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Revenus
Des bugs dans la machine de l’insertion
mercredi 23 janvier 2008 par Felicia Potins
Le Revenu de solidarité active (RSA) doit être expérimenté dans une quarantaine de départements, avant sa généralisation en 2009. Problèmes : le dispositif tousse à l’allumage et pourrait s’avérer… trop attractif et onéreux
A peine démarré, les travaux du "Grenelle de l’insertion" cher à Martin Hirsch, le Haut commissaire aux solidarités actives, bute déjà sur quelques os. L’ancien patron d’Emmaüs a défendu, la semaine passée, la mise en place en cours du Revenu de solidarité active (RSA), censé se substituer aux minimas sociaux. Mais l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.
Sur le papier, l’idée est bienvenue. Ce RSA est conçu pour éviter aux RMIstes de voir baisser leurs revenus en commençant une activité rémunérée. Il devrait permettre à quelqu’un qui "travaille plus de gagner plus" selon la promesse de campagne du candidat Sarkozy. Séduit par l’idée de Martin Hirsch, le Président de la République a éperonné le projet du RSA. La loi sur le pouvoir d’achat (TEPA), votée il y a quatre mois, le 21 août, prévoyait un délai d’expérimentation de trois ans pour le RSA. Mais Sarko est pressé. Il a décidé de limiter l’expérimentation à un an, avant de généraliser le système. Martin Hirsch a cédé à la pression sarkozienne, et a fini par défendre l’idée de la généralisation du RSA d’ici début 2009. Alors que presque la moitié des départements continueraient d’expérimenter…
Sur le terrain, à la différence de toutes les mesures précédentes (comme les contrats aidés), le RSA n’a, pour le moment, pas mauvaise cote. L’expérimentation apporte de l’air dans le secteur de l’insertion, étouffé par les dispositifs, culpabilisé par ses échecs consécutifs. Le monde du social frémit. Mais les pièges sont nombreux.
10 départements sur 40 annoncés
D’abord, le RSA commence à peine à être mis à l’épreuve de la réalité par les départements. Seule une dizaine d’entre eux a réellement entamé l’expérimentation sur les 40 annoncés. Premier bémol. Le processus est ensuite d’une lourdeur administrative et technique inimaginable : des délibérations d’urgence d’élus, des réunions de techniciens des départements et des Caisses d’allocations familiales (CAF).
Ces derniers mois, les fonctionnaires ont mouliné des chiffres : le montant du RSA est un différentiel évoluant en fonction des revenus et de la composition familiale du bénéficiaire. Le calcul n’est pas des plus simples. Il a fallu parallèlement informer les RMIstes, recruter du personnel pour les accueillir, former ce personnel…. Autant dire que le RSA n’est pas une mince affaire. Certains le comparent à la création du RMI.
Jusqu’à 1,3 fois le montant du Smic
S’il est étendu, comme annoncé, aux minima sociaux, son coût atteindrait les 4 milliards d’euros, et même 8 milliards s’il est étendu aux gens vivant en dessous du seuil de pauvreté. Les experts commencent déjà à s’inquiéter d’un emballement du système. D’autant que le RSA comporte des vices. Par exemple, les effets de seuil. Pour un plein temps payé au Smic, le bénéficiaire du RSA pourrai gagner jusqu’à 1,3 fois plus* que son collègue qui a été embauché normalement. Les gens seraient-ils tentés de passer par ce dispositif attractif pour chercher du travail ? L’effet d’aubaine pourrait s’avérer massif… et onéreux.
Autre cas de figure : certains pourraient se contenter d’un quart temps (qui permet d’atteindre le seuil de pauvreté) et s’éterniser dans la solidarité active… Un désastre financier. « Il faut minimum trois ans pour connaître le comportement des bénéficiaires et pour percevoir la réelle motivation de retrouver un emploi que va leur donner le RSA », confie le directeur d’une CAF.
Sarkozy a-t-il bien réfléchi avant de se précipiter ?