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Deux reporters d’Al-Arabiya abattus

Publie le samedi 20 mars 2004 par Open-Publishing

Un an après la guerre anglo-américaine, deux journalistes sont à nouveau
tombés. Colin Powell « regrette », sans plus.

Sous des slogans de « Amérique, ennemi de Dieu », des centaines de
journalistes ont accompagné le cortège funèbre de deux de leurs confrères
tués par les soldats américains. Les corps des deux reporters ont été portés
jusqu’au bureau de la chaîne Al-Arabiya avant d’être conduits au cimetière
pour y être enterrés. La mort des journalistes a été dénoncée également dans
des prêches dans les mosquées.

Les deux reporters irakiens, un journaliste et un cameraman, de la chaîne
satellitaire Al-Arabiya ont essuyé jeudi des tirs des soldats américains
alors qu’ils partaient couvrir un attentat contre un hôtel, le « Bourj
Al-Hayat ». Ali Abdelaziz, le cameraman, a été tué sur le coup d’une balle à
la tête tandis Ali Al-Khatib, également touché à la tête, a succombé hier
vendredi.

La direction de la chaîne Al-Arabiya qui a dénoncé une « agression » a exigé
une enquête immédiate tout en diffusant plusieurs témoignages attestant d’
une attaque délibérée et non accidentelle de la part des soldats américains.
« La voiture dans laquelle ils étaient était clairement identifiable, grâce
au sigle « TV ». Nous allons demander une enquête sur cet incident », a déclaré
Salah Najm, rédacteur en chef d’Al-Arabiya. Haïdar Abdelaziz, le frère d’Ali
Abdelaziz, précise qu’Al-Arabiya disposait pour filmer d’une autorisation de
l’armée américaine. « Puis à un moment donné, une Volvo ne s’est pas arrêtée
au barrage et les soldats ont commencé à ouvrir le feu (...). Mon frère et
le journaliste ont voulu quitter l’endroit, ils ont couru vers leur voiture
et, au moment où elle démarrait, un blindé a ouvert le feu sur leur
véhicule. Les soldats américains ont tiré au hasard », avait-il indiqué la
veille.

Ce n’est pas la première fois que les journalistes arabes venant couvrir
des attentats sont pris à partie par les militaires américains. Confiscation
de films, menaces et parfois arrestations sous l’accusation d’être liés aux
résistants irakiens sont monnaie courante. Un cameraman irakien d’Al-Jazeera
a été détenu pendant plus deux mois car il est arrivé sur les lieux d’une
attaque, des journalistes travaillant pour Reuters ont été détenus pendant
plusieurs jours après avoir été arrêtés à Falloudja, près de l’endroit de la
chute d’un hélicoptère.

Reporters Sans Frontières qui a exprimé son indignation devant cette
nouvelle « tragédie impliquant la presse et l’armée américaine » relève que « l
’accumulation de ces événements intolérables doit contraindre le
gouvernement américain à s’interroger sur l’attitude de ses troupes ». RSF
note d’ailleurs que contrairement aux autres troupes d’occupation, ce sont
uniquement les soldats américains qui ont la gâchette facile avec les
journalistes. L’organisation rappelle qu’aucune enquête sérieuse n’a été
faite sur la mort des quatre journalistes - Tarek Ayyoub, Taras Protsyuk,
José Couso et Mazen Dana. Le refus du Pentagone de reconnaître sa
responsabilité dans ces morts encourage un comportement agressif des soldats
américains. « Afin de mettre un terme immédiat à cette longue série noire,
une véritable enquête doit faire la lumière sur les faits », ajoute l’ONG.

Les journalistes de la presse arabe à Baghdad ont exprimé leur colère en
quittant la conférence de presse donnée par Colin Powell, en visite
impromptue dans la capitale irakienne à la veille du premier anniversaire de
la guerre américano-britannique. Un journaliste irakien a lu une déclaration
au début de la conférence pour condamner la liquidation des deux confrères.
Il a réclamé une « enquête sur les auteurs du crime » et exigé une « sécurité
suffisante à la presse en Irak face aux dangers ». Sous les regards de Colin
Powell et de Paul Bremer, les journalistes arabes se sont ensuite retirés de
la salle où se tenait la conférence de presse du secrétaire d’Etat américain
aux Affaires étrangères. Attitude d’ailleurs peu appréciée par les autorités
d’occupation américaine qui ont procédé à l’expulsion des protestataires du
bâtiment.

Comme d’habitude, Colin Powell dit « regretter » la mort des deux
journalistes en laissant entendre qu’il s’agissait d’une « erreur » et qu’il
était sûr que les actes n’étaient ni « prémédités » ni « délibérés ». Mais le
pire est qu’il a tenté de tirer profit du retrait des journalistes arabes de
la conférence de presse, en déclarant qu’un tel geste « était inconcevable
dans un passé récent et certainement pas durant les vingt dernières années ».
Avec de tels arguments, il est clairement signifié que le gouvernement
américain n’entend pas « s’interroger » sur le comportement de ses soldats en
Irak. Ils ont un permis de tuer et une promesse d’irresponsabilité sous le
couvert d’une promesse d’enquête qui n’aboutit jamais.

le quotidien d’oran