sur sa face. Il n’y a pas plus désavouant pour un journal profanateur des valeurs d’autrui que le sort qui le déchire en deux. Siné, le plus vieux des dessinateurs, crée son propre journal. A 79 ans, il commet le geste (impudent !) de jouer avec le feu – geste prométhéen guère apprécié par la morale d’un Val compromis par fidélité à Sarkozy qui, rappelons, a volé à son secours. Vendre la mèche… aux laissés pour compte… que nenni… Val ne permet.
Pauvre Siné ! Mal lui en prit. Ça l’a sorti de l’anonymat ? Il n’empêche qu’il doit se mordre les doigts d’avoir frôlé le délit d’antisémitisme. Et d’avoir ainsi affirmé :
« Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet […] a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, héritière des fondateurs de DARTY. Il fera du chemin dans la vie, ce petit [6] ! »
Darty rime avec petit… et de façon grandement antithétique.
Tout est là. La goutte qui fait déborder le vase c’est l’identité juive de la fiancée. Or trop de clarté aveugle. Val pète les plombs. Et Siné du coup est grillé. La justice valienne est à l’image de la justice française : à deux vitesses. Tombent alors le verdict comme un couperet. Siné « l’antisémite » doit Charlie Hebdo. Val en a décidé ainsi, qui conclut à un blasphème. On ne badine pas avec l’Inquisiteur en chef.
Mais le compte à rebours commence. La formule caricaturale prêtée au prophète Mahomet « c’est dur d’être aimé par des cons » devient, du coup, dans la bouche de Siné « c’est dur d’être dirigé par un con ». Le démenti en effet est cinglant que le hasard adresse à la logique calomnieuse. On ne peut rire de tout !
(A suivre…)
[1] Reviens Voltaire, ils sont devenus fous, Paris, Grasset, 2008.
[2] Cf. « L’ennemi public numéro 3 »,
http://valestderetour.worldpress.com/2008/10/08/l-ennemi-public-numero-3/
[3] Ennemis publics, Paris Flammarion-Grasset, 2008.
[4] Cf. Son article paru dans son blog « Reviens, Voltaire, y a du pudding pour le dessert »
[5] Cf. « L’ennemi public numéro 3 » qu’on peut lire sur son blog.
[6] Ce sont ces mots qui vaudront à Siné d’être mis en demeure de s’excuser ou de quitter Charlie Hebdo.
Mohamed-Salah ZELICHE
est chercheur en littérature. Il est l’auteur de L’Ecriture de Rachid Boudjedra. Poét(h)ique des deux rives, Paris, Editions Karthala, 2005, 360 pages.
Web : sentiers-sentiers.blogspot.com/
Messages
1. Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I), 4 janvier 2009, 21:58, par liliah
Attention !
Ce n’est pas le site de Val, mais un site rigolo SUR Val. A prendre au second degré !
"Toute ressemblance ..." ...
1. Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I), 5 janvier 2009, 21:20, par L’auteur
Merci pour cette précision. Pourtant si cette méprise est regrettable, elle ne va guère à l’encontre de ce que j’ai développé - la logique de Val étant dans d’autres discours bien conforme. L’auteur de l’article.
2. Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I), 4 janvier 2009, 23:36
De même que Val a tout faux sur l’affaire SINE et je suis heureux du succés de Siné Hebdo.... autant dire aussi qu’il est irréprochable sur l’affaire des caricatures de mahomet, que l’auteur de l’article appelle encore "prophète" Prophète de mes deux, oui !
1. Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I), 5 janvier 2009, 19:45, par Pasc
Libre à vous de mettre un s majuscule à Siné et un m minuscule à Mahomet. Mais cela, pour autant, ne fait pas de Siné un meilleur prophète. Quant à "tes deux".... voilà qui signifie beaucoup !
3. Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I), 5 janvier 2009, 01:44
C’est faire grave offense à la pensée laïque que de lui attribuer des sinistres clowns comme porte-parole ! Serait-elle si difficile à comprendre ?
1. Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I), 5 janvier 2009, 19:59, par Raf
Il faut peut-être lire tout l’article, et particulièrement sa troisième partie, pour affirmer qu’il y a offense à la pensée laïque. L’article fustige la fourberie.... des faux laïcs.