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Derniers jours de campagne en Iran...

Publie le mardi 9 juin 2009 par Open-Publishing

L’establishment iranien se ligue contre Ahmadinejad

De notre envoyée spéciale à Téhéran, Delphine Minoui

Des partisans de Mir Hossein Moussavi défilent à Ardabil, le 8 juin. Ex-premier ministre dans les an­nées 1980, il est le candidat favori d’une opposition qui s’est réunie pour battre Mahmoud Ahmadinejad.
Des partisans de Mir Hossein Moussavi défilent à Ardabil, le 8 juin. Ex-premier ministre dans les an­nées 1980, il est le candidat favori d’une opposition qui s’est réunie pour battre Mahmoud Ahmadinejad. Crédits photo : AP

À l’approche du scrutin présidentiel de vendredi, une coalition organisée par l’ancien président Hachemi Rafsandjani redouble d’efforts pour éviter la réélection de celui qu’elle accuse d’avoir ruiné le pays.

Derrière les affiches multicolores qui tapissent les murs de Téhéran, une partie de poker est en train de se jouer dans les coulisses du pouvoir iranien. Son objectif : éviter à tout prix la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, accusé d’avoir gaspillé l’argent du pétrole et d’avoir isolé le pays en provoquant l’Occident sur la question nucléaire.

Pour la première fois dans l’histoire de la République islamique, une large coalition incluant des personnalités politiques de pre­mier plan, issues à la fois des factions réformatrices et traditionalistes, est en train de faire front contre un seul candidat.

« Cette coalition mise sur le changement, en soutenant prioritairement Mir Hossein Moussavi, ex-premier ministre dans les an­nées 1980. Mais peu importe la personne élue. Ce qui compte, c’est de se débarrasser d’Ahmadinejad », remarque le professeur de sciences politiques Javad Etta’at, au fait de ces tractations.

Quatre ans après sa victoire surprise, « l’homme du peuple » - comme le décrivent ses posters de campagne - continue à bénéficier des bonnes grâces des laissés-pour-compte. « Ceux qui ont reçu les aides sociales initiées par son gouvernement lui sont reconnaissants. En revanche, les milieux d’affaire, les femmes et les jeunes lui reprochent d’avoir négligé le développement industriel et la création d’emplois », constate le politologue Ali Khorram.

C’est ce deuxième groupe d’électeurs, nombreux à avoir boudé les urnes lors de la dernière présidentielle, que cible aujourd’hui la coalition anti-Ahmadinejad. À en juger par les milliers d’automobilistes qui se déversent tous les soirs dans la capitale iranienne, le poster de Moussavi à bout de bras, les moyens déployés sont pharaoniques. Envoi de textos, meetings politiques, diffusion de tubes de rap - une musique habituellement illicite… On se croirait dans une campagne à l’occidentale.

Le retour des graffitis

Le cerveau de cette opération d’envergure s’appelle Ali Akbar Hachemi Rafsandjani. Selon une source proche de son clan, l’ex-candidat malheureux à la présidentielle de 2005 met aujourd’hui un point d’honneur à « se venger de son rival ». À 74 ans, ce riche ayatollah fait partie de la vieille garde du régime, et n’a que peu d’estime pour celui qu’il considère comme un dangereux novice.

Acteur clef de la révolution islamique de 1979, il dirige aujourd’hui le Conseil de discernement - une instance d’ar­bitrage du régime - et l’Assemblée des experts - un regroupement de clercs, seul habilité à remplacer l’actuel guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.

Fort de ces puissants leviers, sa fronde anti-Ahmadinejad a été fi­nement préparée. Elle comprend d’autres grosses pointures du système tel qu’Ali Larijani. Actuellement à la tête du Parlement, ce dernier n’a toujours pas digéré son éviction, par l’actuel président, du Conseil suprême de La Sécurité nationale, où il s’efforçait de gérer l’épineux dossier nucléaire. À charge de revanche, il vient de bloquer l’augmentation du budget alloué aux aides sociales - une mesure qui aurait bénéficié à son adversaire.

En favorisant l’affichage à la sauvette, le maire de Téhéran, Mo­hammad Baqer Ghalibaf, lui coupe également l’herbe sous le pied, en permettant, après quatre années de censure renforcée, aux jeunes de s’exprimer à coups de graffitis. À la surprise générale, la télévision d’État, proche du guide suprême, et connue pour son penchant en­vers les traditionalistes, est à l’origine du lancement de sept tête-à-tête inédits entre les quatre candidats, offrant ainsi une tribune de rêve aux adversaires d’Ahmadinejad.

Logiciel antifraude

Au cours des débats, les deux autres candidats en lice, Mehdi Karroubi, un religieux réformateur, et Mohsen Rezaï, l’ex-chef des pasdarans, s’en donnent, eux aussi, à cœur joie contre le président sortant. Quant aux éminences religieuses de la ville sainte de Qom, influentes au moment du vote, elles se démarquent, cette année, par leur inhabituel silence.

« Une grande partie des membres de l’establishment iranien sont arrivés à la conclusion que Moussavi représente la meilleure option pour le pays, remarque l’analyste iranien Reza Kaviani. Ils ont le sentiment qu’Ahmadinejad est en train de mettre en danger le système dans son intégralité. »

Cette fronde inédite ne s’est pas improvisée du jour au lendemain. Selon plusieurs personnes de son entourage, Rafsandjani aurait in­vesti plus de deux millions de dollars dans un système informatique antifraude ultraperfectionné, permettant d’éviter la triche le jour du scrutin. Il s’est également assuré de la présence de membres de son parti, Kargozaran, au moment du décompte des votes, normalement supervisé par des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur réputés proches d’Ahmadinejad.

Toujours selon les proches de Rafsandjani, qui préfèrent garder l’anonymat, ce vaste projet bénéficierait même de l’aval indirect du guide suprême, dont l’avis pèse dans la balance électorale. Un « deal », disent-ils, aurait été passé, il y a trois mois, avec l’ayatollah Khamenei. Rafsandjani s’y serait engagé à encourager le retrait de la candidature de l’ex-président réformateur Mohammad Khatami à condition que Khamenei se garde d’afficher son soutien à Ahmadinejad. « C’est un jeu d’échecs, conclut la source la plus proche de Rafsandjani. Notre partenaire de jeu, c’est Khamenei. Ahmadinejad, lui, n’est qu’un simple pion. »

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Iran : les partisans du candidat réformateur forment une chaîne humaine à Téhéran

A quelques jours de la présidentielle iranienne, les partisans du principal candidat réformateur ont manifesté lundi dans les rues de Téhéran, formant par endroits une chaîne humaine d’un bout à l’autre de la capitale. C’était la plus grande démonstration de force du camp réformateur à ce jour, un défi au président sortant Mahmoud Ahmadinejad et ses partisans.

L’atmosphère tendue entre chaque camp reflétait le ton de plus en plus acrimonieux entre l’ultra-radical Mahmoud Ahmadinejad et son principal adversaire Mir Hossein Mousavi, dans les dernières heures de campagne avant le scrutin de vendredi.

Dans la bataille de l’image, les forces du candidat réformateur ont frappé fort avec un rassemblement qui s’étendait sur les 19km de Vali Asr, célèbre avenue qui traverse Téhéran des bastions conservateurs des quartiers sud jusqu’aux bastions libéraux du mont Alborz dans le nord.

Les partisans de Mir Hossein Mousavi, armés de banderoles, voiles rubans et autocollants ont transformé l’avenue en fleuve vert, la couleur de leur campagne. "C’est un message à toute la population de Téhéran", expliquait Sharan Kjarimi, 32 ans, un ingénieur qui a participait à la manifestation.

Un homme brandissait une pancarte reproduisant la "une" d’un journal iranien le jour de l’exil du shah, à l’aube de la victoire de la Révolution islamique de 1979. Mais le titre avait été modifié : "Ahmadinejad est parti". D’autres scandaient "Ahmadini bye-bye" et "s’ils ne trichent pas, Mousavi gagnera".

"Nous nous sommes rassemblés ici par que les gens sont fatigués des mensonges", a lancé le candidat à la foule à l’extrémité sud de la chaîne. "La chaîne humaine est un rejet symbolique des mensonges qui sont proférés au peuple".

Mais les partisans d’Ahmadinejad avaient organisé leur propre démonstration d’unité, à grands renforts de drapeaux iraniens. Des dizaines de milliers d’entre eux se sont rassemblés dans la plus grande salle de prières de Téhéran, pour dénoncer en bloc Mousavi, les Etats-Unis et Israël. AP

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Iran : Mohsen Rezaï, candidat de la « troisième voie »

Delphine Minoui, envoyée spéciale à Téhéran

S’il est élu, Mohsen Rezaï se dit prêtà bâtir de nouvelles relations avecles États-Unis : « Ce qui compte,c’est de commencer à se parler. »

L’ancien chef des troupes d’élite cherche à se frayer un chemin électoral entre Ahmadinejad et ses concurrents réformistes. Le Figaro l’a rencontré.

Au placard l’uniforme militaire. Dans ce QG de campagne, Mohsen Rezaï reçoit ses visiteurs à la façon d’un futur chef d’État. La voix est posée. Le regard vif. Son rêve : un Iran fort, capable de se défendre. Mais capable, aussi, de désamorcer la crise actuelle, en dialoguant avec les États-Unis. « Les Américains nous ont causé beaucoup de tort par le passé. Mais l’Administration d’Obama incarne une nouvelle Amérique qui cherche la paix », observe l’ancien chef des Gardiens de la révolution, dans son costume beige. « Peu importe le sujet de départ. Il peut s’agir de coopération dans la lutte contre le trafic de drogue, ou d’autre chose. Ce qui compte, c’est de commencer à se parler », insiste-t-il.

À 55 ans, l’ex-combattant s’est doté d’une nouvelle mission : sauver son pays, non pas d’un agresseur extérieur, mais d’un « danger » interne. « Pourquoi Ahmadinejad s’est-il obstiné à nier l’Holocauste ? Il s’est montré trop agressif. Ça n’a fait que servir les intérêts de nos détracteurs », s’insurge-t-il contre celui qu’il considère être son principal adversaire aux élections.

Les deux hommes partagent pourtant des valeurs communes. Ils sont passés tous les deux par l’école de la guerre Iran-Irak. En 1980, ils sont partis se battre « au nom de la patrie et de l’islam ». Mais après 16 années passées à la tête de l’armée d’élite du régime, Rezaï dit avoir tiré les leçons du passé.

Référence à de Gaulle

« J’ai vu mourir des enfants. J’ai vu des familles forcées de s’enfuir, et des civils blessés par les attaques chimiques. À l’époque, la guerre nous a été imposée. Nous devions nous défendre. Aujourd’hui, nous devons tout faire pour l’éviter », dit-il.

C’est cette expérience qui, selon lui, lui donne la légitimité nécessaire pour diriger son pays, et appréhender le monde externe. « Le général de Gaulle n’a-t-il pas été élu président de la République française ? », répond-il à ceux qui s’inquiètent d’une « militarisation » de la politique iranienne. La concurrence s’annonce rude. Dans les grandes villes, les jeunes et les femmes, nostalgiques des années Khatami, lui préfèrent les deux candidats réformistes, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Kharroubi. « Mais si l’un des deux l’emporte, ce ne sera qu’une répétition du passé. Rien de plus », prévient Mohsen Rezaï. Ce candidat conservateur pourrait néanmoins créer la surprise, en raflant des voix chez les indécis, mais surtout dans les campagnes, les milieux religieux et chez les vétérans de guerre - la « base » d’Ahmadinejad.

« Je suis le candidat de la troisième voie », se targue-t-il, en promettant de créer, en cas de victoire, un gouvernement de « coalition pragmatique ». « Les gens sont fatigués des promesses non tenues et des querelles de clan entre les deux factions rivales », assure-t-il.

L’ex-gardien de la révolution n’est pas novice en politique. Il occupe depuis la fin des années 1990 le poste de secrétaire du Conseil de discernement, un organe qui arbitre les différends entre le Parlement et le Conseil des Gardiens.

En 2005, il faisait également partie des candidats à l’élection, avant de se retirer de la course juste avant le scrutin. Cette fois-ci, il compte aller jusqu’au bout, « pour combattre la pauvreté, les prix élevés, le chômage ». Il se dit également prêt à hériter du dossier nucléaire. « Nous devrions créer un consortium ouvert aux entreprises occidentales. Cela rétablirait d’un côté la confiance ; de l’autre, cela nous permettrait de poursuivre nos progrès scientifiques », suggère-t-il.

Rezaï attaque le bilan économique de son rival

À l’occasion du débat télévisé qui l’opposait lundi soir au président Mahmoud Ahmadinejad, le candidat conservateur à la présidentielle du 12 juin, Mohsen Rezaï, a concentré ses attaques sur le "mauvais" bilan économique du gouvernement sortant. Chiffres de la banque centrale à l’appui, le docteur en économie a notamment dénoncé une croissance en berne et une inflation qui serait passée de 11,9 % en 2006 à 25,4 % en 2008. Mohsen Rezaï n’a pas mâché ses mots quand Mahmoud Ahmadinejad a maintenu, comme lors des précédents débats, que l’inflation était passée sous les 15 %. "On ne devrait pas dissimuler la réalité avec des chiffres, bien sûr je ne dis pas qu’il (Ahmadinejad , NDLR) est un menteur mais cette manipulation des chiffres n’est pas correcte", a-t-il dit, s’adressant au modérateur du débat.

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