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Des bananes (USA) ruisselant de sang

Publie le dimanche 18 mars 2007 par Open-Publishing

Des bananes (USA) ruisselant de sang
Un tribunal de Washington condamne la Chiquita Brands (ex United Fruits) à une amende de 25 millions de dollars pour avoir payé les « paras » de la Colombie. Mais…

de Guido Piccoli Traduit de l’italien par karl&rosa

Si José Arcadio Secondo avait été syndicaliste des cueilleurs de bananes de nos jours et non pas à Macondo il y a trois quarts de siècle, il aurait eu encore moins de probabilités de mourir de mort naturelle. Les bananes, à l’époque comme aujourd’hui, continuent à ruisseler de sang.

La sentence du tribunal de Washington, qui a condamné la Chiquita Brands (celle des fameuses bananes Chiquita) à payer une amende de 25 millions de dollars pour avoir financé, entre 1997 et 2004, à travers sa filiale Banadex, les Autodefensas Unidas de Colombia (Anc), le confirme.

Donc l’histoire se répète, bien que le nom de la multinationale (qui s’appelait jadis United Fruit) et les méthodes de la répression, qui était réalisée aux années 20 par les massacres de l’armée (comme le raconte Gabriel Garcia Marquez dans Cent ans de solitude) et maintenant par les mini-Uzi [pistolet de fabrication israélienne, NdT] des sicaires paramilitaires, aient changé.

Le payement des Auc fut approuvé « pour garantir en bonne foi la sécurité de nos employés », s’est défendu depuis son siège de Cincinnati, dans l’Ohio, le président de la Chiquita Brands. « L’amende à une entreprise, coupable d’avoir payé un groupe illégal, est un signal magnifique », a commenté le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos. Malgré le tapage suscité, la sentence du tribunal Usa est presque une plaisanterie, à cause de ce qu’elle décide et de ce qu’elle omet.

Confirmant l’amer refrain colombien (« aux Usa le fric, à nous les morts »), les 25 millions de dollars entreront dans les caisses de l’état états-unien, plutôt qu’indemniser les victimes des paramilitaires qui, contrairement à ce que soutient le président de la Chiquita, ne protégeaient pas les travailleurs mais se consacraient, avec la collaboration des militaires, à tuer et à faire disparaître des syndicalistes et des éléments de la gauche légale, forts surtout dans la zone « bananera ».

En outre, les juges de Washington se sont bien gardés d’approfondir certains épisodes bien plus graves, qui démontrent une unité d’intentions entre la Chiquita Brands et les Auc du (peut-être) défunt Carlos Castaño et de l’italo-colombien Salvatore Mancuso. Le fait le plus éclatant eut lieu le 21 novembre 2001 (deux mois après l’inclusion des Auc dans la liste des groupes terroristes internationaux, décidée par Bush après l’attentat des tours jumelles), quand dans le port privé de la Chiquita Brands de la petite ville atlantique de Turbo furent débarquées du bateau Otterloo 14 containers avec 3400 mitraillettes Ak-47 (les Kalachnikov) et 4 millions de balles, destinées justement au « Banana Bloque » des paramilitaires.

Evidemment avec la complicité de militaires, de policiers et de douaniers colombiens (outre celle de leurs collègues nicaraguayens et panaméens). Tandis qu’une année plus tard le même Castaño, dans une interview accordée au quotidien El Tiempo, exalta cette opération de ravitaillement de matériel de guerre comme « le meilleur but » réalisé par son organisation, l’enquête judiciaire colombienne fut régulièrement ensablée, grâce à l’intervention du très fiscal général Luis Camilo Osorio (ex ambassadeur colombien en Italie).

La Chiquita Brands en sortit si propre qu’elle mérita en avril 2004 le prix de la fondation Trust for the Americas pour son « engagement social contre la pauvreté et la corruption ». Celui qui le remit était même le président de l’Organisation des Etats américains (l’ancien président colombien César Gaviria), qui eut ensuite l’impudence de nier avoir su que la Chiquita Brands fût impliquée dans le scandale de l’importation d’armes pour les paras.

Les syndicats colombiens ont déclaré qu’ils ne se contentent pas de la sentence de Washington, annonçant qu’ils continueront à se battre non seulement contre Chiquita Brands, mais aussi contre Coca Cola, Oxy et la compagnie minéralière Drummonds, mandataires connus des meurtres d’activistes syndicaux.

En demandant la solidarité internationale et en utilisant, outre les lois actuelles, une loi de 1789, qui prévoit qu’un étranger peut dénoncer à la justice Usa les citoyens états-uniens responsables de crimes contre l’humanité. Une norme qui, il y a plus de deux siècles, voulait combattre les pirates héritiers de sir Francis Drake et qui pourrait servir maintenant à freiner les bien plus cruels guerriers du « libre marché ».

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