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Des entreprises imposent une hausse du temps de travail
Publie le jeudi 22 juillet 2004 par Open-Publishingde Vincent de Longueville
Après Bosch, le volailler Doux, installé en Bretagne, et le fabricant
d’électroménager SEB, dans deux usines des Vosges, remettent en cause les
accords négociés dans le cadre de l’application de la loi Aubry sur les 35
heures.
Encouragées par l’accord d’augmentation du temps de travail sans
compensation signé chez l’équipementier allemand Bosch en France (Le Monde
du 21 juillet), plusieurs entreprises sont tentées de remettre en cause les
accords signés lors de l’instauration des 35 heures.
Le groupe Doux, premier producteur de volailles en Europe, devait annoncer,
jeudi 22 juillet, les détails d’un plan de restructuration. Avant l’annonce
de ce plan, le groupe était déjà revenu sur les accords signés à l’occasion
de l’application de la loi sur la réduction du temps de travail.
Jusqu’à lundi 19 juillet, les ouvriers disposaient de 23 jours de réduction
du temps de travail (RTT) par an, en contrepartie du maintien de leur temps
de travail à 39 heures. "C’était l’un des meilleurs accords de France",
explique Slimane Khaoui, le délégué CFDT, qui l’avait signé en décembre
1999.
Depuis lundi, faute de signataires pour un nouvel accord négocié, la
direction a décidé unilatéralement d’appliquer la loi stricte : application
des 35 heures sans jour de RTT ni paiement des heures de pause. Une
provocation, selon la CGT : "On demande une heure de plus de travail à
Bosch, mais nous, c’est deux heures et demi non payées par semaine -
l’équivalent des pauses -." Pour la CFDT, au contraire, "ça n’a rien à voir,
car Bosch gagne de l’argent alors que Doux subit de plein fouet la crise
avicole."
Chez Seb, leader mondial du petit électroménager, c’est aussi la conjoncture
qui est mise en avant pour justifier la dénonciation, en début d’année, de
l’accord sur la réduction du temps de travail signé en 1998. Dans son
édition du 22 juillet, le quotidien Libération affirme que "Seb souhaite
porter le temps de travail à 38 heures, tout en maintenant la flexibilité."
Le regroupement de deux usines, dans les Vosges devrait entraîner la
suppression d’une trentaine de postes dans les deux ans à venir. Une
réduction d’effectifs dans laquelle les syndicats voient une contradiction
flagrante avec l’allongement de la durée du travail.
La direction du groupe, jointe par Le Monde jeudi matin, se défend de
remettre en cause la RTT : "On souhaite simplement faire passer le temps de
travail de 32 heures à 35 heures dans nos deux usines des Vosges, afin
d’obtenir une meilleure couverture de notre outil de travail", explique un
porte-parole. Des négociations débuteront en septembre et Seb espère pour
trouver un terrain d’entente d’ici la fin de l’année.
Chez Doux, la décision brutale de la direction ne déroge pas à la loi sur
les 35 heures, mais en pointe les limites. Pendant trois ans, l’accord de
1999 avait bien fonctionné, grâce aux allégements de charge prévus par la
loi Aubry. Mais, dès décembre 2002, les aides ayant disparu, la direction
dénonçait l’accord. "Sans les exonérations, le système ne tient plus,
affirme Briec Bounour, directeur général. Je ne sais pas ce que Madame Aubry
s’imaginait..."
Après une période de "préavis" de quinze mois, pendant lequel l’accord
demeurait en vigueur, ce n’est qu’au printemps 2004 qu’une nouvelle
négociation avait conduit à un protocole d’accord avec la CFDT : le passage
aux 35 heures contre 8 à 13 jours de RTT et le paiement de la moitié des
heures de pauses, soit 1 h 15 par semaine.
La CGT critique cette mouture, considérant celle de 1999 comme un acquis.
"La CGT a fait croire aux salariés qu’ils pourraient garder leurs 23 jours",
déplore le représentant de la CFDT, M. Khaoui. Paradoxalement, la CGT défend
aujourd’hui un accord qu’elle a refusé de signer il y a cinq ans.
"UN MOIS DE SALAIRE"
La tension entre les syndicats a atteint son paroxysme en juin, lors des
élections au comité d’entreprise de l’usine. Avec trois sièges sur cinq, la
CGT devient majoritaire. La CFDT, qui avait conditionné la signature de
l’accord de 2004 au vote de confiance des salariés, décide de ne pas
parapher le texte. Christiane Legouesbe, la déléguée syndicale centrale CFDT
pour l’ensemble du groupe Doux, explique ce revirement : "Nous voulons
responsabiliser les autres syndicats. Ça fait des années que la CGT n’a pas
signé un accord. C’est toujours nous qui arrachons des acquis pour les
salariés et qui prenons des coups."
A la CFDT, on est pourtant bien conscient que la perte de 23 jours de RTT
implique aussi une perte de pouvoir d’achat : "L’essence pour aller au
travail, une nourrice pour garder les enfants... Au total, c’est
pratiquement un mois de salaire en moins à la fin de l’année", estime M.
Khaoui.
En 2003, Doux aurait dégagé seulement 5 millions d’euros de profit, un
montant symbolique pour un groupe de 13 000 personnes et 52 établissements.
Trois raisons à cela : l’appréciation de l’euro, qui renchérit les
exportations, une baisse de la consommation mondiale de 25 % depuis
l’épidémie de grippe aviaire en 2003, et une guerre des prix due à la
surproduction.
Pour sortir de l’impasse, Charles Doux, le président et fondateur du groupe,
a concocté un plan de réorganisation, dont les deux mesures phare devraient
être la suppression de 304 emplois et la fermeture de l’abattoir de Malansac
(Morbihan). La CGT dénonce l’augmentation des cadences :"La direction veut
qu’on fasse en 7 heures ce qu’on faisait en 8 heures !"
Mais la rentrée risque d’être chaude. La CGT devrait contre-attaquer sur le
plan juridique. "Après les vacances, les gens vont comprendre ce qui leur
est tombé sur la tête", dit-on à la CFDT, où l’on se dit déjà prêt à
repartir négocier.
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