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Désigner la Russie comme " l’ennemi commun " afin de sauver l’Union Européenne !

Publie le lundi 1er septembre 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

Après le NON du peuple français, après le NON du peuple hollandais, après le NON du peuple irlandais, les partisans fanatiques de l’Union Européenne n’ont plus qu’une seule chance de consolider l’Union Européenne : désigner un ennemi commun, la Russie, et préparer les peuples européens à faire la guerre contre cet ennemi commun.

Cette stratégie de va-t-en-guerre est la seule possibilité pour les ultra-européens de sauver leur construction européenne. De plus en plus de peuples rejettent leur Europe libérale, libre-échangiste, antisociale, atlantiste, américanisée.

Les partisans fanatiques de l’Union Européenne constatent que les peuples commencent à détester leur construction européenne. Les partisans fanatiques de l’Union Européenne veulent donc mobiliser les peuples en leur expliquant qu’ils ont tous un ennemi commun, la Russie, et qu’ils doivent tous préparer la guerre contre cet ennemi commun.

Dernier exemple en date : le correspondant du journal Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, vient d’expliquer cette stratégie belliciste le 31 août. Jean Quatremer reconnaît d’ailleurs lui-même, je le cite : « Les citoyens ne croient plus au mythe fondateur européen. »

Voici son article :

« L’Europe par l’épée.

Et si Vladimir Poutine avait rendu un signalé service à la construction européenne en envahissant la Géorgie ? En envoyant son armée à l’extérieur de ses frontières pour la première fois depuis l’implosion de l’Union Soviétique, en décembre 1991, Moscou a mis fin à l’indolence de ceux, nombreux, qui ont cru en la victoire finale de la démocratie et de l’économie de marché. L’Europe prend enfin conscience qu’elle a des ennemis, et pas seulement dans les montagnes lointaines de l’Afghanistan. Or, quoi de mieux qu’un ennemi commun pour forger une identité commune, un sentiment d’appartenance, éléments qui font aujourd’hui défaut à l’Union Européenne ?

Curieusement, c’est surtout en Europe que la théorisation de la « fin de l’histoire » a fait des ravages, comme le montre la chute spectaculaire des dépenses militaires au profit du financement de l’État social, et non pas aux États-Unis, pourtant principal artisan de la chute de l’ours soviétique. En dépit des multiples signaux qui se sont multipliés depuis 1992 – croissance géométrique des dépenses militaires sauf en Europe, multiplications des conflits armés à travers le monde, raréfaction des matières premières, changement climatique, émergence « d’États voyous », terrorisme —, les Européens se sont persuadés que les dangers étaient désormais lointains et ne les concernaient en rien, ou si peu. L’Europe, « puissance douce », était là pour exporter ses normes de droit et son art du compromis. La guerre était laissée aux autres.

Poutine et son armée viennent de faire voler en éclat cette vision du monde que l’on pourrait qualifier de « woodstockienne » : non, nous ne sommes pas tous frères et l’amour universel n’a pas triomphé en décembre 1991. « Le problème est que nous vivons dans notre Europe post-moderne où tout le monde est beau et gentil », dénonce ainsi dans Le Monde daté du 29 août, le Président estonien, Toomas Hendrik Ilves : « et tout à coup, nous nous retrouvons avec une grande puissance du XIX° siècle. L’Europe n’est pas prête pour ça. Toute l’idée de construction européenne de Monnet et Schumann est que nous devons nous rencontrer, discuter. C’est post-moderne. Mais là, avec la Russie, c’est prémoderne ».

La possibilité d’une guerre est entrée dans le champ des possibles, comme le reconnaît Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, qui vient de déclarer qu’il ne « souhaitait pas une guerre », ce qui est bien une façon de dire qu’elle est à nos portes. Washington, en rappelant ses navires qui s’approchaient des côtes géorgiennes, a parfaitement pris la mesure de la détermination russe et de la gravité de la situation. Mikhaïl Gorbatchev, le dernier chef de l’URSS, a mis en garde le monde, le 26 août : « la situation provoquée par les évènements dans le Caucase a déclenché des mécanismes politiques et militaires en Amérique, en Europe et en Russie (…) Le danger d’une nouvelle scission est apparu et la menace d’un cataclysme mondial s’accroit ». Et de rappeler un point d’histoire : « une escalade provoquée des deux côtés, un mauvais calcul dans l’appréciation des intentions de la partie adverse, la peur de perdre la face, attisée par les ultrapatriotes avaient entrainé l’Europe dans la Première Guerre mondiale »… Cette fois, le conflit ne mettrait pas aux prises les Etats européens entre eux, mais des blocs continentaux, l’Europe étant un ensemble, bon gré, mal gré.

Cette prise de conscience que l’Union a bel et bien des ennemis qui menacent ses intérêts, en l’occurrence l’approvisionnement en énergie, va la contraindre à accélérer la mise en place d’une défense européenne au moment où les Américains ont d’autres chats à fouetter que de pourvoir à la défense du vieux continent, comme ils l’ont fait pendant cinquante ans. Aujourd’hui, l’Union n’a ni les instruments théoriques, ni les moyens militaires pour intervenir sur un théâtre extérieur ou même pour assurer sa propre défense. Le choix qui se pose désormais à l’Union est brutal : la soumission ou l’affirmation de sa puissance, aucun État pris isolément n’ayant les capacités de résister aux ennemis d’aujourd’hui et de demain. De ce point de vue, on peut considérer que le mois d’août 2008 va peut-être permettre aux citoyens européens de prendre conscience qu’il y a « eux » et « nous », de se forger ainsi une identité européenne. En clair, la guerre ou la possibilité d’une guerre permettrait à l’Union de s’affirmer selon les mêmes mécanismes qui ont permis aux États nations de se construire. On passerait ainsi de « l’Europe par la paix » à « l’Europe par l’épée ».

Cette thèse provocatrice et politiquement incorrecte dans cette Europe du « miel et du lait » est notamment théorisée par Peter Van Ham, un professeur de sciences politiques néerlandais, sorte de Robert Kagan européen (in « Visions d’Europe », dirigé par Bronislaw Geremek et Robert Picht, éditions Odile Jacob, 2007). Il part du constat que « les limites de la campagne classique d’intégration ont été atteintes », comme le montrent les référendums négatifs en France, aux Pays-Bas et en Irlande. Les citoyens ne croient plus au mythe fondateur européen, celui qui veut que la construction communautaire ait permis de dépasser les antagonismes des États nations et d’établir la paix et une « sphère de prospérité ». Un « idéal idyllique » qui ne correspond pas à l’état du monde et qui, selon lui, « entrave la formation de l’identité européenne » : l’Union n’est pas perçue comme un territoire doté de frontières qu’il faut défendre y compris par des frappes préemptives. Pour les citoyens, la paix intérieure et la prospérité sont des évidences, des acquis, qui ne justifient plus la poursuite de l’intégration communautaire : l’Europe telle qu’elle est est suffisante.

Pour renouveler le projet européen, Van Ham estime que l’Union doit se montrer « méchante » et « collectionner les scalps » afin de se faire « respecter » : « en subissant le rite initiatique de l’intervention, elle se débarrasserait de son image civile féminine pour accéder au rang des superpuissances dirigées par les émules de Superman », ironise le professeur néerlandais.

La guerre jouerait donc le rôle cristallisateur d’identité qu’elle a joué dans la construction des États : ce phénomène « reste sous-jacent à la nature de la société postmoderne européenne. Au plus profond de l’homme postmoderne européen subsiste le désir nietzschéen de glorifier la guerre comme le plus grand de tous les stimulants physiques et mentaux. Qui plus est, seules la guerre et l’anarchie en tant qu’autre ultime peuvent faire réellement apprécier le soi paisible et domestiqué de l’Europe : le déclin est sinon inévitable. La guerre est l’ombre jungienne qui confère sa profondeur à la Persona de l’Europe tout autant que le fondement possible d’un sens communautaire ».

L’Union Européenne n’a d’ailleurs pas attendu la crise géorgienne pour faire évoluer sa doctrine stratégique, passant d’une conception civile à une conception « plus martiale et plus énergique », selon Van Ham. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, elle a ainsi identifié une série d’ennemis de l’Union, dessinant un monde « barbare » menaçant « l’espace de paix kantien » européen. Elle a donc déjà esquissé une « raison de nation » à la poursuite de l’intégration européenne, même si les citoyens n’ont pas encore perçu cette évolution qui n’en est qu’à ses débuts. Ce n’est pas un hasard si la France, qui sait qu’un État seul n’a plus les moyens ni d’assurer sa défense, ni d’assumer un « impérialisme libéral » afin d’exporter ses valeurs et stabiliser des régions soumis à l’anarchie, veut accélérer la mise en place de l’Europe de la défense. Comme le dit le président estonien, « nous devons complètement repenser l’idée même de sécurité en Europe. Cela prendra des mois, voire des années ». Poutine, en réveillant les pulsions impériales de la Russie éternelle, oblige donc les Européens à prendre leur destin en mains.

La thèse de Van Ham, dérangeante, touche juste : la paix n’étant plus, pour les citoyens, une justification suffisante à l’intégration communautaire, pas plus que la prospérité, la seule raison de sa poursuite est bien de bâtir une Europe puissance. Il en va de la survie des Européens au cours du prochain siècle. La guerre sera-t-elle nécessaire pour y parvenir ? Poutine risque de répondre pour nous...

Jean Quatremer.

 http://bruxelles.blogs.liberation.f...

Messages

  • Rien n’a changé depuis Jaurès : " Le capitalisme porte en lui la guerre comme les nuées portent l’orage." Analyser la montée des périls à partir du concept "Europe" reflète un esprit limité, étriqué, de bonne ou mauvaise foi. J.

  • La présentation de cet article est assez tordue :

    Il est signé "De Quatremer", mais introduit par un paragraphe où Quatremer parle de lui-même à la troisième personne. Exemple :
    "Dernier exemple en date : le correspondant du journal Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, vient d’expliquer cette stratégie belliciste le 31 août. Jean Quatremer reconnaît d’ailleurs lui-même, je le cite : « Les citoyens ne croient plus au mythe fondateur européen. »

    Voici son article :

    « L’Europe par l’épée...."

    C’est assez tordu comme procédés. Une façon de valider et de valoriser ce qu’il écrit et de se fabriquer une sorte d’innocence en rouge pour passer ici, sans doute.

    Bellaciao, il est pas interdit de penser que c’est pas l’organe de presse que lorgne Quatremer... ;)

    Quatremer, il leur marcherait plutôt dessus tranquillement aux communistes, si on lit un peu entre les lignes des articles qu’il commet sur son blog et pour le quotidien de Joffrin....

    J’y reviendrai peut-être sur l’article. En attendant, il faut le lire les yeux bien attentifs, au petit rusé Q.

    Soleil Sombre