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Déflation au Japon : l’impasse des politiques de l’offre
Publie le vendredi 2 mars 2007 par Open-PublishingDéflation au Japon : l’impasse des politiques de l’offre
2 mars 2007
L’inflation est retombée à zéro en janvier au Japon.
Si l’on ne tient pas compte de l’énergie, les prix ont reculé de 0,2%, en janvier, pour le treizième mois consécutif.
C’est donc le seul renchérissement du pétrole qui soutient l’indice des prix.
Les produits de haute technologies connaissent une baisse considérable de leurs tarifs., avec -26% pour les écrans plats, et -24% pour les ordinateurs portables.
Le salaire moyen a baissé de 1,4% sur un an.
Au Japon comme dans le reste du monde, la précarité croissante du salariat pèse sur le niveau des salaires, même si le niveau de chômage reste très bas, à 4%.
Un expert Japonais, M. Sakakibara, ancien vice ministre des finances se réjouit de la situation :
« Ce n’est pas de la déflation que nous avons dans ce pays, ce n’est pas ce genre de mauvais phénomène qui déprécie les actifs. Certes, les prix à la consommation n’augmentent pratiquement pas. Mais c’est une bonne chose !
Les prix sont stables pour deux raisons : d’abord le changement structurel sur le marché du travail. L’emploi stable diminue et l’emploi irrégulier augmente » (ndlr : c’est nous qui soulignons).
Contre Info - Commentaire
Depuis l’éclatement de la bulle immobilière de 1993, l’économie Japonaise n’a jamais retrouvé son équilibre, ni surtout le dynamisme dont elle a fait preuve dans les années 1970 et 1980.
A l’heure actuelle le taux d’intérêt directeur de la banque centrale est extrêmement bas, afin de stimuler l’activité et la consommation. Il est seulement de 0,5%
Pendant cinq ans il a été maintenu a 0,1%. Oui, vous avez bien lu, 0,1% (voir l’historique des taux de la banque du Japon).
Les grandes banques internationales ont trouvé là une source de revenu énorme ( le carry trade ) en empruntant du Yen à un taux ridiculement bas.
Bien que M.Sakakibara voie des raisons de se réjouir, il est permis de ne pas partager son enthousiasme. La situation du Japon ou l’argent gratuit ne stimule plus rien, si ce n’est la spéculation bancaire, illustre jusqu’à la caricature les méfaits des politiques macro économiques de « l’offre » au détriment de celles de la « demande ».
l’offre et la demande
Le dernier cliché à la mode de la campagne électorale, c’est « depuis 20 / 25 / 30 ans, on a tout essayé, à droite comme à gauche, et rien ne marche ».
Cette affirmation reprise à l’envi par les journalistes, les experts et les politiques est tout simplement inepte.
Il y a bien deux politiques économiques très distinctes l’une de l’autre, dont les effets ne sont absolument pas comparables : celle de l’offre et celle de la demande.
Ces appelations d’offre et de demande font référence à un schéma de base des théories économiques, ou d’un coté des entreprises offrent - mettent sur le marché - des produits ou des services, et de l’autre, des consommateurs demandent - ont besoin, et éventuellement achètent, si ils en ont les moyens - ces mêmes produits ou service.
Les tenants de la politique de l’offre prétendent qu’en favorisant les entrepreneurs, la société toute entière en profitera. Ceux de la politique de la demande affirment qu’en soutenant les revenus et en engageant des dépenses - même à crédit - l’activité des entreprises suivra.
La politique de l’offre est chérie par les libéraux. Typiquement, la volonté de Sarkozy de « libérer le travail » relève de ce programme qui consiste toujours et partout à :
Baisser les impôts des plus favorisés
Baisser les charges des entreprises
« Flexibiliser » le travail, c’est à dire en baisser le cout - entendre : les salaires versés.
Limiter le rôle de l’Etat en taillant dans la dépense publique.
La politique de la demande a été théorisée par Keynes lors de la grande dépression des années 1930, et adoptée par les nations occidentales durant la période des « trentes glorieuse » qui a vu une élévation du niveau de vie sans précédent. Elle consiste à :
Redistribuer les richesses par le biais de l’impot, ce qui favorise la consommation du plus grand nombre.
Favoriser l’activité économique par les dépenses de l’Etat, qui sont des opportunités de marchés pour les entreprises.
Augmenter les salaires pour stimuler la demande, donc l’activité.
La dernière fois qu’une politique de ce type a été menée en France, ce fut sous le gouvernement Jospin, avec pour résultat :
La création du plus grand nombre d’emplois que la France a connue depuis l’après guerre.
Une progression du PIB supérieure à celle de nos voisins européens
Une diminution du poids de la dette.
besoin de capital ou besoin de travail ?
La théorie classique de l’économie identifie deux acteurs majeurs : le capital et le travail.
Les politiques de l’offre favorisent le capital et affirment que le travail en profitera. Le débat auquel nous asistons sur la fuite des investisseurs et des patrons voulant échapper à l’impot qui pénaliserait la France, entre dans ce schéma. « Aidez les riches », nous dit-on et tout le monde en bénéficiera. Ils investiront et fourniront du travail.
Mais ce dont nos économies manquent, ce n’est pas de plus de capital, c’est de plus de travail. L’exemple du Japon, mais aussi des USA, montre des sociétés où les quelques pourcents les plus riches s’enrichissent considérablement, mais ou l’économie ne redémarre pas.
Tous les cadeaux faits aux couches favorisées, toutes les baisses d’impot, de charges, ne se traduisent pas par une relance de l’activité via l’investissement qui enrichirait tous les membres de la société.
On assiste au contraire à un accroissement des inégalités, et à une précarisation encore plus grande pour le plus grand nombre, comme au Japon.
La situation aux USA n’est pas meilleure. Depuis cinq ans, les secteurs créateursd’emploi sont :
l’administration
la restauration et les bars
les soins à la personne
Ce qui soutient l’activité aux USA, c’est l’argent facile, l’accroissement de la dette, et la bulle immobilière qui a permis aux ménages de continuer à consommer en hypothéquant leurs domiciles quand les salaires stagnaient.
Mais les promesses de mieux-être collectif n’ont pas été tenues.
Il est faux de dire que depuis 30 ans on a tout essayé sans succès. Il y a bien deux politiques, deux méthodes antagonistes. Et les résultats pour le plus grand nombre sont à l’opposé.
Sous les slogans simplificateurs, et les formules creuses, nous avons bien à faire à un choix de société.
Référence : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=635