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Des armes par destination

Publie le mercredi 26 mars 2008 par Open-Publishing

Des armes par destination

Nous les avons énervés. On a touché d’un peu trop près ce à quoi ils
travaillent, la construction d’un apartheid entre ceux qui ont des
papiers et ceux qui n’en ont pas.
Cette machine de division rallonge chaque jour un peu plus ses
tentacules : les députés et sénateurs votent des lois de plus en plus
xénophobes ; l’appareil policier travaille au rendement avec les
quotas d’expulsions (70 par jour) ; la justice entérine les
décisions, afin de donner un gage de procédure respectée ; et tous
les autres petits soldats : les entreprises qui construisent les
centres de rétention, qui transportent par avion les expulsés, les
banques et administrations qui dénoncent les sans-papiers.
L’intensification de la traque aux sans-papiers amène de plus en plus
de gens à être impliqués dans ce dispositif : c’est, à un guichet,
demander systématiquement des justificatifs d’identité ; c’est, sur
son lieu de travail, fermer les yeux quand un collègue, parce qu’il
n’a pas de papiers, se fait d’autant plus exploiter ou dégager ;
c’est continuer son chemin quand, dans un couloir du métro, des
uniformes contrôlent.

On peut aussi refuser cela et agir.
« Oublier » de demander les papiers pour telle ou telle démarche,
s’organiser collectivement pour empêcher les rafles, manifester,
refuser d’embarquer avec des passagers en voie d’expulsion, échanger
avec les sans-papiers en rétention, se rassembler pour en parler et
informer en diffusant des textes, occuper des lieux qui participent
de la machine à expulser...

En automne...

Il avait déposé un dossier de régularisation à la préfecture de
Bobigny. Le 31 octobre, Kébé allait prendre son train en gare de
Bordeaux. « Banal » contrôle de police. Pas de papiers, et le voilà
happé par les rouages : commissariat, garde à vue, centre de
rétention, tribunaux. Il sera libéré après 32 jours... jusqu’au
prochain contrôle. Son arrestation (et celle de tant d’autres) a
poussé des gens à tenter d’enrayer la machine, à s’organiser. A
Bordeaux : des rassemblements devant le commissariat, le centre de
rétention, le tribunal, la préfecture et le local de la Police de
l’air et des frontières ; une occupation, celle d’une institution
étatique d’ « aide » aux étrangers qui collabore avec la préfecture.
A Montreuil (où habitait Kébé), des manifestations. A Paris,
occupation du consulat de Côte d’Ivoire - qui délivre les laissez-
passer permettant les expulsions des ivoiriens -. A Bobigny, deux
occupations de la préfecture.

« Libérez-les ou nous resterons »

Si la préfecture a été choisie pour cible, c’est qu’elle est un des
principaux rouages de la machine à contrôler et à expulser. C’est
elle qui reçoit, ou pas, les différentes demandes de régularisation
des sans papiers. C’est par son intermédiaire que le tri va être fait
entre les quelques « bons » sans-papiers choisis sur des critères
économiques précis et l’immense majorité des autres. C’est le Préfet
qui délivre les arrêtés d’expulsion. Toutes ces activités permettent
de récolter beaucoup de données personnelles, de quoi alimenter le
gigantesque fichier national des étrangers. Dans la même logique, la
préfecture organise les fichage de tous par le biais des permis de
conduire, cartes grises, papiers d’identité.
C’est là, à la préfecture de Bobigny, qu’une trentaine de personnes
se sont rassemblées le 12 novembre sur le balcon du premier étage,
affichant un « non aux expulsions », distribuant des tracts (« 
libérez-le ») et scandant des slogans. D’autres, en bas, donnaient
ces mêmes tracts aux passants intrigués. L’occupation était réussie,
nous rendions visible la politique de cette « grande » institution
dont les décisions entraînent l’enfermement et l’expulsion de
dizaines de milliers de personnes chaque année.

De la pref au comico

Les gardes ont vite réagi. Nous étions sur leur territoire, il leur
fallait donc frapper d’un coup sec, punir les opposants comme des
animaux domestiques, pour qu’ils ne recommencent pas : parmi les
manifestants sur le parvis, qui distribuaient le tract et le lisaient
au mégaphone, deux personnes furent arrêtées puis amenées au
commissariat. L’un d’eux écope d’un procès pour « organisation de
manifestation non déclarée » et « violence volontaire sur agent avec
arme par destination ». Un commissaire est en effet tombé en voulant
l’arrêter. Pour garder sa dignité de flic, il accuse le manifestant
de l’avoir frappé avec... le mégaphone ! Le procès se tiendra au
tribunal de Bobigny, le 28 mars prochain. Ceux du balcon ont été
évacués par le RAID, un des groupes d’intervention spéciale de la
police. L’action s’est poursuivie à l’intérieur du commissariat :
parmi les 28 personnes arrêtées et placées en garde à vue pendant 48
heures, beaucoup ont refusé de donner leur identité pendant 24
heures, refusé de se faire photographier, refusé de donner leurs
empreintes.

... en hiver.

Cet hiver, les luttes à l’intérieur des centres de rétention de
Mesnil-Amelot, et de Vincennes ont pris de l’ampleur : révoltes,
grèves de la faim, insoumissions,... s’y succèdent de manière
continue. Ces luttes sont relayées à l’extérieur et la solidarité
s’organise. La répression aussi.
 Un manifestant arrêté lors d’une des manifestations devant le
CRA de Vincennes début janvier, passe en procès pour « rébellion et
outrage » le 17 juin au Palais de Justice de paris, 30ème chambre,
métro Cité.
 Pour des tags contre les centres de rétention, quatre personnes
ont fait 48h de garde à vue, 20h au dépôt et passent en procès,
inculpés de « dégradation grave en réunion », le 18 avril au TGI de
Créteil.
 Accusés de transport de fumigènes artisanaux, trois personnes,
qui se rendaient à la manifestation nationale du 19 janvier contre
les centre de rétention, ont fait 48h de garde à vue. D’eux d’entre
eux sont emprisonnés depuis deux mois à Villepinte et Fresnes où ils
attendent leur procès.

Des passagers se mobilisent contre l’embarquement de personnes
expulsées dans leur avion, des sans-papiers refusent d’embarquer. Le
18 avril aura lieu un procès de passagers à Bobigny. Le 17 avril et
le 2 mai, des sans-papiers de Terre aux Curés seront jugés à Bobigny
(16e chambre). Ce ne sont que quelques dates. Tous les jours, des
sans-papiers passent devant les tribunaux. Tous les jours des sans-
papiers sont expulsés.

La mobilisation permet de combattre la répression. Kébé est sorti du
centre de rétention.
Tous les jours des sans papiers sont libérés, des expulsions
empêchées, des relaxes obtenues. La mobilisation autour du foyer de
Terre aux curés, qui a subi une gigantesque rafle en février dernier,
a démontré son efficacité.
Sur 104 personnes arrêtées, 5 ont été expulsées (et c’est encore
beaucoup trop), presque toutes les autres ont été libérées. ..

Il faut agir en nombre pour enrayer la machine.
Libérez les sans papiers, libérez les prisonniers, relaxez les
inculpés !

Liens :
Le guide « s’organiser contre les expulsions » se télécharge sur :
sanspapiers.internetdown.org. La chronologie de la lutte dans les
centres de rétention se trouve sur infokiosques.net et le tract « 
libérez-le » sur pajol.eu.org

Rendez-vous :
Rdv devant le tribunal de grande instance de Bobigny le 28 mars à
12h45,
M° Bobigny Pablo Picasso
Réunion publique pour s’organiser contre les rafles, les expulsions à
Montreuil
le 4 avril à la Maison ouverte, 17 rue Hoche à 19h30, M° Mairie de
Montreuil

et vlà le printemps !