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Des licenciements économiques plus faciles et plus rapides

Publie le mardi 26 octobre 2004 par Open-Publishing

de Lucy Batema

Les faits

1. Le gouvernement veut « sécuriser » les procédures pour les employeurs en favorisant la négociation. Le Conseil des ministres a entériné mercredi le projet de réforme du licenciement, qui sera examiné au Parlement dans les prochaines semaines dans le cadre de la loi de cohésion sociale. Pivot de ce projet, les « accords de méthode », qui permettront à l’employeur de négocier la procédure de licenciement ainsi que le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (les anciens plans sociaux). Les négociateurs pourront décider, par la voie d’un accord dérogatoire (c’est-à-dire inférieur au seuil minimal de protection offert par le Code du travail), du nombre de réunions du comité d’entreprise portant sur le débat sur la santé économique de l’entreprise et sur le plan social, de leur fréquence et de leur calendrier. Ces accords ne pourront être contestés en justice que dans un délai d’un an, alors que la prescription va actuellement de cinq à trente ans. Après un an, une disposition illégale deviendra incontestable.

2. Il dit créer un droit de reclassement pour les salariés des PME. Comme son nom l’indique, le projet s’intéresse « au licenciement économique et à la création d’un droit au reclassement pour tous les salariés ». Il veut offrir aux salariés des entreprises de moins de mille salariés (les autres bénéficient du congé de reclassement) une « convention de reclassement personnalisée ». Mais les modalités de cette nouvelle version des « congés de conversion » (actions d’évaluation des compétences, de formation, montant de l’allocation, financement) restent floues, puisqu’elles sont renvoyées à une négociation interprofessionnelle.

Les questions

1. Pourquoi faciliter les licenciements économiques ?

Les accords de méthode et la baisse des délais de contestation visent à « sécuriser » les licenciements contre ce que les milieux patronaux appellent « la guérilla procédurale ». En fait de « guérilla », il s’agit de la riposte que les salariés sont aujourd’hui en mesure d’opposer aux projets de l’employeur, via les attributions de leurs institutions représentatives (comité d’entreprise, CHSCT), l’utilisation d’outils juridiques, ou la mobilisation. Une riposte où le temps est un facteur essentiel. Le concept patronal de « sécurisation » était au coeur du rapport Virville sur la modernisation du Code du travail, qui proposait de réduire à deux mois le délai de contestation des accords collectifs, dans le but d’écarter le juge du contrôle de leur légalité.

2. Les accords collectifs sur les licenciements vont-ils dans le sens d’une plus grande protection des salariés ?

Les premières études sur les accords de méthode signés à titre expérimental sous l’empire de la loi Fillon du 3 janvier 2003 montrent que ces négociations privilégient le calendrier des réunions d’information consultation, la réduction de leur nombre et des délais qui les séparent, ou encore la réduction des délais de contestation. Or le système actuel ne fixe pas de terme à la procédure, qui s’arrête en principe lorsque les élus estiment qu’ils ont toutes les informations nécessaires. Un accord de méthode sera donc moins favorable que la loi (qui s’appliquerait en l’absence d’un tel accord) : il tend à limiter le temps et les pouvoirs dont dispose le CE pour obtenir une information utile sur la santé économique de l’entreprise et contester le projet patronal. Il aura pour effet de réduire les capacités de mobilisation des salariés et la durée pendant laquelle les élus du personnel vont pouvoir mesurer les conséquences de l’accord.

Notre conclusion.

En sécurisant les projets de l’employeur sans offrir de réelles garanties de reclassement, le plan Larcher développe l’insécurité pour les salariés. De ce fait, intégrer les huit articles dans le projet de loi dit de « cohésion sociale » est une gageure. La mise en pratique des accords de méthode va permettre au patronat de tenter de ligoter les comités d’entreprise, réduits à enregistrer les procédures qu’ils auront négociées.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-23/2004-10-23-448499