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Démocratie directe ?
Démocratie, direct !
La gauche est en crise. Ses stratégies sont pour l’instant inopérantes, voire contre-productives, comme le montrent sa disparition en Italie et l’union sacrée de la fausse gauche avec la vraie droite en Allemagne. Et si la crise de "la gauche" était elle aussi systémique, consubstantielle à la crise planétaire ?
Qu’est-ce que la gauche ?
Le terme est né en France, quand les opposants au féodalisme s’assirent à gauche et les conservateurs à droite de l’hémicycle. La principale revendication était l’abolition des privilèges de la noblesse et du clergé. Celle ci fut votée par une assemblée majoritairement de droite, sous la pression de révoltes populaires dépassant les moyens de répression de l’époque, le 4 août 1789.
La gauche s’est définie par son opposition aux privilèges, et la droite par son attachement aux sauveurs suprêmes, aux césars et aux tribuns. L’étymologie fournit ainsi en axiome une définition "universelle" de la droite et de la gauche, sans ethnocentrisme ni chronocentrisme. Historiquement, le libéralisme philosophique n’est pas de droite, et une Nomenklatura n’est pas de gauche. Le clivage n’a rien de nouveau : la droite veut des hommes providentiels, des rois et des chefs, des délégués et des patrons, des guides et des führers, et leur concède bien volontiers les privilèges de leur éminence putative, et la gauche veut une réelle démocratie (Polis-tikès). Leurs corpus respectifs opposent deux modèles d’organisations : l’idéologie de droite est celle des pyramides hiérarchiques, et l’idéologie de gauche celle des organisations en réseaux.
Partis de gauche : pour aller où ?
Paradoxe apparent, les "partis de gauche" ne sont pas organisés en réseaux, mais comme les partis de droite et les entreprises capitalistes, en pyramides ! Un "parti de gauche" en ce début de millénaire, c’est une entreprise qui vend un service : changer la société. Ses recettes sont constituées de contributions monétaires et bénévoles, et ses dépenses consistent en actions de lobbying politique. Son organisation est verticale, pyramidale. Elle comprend une dizaine d’échelons hiérarchiques basés le plus souvent sur des découpages administratifs successifs chapeautés de multiples instances de direction concentriques. Comme dans toutes les entreprises basées sur ce modèle typique du dix-neuvième siècle, l’information ne circule pas ou très mal, les outils sont inadaptés aux objectifs, le climat social est effroyable, et la productivité globale est affligeante.
Naturellement, en termes d’image et de crédibilité, un "parti de gauche" fonctionnant avec plus de hiérarchies internes réelles qu’une entreprise comme Google devient de plus en plus difficile à vendre à ses électeurs potentiels. Leur désaffection n’est donc pas liée à un tarissement de la demande mais à une inadéquation de l’offre, conduisant à une rentabilité négative de l’investissement militant global dans les principaux partis "de gauche" du marché : en quelques décennies, la part des revenus du travail dans le PIB a considérablement diminué au profit des revenus du capital.
Dans leurs formes actuelles, les organisations "de gauche" échouent à opposer à la globalisation du secteur mercantile une globalisation des alternatives démocratiques. Selon un sondage, plus de huit personnes sur dix pensent pourtant "que notre société est mauvaise, et doit changer". Mais comme la quasi-totalité de l’offre des partis, syndicats, et associations "de gauche" repose sur un modèle d’organisation de droite [1] que les entreprises capitalistes elles-mêmes n’adoptent plus en l’état, cette majorité ne concourt que de manière de plus en plus marginale à la demande résiduelle pour ce qui nous sert de gauche politique aujourd’hui.
La démocratie directe : un resizing
Le marketing ne peut enrayer une telle crise : des restructurations majeures s’imposent. Google a trois niveaux hiérarchiques, plus un quatrième qui décide : les actionnaires. Aux partis de gauche et aux entreprises avisées d’adopter un modèle encore plus productif en allant au bout du resizing [2] : aucun échelon hiérarchique. L’absence de hiérarchie ne vise pas seulement l’économie de dépenses improductives, voire contre-productives, mais aussi et surtout la meilleure capitalisation de l’intelligence collective. Un resizing complet équivaut au concept politique de démocratie directe [3].
Des tergiversations et des obstacles sont prévisibles, car les échelons hiérarchiques jouent un rôle conservateur bien connu des sociologues des organisations et désormais des électeurs. Les solutions sont connues elles aussi, pour l’essentiel, depuis des millénaires : éviter toute délégation de pouvoir, user de tirages aux sort, de mandats non renouvelables, impératifs, non cumulables, développer méthodes et outils horizontaux d’élaboration de textes collectifs et de prise de décisions (opérationnels même à plusieurs milliards), se doter d’instances exécutives, d’arbitrage, et de contre-pouvoirs indépendantes et à zéro niveaux hiérarchiques, ... et expérimenter tout ça et plus encore ici et maintenant.
Politiquement, quelques ersatz ont suffit à Royal pour court-circuiter l’éléphanterie du PS, à Obama pour doubler Hillary, ou à Besancenot pour passer en vedette américaine chez Drucker. La démocratie directe partout, au parti comme à l’entreprise, représente donc bien une énorme demande qui reste insatisfaite, reniée, édulcorée, sans cesse instrumentalisée et pourtant toujours masquée au débat public [4]. Voilà l’élément systémique de la crise d’une gauche qui s’étonne de demeurer politiquement minoritaire quand elle est sociologiquement ultra-majoritaire.
Bravitude participative ou démocratie directe ?
Associée peu ou prou au "monarchisme d’entreprise" consubstantiel des dogmes réactionnaires, la "démocratie" représentative devient invendable [5]. C’est pourquoi les mouvements de concentration, O.P.A., grandes alliances, et petits arrangements entre "partis de gauche" ne freinent guère leurs déclins. Quelques "bravitudes participatives" peuvent-elles suffire à racheter une gauche Canada-Dry noyée dans un verre de Vichy ?
Le remède à la crise des "partis de gauche" n’est-il pas plutôt d’y revenir ? (à gauche, au sens rappelé en introduction) 2002, 2005, 2007, toutes les grandes études de marché récentes le confirme : désormais, pour convaincre d’adhérer à leur concept d’entreprise, il ne suffit plus aux organisations de gauche de vendre sur catalogue une démocratie livrable au chant du coq le matin du grand soir. Elle doivent avoir le produit en stock [6], et le mettre en rayons !.
Messages
1. Démocratie, direct !, 4 mars 2009, 23:24
Pourquoi "louvesque" ? C’est la louve ?
1. Démocratie, direct !, 5 mars 2009, 10:19
Non ce n’est pas moi mais je trouve ce texte au moins intéressant - même si je ne suis pas sûre d’avoir tout compris... A suivre....
LL
2. Démocratie, direct !, 4 mars 2009, 23:39, par Frédéric Angèle
Enfin un texte qui pose LA question : les "partis de gauche", ils sont partis où ?
3. Démocratie, direct !, 5 mars 2009, 12:49, par P.S.
Dans la primordiale dialectique politique qui se joue entre ces deux protagonistes :"l’individu et le collectif",laCONCESSION par la REPRESENTATION du devoir d’IMPLICATION sans garde fou, renvoie, à la fois :
_pour la philosophie idéaliste,à la prévalence de la lâcheté consubstancielle individuelle
_pour une tounure plus materialiste,à l’historique pesanteur ontologique de la coutumière non implication entretenue par l’aliénation culturelle subie.
_pour le psychologisme, à l’entente cordiale,usant, à différents niveaux de conscience de l’auto aliénation, s’accomodant,des deux thèmes précédent:la lâcheté du désengagement du délégateur, comme le refuge dans l’irresponsabilité personnelle,institutionnalisé par le mandat.
_enfin pour la part pudiquement rarement abordée,tant elle soutient l’instable et précaire édifice ci-dessus décrit,la délégation sied majoritairement au délégataire tant dans sa componsante d’auto validation psychologique que dans la confirmation apportée par la convergence de formes entre celles du siège et le fondement lui même ,toutes choses trés présentes chez le délégateur quand il mesure et choisit le confort attendu dans le conflit entre risque et énergie de l’engagement personnel et lâche CONVERSION mystique et MESSIANIQUE à la chefferie.
La signature du texte :"louvesque" sonnant pour moi comme un qualificatif humble et pudique renforçant du coup son intérêt, convoque, dans son matérialisme"élargi",l’analyse des stuctures organisationnelles de combat syndicales, politiques d’aujourd’hui invitant à developper et dépasser les concepts actuels qui confinent ,dans leur adéquation et complémentarité morpho fonctionnelles ,à "remettre sur leur pieds"les structures pyramidales hierarchisées des systèmes délégataires.
P.S.
4. Démocratie, direct !, 6 mars 2009, 02:33, par Charles Max
ça fait drôlement plaisir de lire un article pareil ! Et ça nous change de l’hypocrisie habituelle des écuries de course à l’échalotte électorale engluées dans leurs lutte des places éligibles !!!
Puisque la gauche de gauche n’arrive pas à se rassembler avec les resucées actuelles des vieilles unions négociées au sommet des bureaucraties politiciennes, pourquoi ne pas proposer comme fondation du rassemblement de "la gauche" la démocratie directe ? Au moins, ça permettrait de bien voir où se situe la limite entre la fausse gauche et la vraie !
5. Démocratie, direct !, 7 mars 2009, 03:04, par Dédé Mokrat
Oui : c’est vrai pour les partis, mais aussi pour bon nombre d’organisations syndicales et d’associations. Et aussi pour les unions plus électoralistes : pourquoi les partis de gauche ne proposent que des unions au sommet façon "ralliez mon panache blanc" ?
6. Démocratie, direct !, 8 mars 2009, 20:44, par AntiSarko
J’ai failli ne pas lire ce texte, et ça aurait été dommage car je n’ai rien lu d’aussi puissant sur la situation politique depuis bien longtemps ! Vous devriez le mettre en édito !!!
1. Démocratie, direct !, 29 mars 2009, 03:43, par Domoticien
Oui : c’est carrément ce qui manque dans le dabat public : une offre politique de gauche ! Pourtant, notre demande est là : LKP métropole !