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Détruire le capitalisme avant qu’il ne nous détruise (à propos de Lubrizol)
par nazairien
Publie le mardi 8 octobre 2019 par nazairien - Open-Publishing3 commentaires
par Frédéric Lordon
On se croyait en start-up nation. On se retrouve à Tchernobyl. Qu’en un instant tout le glamour de pacotille de la Station F et des écrans tactiles s’écroule pour faire revenir d’un coup des images d’URSS n’aura pas été le moindre des paradoxes de l’explosion Lubrizol. Il faut pourtant s’y rendre : des pompiers envoyés en toute méconnaissance de ce qui les attendait, avec pour tout équipement « spécial » de pauvres masques de bricolage pareils à ceux des manifestants, à piétiner des heures dans la sauce qui troue les bottes et leur promet des pieds comme des choux-fleurs — et tout ceci, parfaite ironie, alors que la série Chernobyl venait de remporter un succès de visionnage bien fait pour consolider la commisération réservée aux régimes soviétiques et le sentiment de supériorité capitaliste (au prix tout de même de devoir oublier que Tchernobyl était en sandwich entre Three Miles Island et Fukushima).
Mais plus encore que les bottes et les masques, il y a le mensonge, le mensonge énorme, le mensonge partout, sans doute le propre des institutions en général, mais la marque de fabrique de ce gouvernement qui, en tous domaines, l’aura porté à des sommets inouïs. Jusqu’au stade de la rodomontade obscène : si elle avait été rouennaise, nous assure Sibeth Ndiaye, « elle serait restée ». On croirait entendre un secrétaire régional du PCUS d’Ukraine juste avant de fourrer d’urgence sa famille dans un autocar — mais les images de CRS en masque à gaz pendant que le préfet assurait de la parfaite normalité de la situation avaient déjà tout dit.
Sibeth Ndiaye n’a pas eu à « rester » puisqu’elle n’était pas là. Mais il n’est pas trop tard pour un acte de bravoure rationnelle, et il est encore temps d’y aller ! On peut même l’aider : un « Pot commun » devrait rassembler sans difficulté de quoi lui offrir une semaine dans un Formule 1 des environs, avec vue sur le sinistre et cadeau de bienvenue, une bouteille de Château Lapompe, directement tirée au robinet, un peu grise sans doute mais assûrement goûteuse, en tout cas certifiée potable par toutes les autorités.
Mais tous les mensonges n’y pourront rien : l’événement synthétise toute une politique et en dresse l’incrimination. Car voilà ce qu’il en coûte aussi — entendre : au-delà des destructions sociales et humaines — de faire le choix de tout accorder à « l’entreprise ». Un article d’Actu Environnement, accablant à proportion de sa froide sobriété, détaille les silencieux démantèlements réglementaires qui ont conduit à l’accident, et dont on voit comme en transparence la philosophie à la graisse de phoque qui les a animés : agilité, libération des énergies, attractivité du territoire, simplification administrative, accueil des investisseurs, accueil de Warren (1), accueil des bidons, rangez ça là comme vous voulez. Quand, sous le présupposé que tout ce que fait « l’entreprise » est bon pour tous, on laisse « l’entreprise » faire ce qu’elle veut, alors, en effet, « l’entreprise »… fait ce qu’elle veut. Mais avec un mot gentil tout de même, pour le Vivre Ensemble, puisque la directrice de Lubrizol s’est dite « réellement embarrassée » — on ne fait pas plus concerné.
Nous apprenons donc l’existence de décrets, publiés en juin 2018, avec pour effet d’assouplir les critères de soumission à l’évaluation environnementale, et d’une loi Essoc d’août 2018 qui retire ces évaluations à l’autorité environnementale indépendante pour la remettre au préfet. Nous apprenons aussi qu’« Essoc » veut dire « État au service d’une société de confiance ». Sans doute faut-il habiter suffisamment loin de Rouen pour regagner la possibilité d’en rire.
(A suivre dans le lien)
Messages
1. Détruire le capitalisme avant qu’il ne nous détruise (à propos de Lubrizol) : par Frédéric Lordon,, 8 octobre 2019, 23:52, par nazairien
Le lien de l’article
https://blog.mondediplo.net/detruire-le-capitalisme-avant-qu-il-ne-nous
1. Détruire le capitalisme avant qu’il ne nous détruise (à propos de Lubrizol) : par Frédéric Lordon,, 12 octobre 2019, 22:16, par la forêt de Yablokov
Il Y a eu en juillet un autre cas Seveso plus près de Paris qui est passé à l’as ?
Usine Seine Aval (SAV) SIAAP Paris épuration ; de l’eau dans le biogaz...
https://blog.mondediplo.net/omerta-sur-une-catastrophe-industrielle-majeure
Omerta sur une catastrophe industrielle majeure aux portes de Paris
2. Détruire le capitalisme avant qu’il ne nous détruise (à propos de Lubrizol), 12 octobre 2019, 23:48, par nazairien
Chez LUBRIZOLà Rouen, une toiture en amiante-ciment de 8000 m2 et 140 tonnes a explosé, projetant des fibres d’amiante à plusieurs km de l’usine.L’amiante est un cancérogène redoutable, actif à faibles doses, qui a tué des dizaines de milliers de personnesdans tous les pays où il a été utilisé. Les fibres d’amiante, 400 fois plus fines qu’un cheveu, pénètrent profondément dans les poumonset s’accrochent.Une maladie grave peut survenir plusieurs décennies après l’exposition.
Les pouvoirs publics minimisent le risque amianteDans l’usine LUBRIZOLde Rouen, d’énormes quantités de produits dangereux étaient stockées. L’incendie a formé de redoutables cocktails de produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Il a dispersé de milliards de fibres d’amiante. Dans 20 ans, 30 ans, 40 ans, surviendrontdes pathologiesgraves.Mais le préfet de Seine Maritime expliqueaux Rouennaisque l’air puantqu’ils respirent est salubre, que l’eau noire qui coule de leurs robinets est potable et qu’il « n’y a pas de risque amiante avéré »,alors qu’ils ramassentdes touffes fibreuses et des morceaux de toiture amiantéstombésdans leurs jardins ! « Lubrizol coupable, l’Étatcomplice »est le mot d’ordre des manifestations à Rouen.
http://data.over-blog-kiwi.com/1/18/95/81/20191010/ob_fbadee_2019-1011-communique-manif-andeva-par.pdf