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Décès de Soljénitsyne : la réaction d’André Gérin

Publie le jeudi 14 août 2008 par Open-Publishing
8 commentaires

Alexandre SOLJENITSYNE :

Ses écrits concernent aussi l’histoire du XXIème siècle

Vénissieux, le 13 août 2008

Homme de dissidence, résistant, écrivain incomparable, Alexandre Soljenitsyne a posé une dernière fois son stylo sur la table de chevet de son domicile moscovite, le 3 août dernier.

Au-delà de l’œuvre littéraire abondante, la disparition du Prix Nobel de Littérature, qui s’entrelace avec l’histoire de son siècle, marque la fin d’une époque. Quand on évoque Soljenitsyne, on parle bien sûr du Goulag, de la condition de l’homme, du zek, ce banni broyé dans les camps totalitaires où Staline réduisait -ou croyait réduire- au silence toute forme de résistance : officiers, membres du PC, intellectuels, ouvriers, paysans, orthodoxes, protestants, juifs lors du complot des blouses blanches, etc. Témoin de l’innommable comme Primo Levi en son temps, Alexandre Soljenitsyne appartient bien à la longue lignée des auteurs qui ont puisé leur inspiration dans leur lutte farouche contre les Régimes sans foi ni loi : à l’image de Tolstoï contre les inégalités criantes de l’Ancien Régime tsariste, de Chateaubriand opposé au despotisme Napoléonien, de Victor Hugo, en poète libre et vindicatif, face à l’arrogance du Second empire. Ces écrivains-là ont donné des mots et une voix à l’opprimé, ont donné des mots d’ordre à une société pour qu’elle sache se lever face à l’essence du totalitarisme.

En tant que responsable politique, la lecture de L’archipel du goulag dans le courant des années 70 a soulevé chez moi de nombreuses interrogations et a imposé, ou aurait dû imposer à la classe politique progressiste du moment, un travail salutaire d’autocritique en même temps que d’émancipation. Pour vous donner une mesure de l’effet que produisit cette œuvre, alors même qu’en France les forces de gauche signaient la base du Programme commun, je n’ai pas d’autre expression que celle de coup de tonnerre, qui résonne dans le ciel de la guerre froide. Pour nous, après Prague, il s’agissait d’ouvrir les yeux et le PCF eut alors tout à gagner à regarder en face la dérive du régime soviétique. Certains l’ont compris à l’époque, d’autres ont préféré se murer dans un silence pesant. Sans jouer sur les mots, et à travers des écrits tels que L’archipel ou Une journée d’Ivan Denissovitch, le prix Nobel de littérature dénonce une dérive despotique, au nom d’un communisme athée et totalitaire, un communisme dévoyé, un communisme qui ne porte pas les aspirations des Russes mais un nom en forme de culte, le stalinisme.

Comment lui donner tort ? Comment ne pas voir que le Stalinisme a mis son peuple sous le joug au lieu de l’émanciper ? Comment ne pas voir, après le XXème congrès et le court dégel khrouchtchévien, qu’une chape de plomb, que la guerre froide a renforcée, allait recouvrir les aspirations des Russes. En ce sens, Soljenitsyne, qui ne croyait pas plus au communisme qu’aux valeurs occidentales, -j’y reviendrai-, a ouvert une brèche entre le monde politique et sa base idéologique et culturelle. Il a en tout cas suscité la réflexion, et son œuvre puissante doit interroger tout homme politique de gauche, en premier lieu les communistes, notamment sur le glissement des régimes politiques , sur la place du débat et du doute, jusqu’au droit d’inventaire et d’indépendance, au sein des partis politiques de l’époque.

Mais croire que l’œuvre de Soljenitsyne ne s’alimente qu’au foyer de l’anticommunisme, c’est en réduire considérablement la portée et la détourner à des fins partisanes peu objectives. Son discours prononcé devant l’université de Harvard en 1978 - Le déclin du courage- devrait interpeller la classe politique dans son ensemble. Chez moi, il fait date au même titre que L’archipel du goulag. D’une part parce que c’est le regard d’un dissident, un regard extérieur au monde bipolaire qui l’entoure : « Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement dans chaque pays, dans chaque gouvernement et bien sûr aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. » Le capitalisme cynique et sans pitié que l’on érige comme seul modèle économique et social susceptible d’assurer le bien-être à l’homme est également, à ses yeux, un leurre : « Un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus a imprimé sur de nombreux visages à l’Ouest les marques de l’inquiétude et de la dépression. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n’ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel. Si l’on me proposait l’Ouest comme modèle pour mon pays, il me faudrait en toute honnêteté répondre par la négative ». Vision prophétique ? Peut-être. Elle mérite en tout cas une analyse introspective de l’Occident, de l’imprégnation du modèle de la Renaissance dans son mode de réflexion jusqu’à la dérive -là encore- d’un capitalisme sans vergogne engagé dans une spirale folle, privilégiant l’éphémère à l’investissement, quitte à provoquer « ces marques de l’inquiétude et de la dépression ». Ce Soljenitsyne-là mérite plus d’attention que le Soljenitsyne nostalgique de la Sainte Russie, versant, à la fin de sa vie, dans un « national-étatisme » douteux peu conforme à ses vœux d’instaurer une démocratie directe inspirée des assemblées locales et régionales de la Russie du XIXème.

Homme de l’histoire et du chaos du XXème siècle, ses écrits n’ont-ils pas, eux, déjà atteint les rives du XXIème siècle ?

André GERIN

député du Rhône, maire de Vénissieux

Messages

  • OUAIS ben calmer vous les gars, bouffer du revisio OK, mais c’est pas une raison pour laisser encenser sans rien dire ce vieux pouilleux de natio et catho-integriste.

    Si il s’en ai sortit c’est bien qu’ apres Joseph on a été trop gentil...

  • Article indigent, c’est du Kroutchev 1962, les incantations anti-staliniennes ne manquent pas, mais la critique marxiste, de gauche, du stalinisme est abscente. Le goulag, pour Gérin, comme pour n’importe quel quidam conditionné par les médias capitalistes est réduit à son rôle répressif. Exit la fonction d’extorsion de force de travail gratuite (un comble pour des communistes) pour compenser la politique d’isolement consécutive au choix anti-NEP ("socialisme dans un seul pays"). Ce n’est pas en s’extasiant devant Soljenitsyne qu’on peut envisager le dépassement du capitalisme.

    CN46400

  • "Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur " : quelle analyse, quelle rigolade !
    Les USA et en général l’Occident qu’ils "drivent" ont-ils manqué de courage pour lancer la première guerre du Golfe, puis la seconde, puis l’invasion de l’Afganistan, puis le démembrement de la Yougoslavie, puis le génocide rwandais, puis les contre-révolutions roses en Ukraine, en Géorgie, et ainsi de suite, pendant que l’ancienne URSS, "pleine de courage", se décomposait, perdait toute influence et laissait proliférer des mafias dans tout le secteur industriel, financier et commercial...
    Gérin n’a jamais été un aigle es analyses politiques, mais là il se surpasse et s’élève trés haut dans le désordre et le manque d’idées pour parler comme Anicet Le Pors, à l’image de la tête décérébrée du PCF. Jesse

  • Soljénitsyne a confirmé par l’aspect témoignage de ses oeuvres, quand ces livres ont été largement portés à connaissance en "occident", l’univers réactionnaire, enfermant et liberticide du régime qui prévalait dans l’URSS .

    Mais au delà des connaissances de chaque individu sur cet univers anti-communiste qu’a été l’URSS, ça faisait belle lurette qu’en appliquant tout simplement une grille d’analyse marxiste, le PCF aurait du comprendre que l’URSS n’était pas socialiste et que sa couche dirigeante n’était qu’au mieux pré-bourgeoise.

    En fait Soljénitsyne n’était en rien le premier descripteur des tares de l’URSS. Quand les enfants de Marie se sont extasiés sur ce grand écrivain ça faisait déjà des dizaines d’années que les témoignages précis et circonstanciés existaient , que des analyses solides existaient , et des fois talentueuses, mais celles-ci n’étaient pas acceptables par la bourgeoisie occidentale, pas acceptables par des partis de gauche ayant largement abandonnés le concret de l’analyse de classe (nous étions dans le domaine des "blocs" où ils fallait être d’un côté contre un autre , oblitérant toutte analyse sérieuse).

    Soljénitsyne fut donc une divine surprise pour la bourgeoisie : enfin un regard de droite ! Enfin un regard qui remontait le temps !

    Je ne conteste nullement la qualité de plume de l’écrivain, ni sa complexité idéologique (plus importante qu’on ne croie sur son modèle politique préféré), mais sa place dans l’arène politique et son regard historique.

    Des dizaines d’années avant cet écrivain nous avions déjà tout en main pour analyser ce qu’était l’URSS, ses trajectoires, la contradiction énorme que recélait ce système , en même temps fruit d’une immense poussée populaire et en même temps sous la coupe d’une nomenclatura inhumaine, réactionnaire et sur le fond anti-ouvrière.

    Effectivement, prendre conscience au moment de la signature du programme commun de la réalité sous-jacente de ce qu’était le système russe au travers des écrits de Solyénitsine était , vu rétrospectivement maintenant, immensément trop tard, démontrant une grande faillite des capacités d’analyse d’un parti.

    Un parti incapable d’analyser une société, ou le faisant 40 ans après qu’une réalité de classes ait émergé dans un secteur des plus importants de la planète, n’est pas un bon outil.

    Cette critique, cette réalité, qu’on peut porter rétrospectivement sur le mouvement communiste international, implique effectivement de repenser les outils, les capacités d’analyse et les objectifs d’une gauche communiste.

    Soljénitsyne fut la divine surprise de la bourgeoisie et paradoxalement également d’un parti fatigué. Le reste de la gauche savait ça depuis très longtemps, des dirigeants du PCF savaient cela depuis très longtemps mais le taisaient.

    Les militants furent donc autorisés avec cette critique très à droite du goulag à être au courant de la réalité de l’URSS (au moment d’ailleurs où ce goulag perdait très lentement de sa dureté).

  • Parmi les "exploits" des Vlassov...

    * Jean-Louis Corbel
    Résistant capturé dans une rafle, abattu à 20 ans le long de la voie ferrée au lieu-dit Garzonval par une escouade du Bretonische Waffenverband der SS (Bezzen Perrot) et de cosaques de l’Armée Vlassov aux ordres du SD, originaire de Maël-Carhaix.

    * 5 juin 1944 : Simultanément, très importants bombardements sur le Nord Pas de Calais, largage de bandelettes metalliques destinées à créer un trafic fictif sur les radars Allemands. L’armada alliée, articulée en 47 convois, fait route vers la France, par forte houle et sous une pluie incessante. Dans le département du Morbihan, parachutage de quatre sticks de paras Français (2ème Bataillon F.F.L). Le caporal BOUETARD sera le premier mort allié du jour J. Il a été abattu par un volontaire Géorgien de l’Armée Vlassov.

  • Putain, André, tu déconnes, tu applaudis avec les loups.... seul la réaction de Mélenchon était pertinente....