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La suisse qui s’inquiète pour notre laïcité
Marie75
Dieu, Sarkozy et nous
Sarkozy, Dieu et nous
18 Janvier 2008
Comme autant de diables dans les bénitiers, les médias français s’agitent beaucoup à propos de Dieu dont Sarkozy serait le Prophète. L’Omniprésident aurait-il une nouvelle casquette sous forme d’auréole ?
En tout cas, ses propos ont alarmé les défenseurs de la laïcité. A tort. Et à raison. Examinons d’abord, l’une des phrases qui les a fait bondir, celle que le président français a prononcée au Latran, le Saint des Saints de l’Eglise romaine : "Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes". Essentiellement ? C’est-à-dire que, par essence, la France serait chrétienne ? Que son christianisme serait la cause première de sa naissance ? A l’évidence, cette essence-là est frelatée. La France est née de la Gaule qui existait avant l’apparition du Christ.
Sans doute Sarkozy a-t-il voulu dire. "La France est principalement chrétienne". C’est moins faux. Il est évident que le christianisme a nourri la France comme les autres pays d’Europe. Mais ce "principalement" fait bon marché des héritages gréco-romains qui irriguent notre droit et notre pensée. De même, elle laisse à l’écart l’apport décisif du judaïsme sans lequel le christianisme n’aurait jamais pu voir le jour. Outre Rome, l’autre source de notre droit et de notre morale remonte aux Dix Commandements qui figurent dans la Thora. De même, l’Islam a tenu un rôle essentiel dans la transmission à nos pays de la philosophie grecque.
Réduire la France et l’Europe à une entité chrétienne ne rend service ni à l’Europe, ni au christianisme. L’Europe s’est formée de tous ces apports divers. Quant au christianisme, il ne borne pas son message à un seul continent.
Nous aborderons plus tard, les autres aspects des discours sarkoziens. En attendant, le Plouc se fait un petit coup de pub. Tous ces problèmes de laïcité sont abordés dans le bouquin TOUCHE PAS A MON DIEU (auteur : Jean-Noël Cuénod, éditeur : La Tribune de Genève). En vente dans toutes les très bonnes librairies. Bonne lecture
Dieu,Sarkozy et nous (2) : le discours de Ryad
22 Janvier 2008
Le mot « Dieu » fleurit sur les lèvres de l’Omniprésident comme les primevères à Pâques. Peut-être veut-il faire oublier à son électorat catholique ses frasques et frusques pipolesques. Poursuivons donc notre petit florilège des dévotions sarkoziennes.
Au cours de son voyage en Arabie saoudite, Nicolas-le-Preux a débité ce prêche aux membres du Conseil consultatif de la monarchie saoudienne à Ryad :
« Le Dieu unique des religions du Livre. Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme. Dieu qui n’asservit pas l’homme mais qui le libère. Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes. Dieu qui par-delà toutes les différences ne cesse de délivrer à tous les hommes un message d’humilité et d’amour, un message de paix et de fraternité, un message de tolérance et de respect. »
S’il écorchera les oreilles sensibles des athées militants, ce discours ne manque pas d’allure. Quant à ceux qui sont mus par la foi, comment refuserait-il ce « Dieu qui n’asservit pas l’homme mais qui le libère » ? Certes, lorsque le monarque électif parle du « message d’humilité » prodigué par ce « Dieu transcendant », on ne manquera pas d’être surpris tant cette vertu paraît éloignée de la pompe élyséenne et de ce Pipole 1er tout en Rolex, jet-set et bling-bling. Mais enfin, nous savons tous que les voies du Seigneur sont aussi impénétrables que Ses desseins.
Ce n’est donc pas tant le discours en lui-même qui pose question que la fonction de l’homme qui le fait sien et le lieu où il est prononcé.
Depuis la séparation de l’Eglise romaine et de l’Etat en 1905, le président de la République et son gouvernement ne doivent pas s’immiscer dans la religion. Les médias ont récemment rappelé que Charles de Gaulle, grand catholique devant l’Eternel, ne communiait jamais en public et s’interdisait toute allusion religieuse dans ses allocutions. Certes il y a, en France, une conception dogmatiste et même intégriste qui fait de la laïcité une vache sacrée et interdit toute évolution dans les rapports entre le religieux et le politique. Et cet intégrisme laïcard doit être bousculé, comme tous les intégrismes, pour que la société ne reste pas figée. Il faut donc repenser constamment ces rapports complexes entre Dieu et César. Mais il n’en demeure pas moins que le rôle du chef de l’Etat n’est pas de défendre une profession de foi. Il doit garantir à toutes les formes de croyances et de non-croyances le droit à l’expression, tout en renonçant pour sa part à prêcher.
De plus, les discours présidentiels ne sont jamais dépourvus de vues intéressées sur le plan matériel. Dans le contexte de celui de Ryad, on ne peut s’empêcher de penser que Nicolas Sarkozy, par ses paroles édifiantes, a voulu séduire son auditoire en vue d’obtenir des avantages diplomatiques et économiques. Réduire Dieu à un argument de vente pour la maison Dassault ou l’industrie nucléaire a de quoi révulser les croyants.
Enfin, le lieu où cette allocution s’est tenue – le Conseil consultatif du Royaume saoudien – était particulièrement mal choisi. Ce pays défend une conception intégriste et liberticide de l’islam qu’il colporte dans le monde entier avec ses pétrodollars. D’ailleurs, de nombreux islamoterroristes, à commencer par Ben Laden lui-même, sont issus de cette idéologie politico-religieuse. De plus, toutes les autres religions sont interdites sur le territoire saoudien. C’est ainsi que le drapeau suisse avec sa croix ne peut être arboré à l’ambassade de la Confédération helvétique à Ryad ! Dès lors, parler de Dieu dans un tel contexte revient à légitimer l’ignoble usage que fait l’Arabie saoudite de la religion.
Jean-Noël Cuénod, correspondant à Paris.
Dieu,Sarkozy et nous (3) : les francs-maçons montent au créneau
29 Janvier 2008
Rappel des épisodes précédents : Nicolas Sarkozy veut donc nettoyer les âmes françaises au Kärcher d’eau bénite. Ses prêches au Vatican et à Ryad ont fait naître des craintes sur sa volonté de maintenir la République dans le cadre laïque qui est le sien depuis 1905.
Et lorsque la séparation de l’Eglise et de l’Etat est en cause, la principale obédience maçonnique (fédération de loges) du pays, le Grand Orient de France, monte au créneau pour la défendre.
A cette déclaration de l’Omniprésident :
« Que s’il existe une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée des convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas associée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini ».
Le Grand Maître du Grand Orient de France, Jean-Michel Quillardet, a répondu :
« Agnostiques, athées, chrétiens ou non chrétiens se trouvent en quelque sorte blessés par l’affirmation du président de la République. Chacun dans la République laïque, justement, est libre d’espérer, de désespérer, ou de ne rien attendre… Qui peut juger la justesse de la recherche de chacun d’entre nous et de ses positionnements à l’égard des origines, des mystères de la vie et de la mort ? Pas le président de la République, certainement pas la République, pas un quelconque Etat. Il y là une tentative d’imposer, en quelque sorte, à chaque citoyen la nécessité d’une dimension spirituelle qui ne peut que provoquer la colère de ceux qui partagent ce projet d’un pacte républicain et laïque ».
Pourquoi la Franc-Maçonnerie s’impliquerait-elle dans la laïcité ? Relevons tout d’abord la diversité des démarches maçonniques. Les unes postulent en l’existence de Dieu révélé, à l’instar de la plupart des loges anglo-saxonnes. D’autres préfèrent évoquer un Etre Suprême, un Principe créateur sans lui donner le contenu d’un Divin révélé. Et certaines défendent la liberté absolue de conscience en renonçant à tout ce qui pourrait ressembler à l’invocation d’une puissance supérieure. Le Grand Orient de France (GODF) se range dans cette dernière catégorie avec de gros bémols : certaines de ses Loges continuent à utiliser la Bible comme Volume de la loi Sacrée dans leurs rituels, à invoquer le Grand Architecte de l’Univers et quelque 68 Ateliers (synonyme de Loges) du GODF pratiquent le Rite Ecossais Rectifié qui est, lui, ouvertement chrétien. Lorsque les médias parlent de Franc-Maçonnerie – en général lorsqu’il s’agit de combler un creux dans l’actualité – ils font fi de ces différences pourtant essentielles.
Le point commun de toutes ces franc-maçonneries est - par une approche basée sur les symboles de la construction – de s’efforcer à répondre aux questions fondamentales, telle que celle-ci : que fais-je dans cette vie ?
Quelles que soient leurs tendances, les loges maçonniques professent toutes à des degrés divers la liberté de conscience. Dès lors, elles se sont heurtées d’emblée aux systèmes théologiques qui enseignaient Dieu en usant du principe d’autorité. Dans la chrétienté, l’Eglise romaine et son imprégnation autocratique représentaient le plus clairement cette tendance. Il était donc inévitable que les deux démarches – maçonnique et romaine – s’opposassent. Dès lors, dans les pays catholiques, la Franc-Maçonnerie s’est progressivement installée comme une opposante naturelle au césaro-papisme en défendant la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
En revanche, dans les pays protestants, la franc-maçonnerie n’a pas rencontré un tel obstacle, la Réforme défendant comme elle la liberté de conscience. D’ailleurs, de nombreux pasteurs figurent parmi les fondateurs de la Franc-Maçonnerie moderne. Ainsi, la question de la laïcité s’est posée pour les francs-maçons protestants d’une façon tout à fait différente que pour leurs Frères vivant en nations catholiques. Pour eux, la laïcité n’était pas un problème majeur. A Genève, par exemple, de nombreux francs-maçons étaient opposés à la séparation de l’Etat et de l’Eglise nationale protestante.
Ces fondements historiques expliquent donc l’énergie avec laquelle le Grand Orient de France défend les principes laïques de la République face à un président qui, à son gré, agite trop le goupillon à tout va.
Jean-Noël Cuénod, correspondant à Paris.
Le Grand Orient ne veut pas perdre le Nord
05 Février 2008 | Général
L’Omniprésident et ses prises de positions en faveur d’une laïcité ouverte aux religions ont élevé d’un cran la polémique qui l’oppose aux défenseurs de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Dans ce camp, c’est traditionnellement l’obédience maçonnique du Grand Orient de France qui sert de boussole. Aujourd’hui, il veut empêcher la République de perdre le Nord en matière de laïcité. Aussi samedi dernier, le Grand Maître Jean-Michel Quillardet, invité par le Conseil général des Pyrénées-Orientales, a-t-il réagi aux récents propos sarkodivins :
« C’est la première fois dans l’histoire de la République qu’un chef d’Etat va aussi loin dans la manifestation d’une opinion personnelle, d’une conviction personnelle et dans une nouvelle formulation des rapports entre la religion et l’Etat ».
Qu’un président de la République expose ses opinions philosophiques et religieuses, cela n’a rien de choquant. Après tout, il s’agit de traits essentiels de sa personnalité que ses électeurs ont le droit de connaître. Il vaut mieux un président qui énonce clairement ses sentiments religieux qu’un élu qui tente de les cacher. Au moins, ses administrés savent-ils à qui ils ont à faire. Dès lors, la position dudit Grand Maître paraît critiquable sur ce point. Il en irait autrement si Nicolas Sarkozy voulait imposer sa propre lecture religieuse à l’ensemble du pays. Mais de nos jours et sous nos latitudes une telle démarche relève, Dieu merci, de la mission impossible.
En revanche, le patron du Grand Orient de France a raison de sonner le tocsin dans la mesure où le maître de l’Elysée veut réformer la loi de 1905 qui sépare l’Etat des religions. Or, la pratique sarkozienne est, en la matière, aventureuse et périlleuse. En créant de toutes pièces, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, le Conseil français du culte musulman, en lui imposant son président (le recteur de la Grande Mosquée de Paris Dalil Boubakeur), Nicolas Sarkozy a gravement violé les principes de la laïcité qui interdit à l’Etat de reconnaître un culte. En l’occurrence, l’Etat n’a pas seulement reconnu un culte, il l’a organisé !
« Mais c’était pour la bonne cause ! » plaident les sarkozystes. « Il s’agissait d’empêcher les imams incendiaires de répandre leurs propos islamoterroristes dans les caves et entrepôts qui servent de mosquées sauvages ». Tout d’abord, les pyromanes du Coran demeurent à pied d’œuvre. A ce propos, une visite dans les cités de la banlieue parisienne convaincra les sceptiques. Ensuite, cette démarche a provoqué de la rancœur chez les musulmans qui se sont vus instrumentalisés par le pouvoir politique. Enfin, en sortant de sa neutralité confessionnelle, l’Etat s’est mis en positions de déséquilibre par rapport aux autres religions.
Ainsi, les nouvelles églises évangéliques ne manquent-elles pas de souligner la différence de traitement entre elles et les communautés islamiques. Or, les évangéliques connaissent une progression considérable de leurs fidèles dans les mêmes quartiers défavorisés que ceux abritant une importante population musulmane. Cela peut provoquer des sujets majeurs de tensions.
La laïcité repose sur un concept de base : l’Etat ne reconnaissant aucune religion, il les respecte toutes de manière égale. Cela dit, les sociétés évoluent. Et la laïcité doit en faire de même, au risque que les aléas de l’Histoire ne la brisent par trop de rigidité. Et comment l’adapter aux réalités actuelles, sans en trahir les principes ? Affaire à suivre
Messages
1. Dieu, Sarkozy et nous, 7 février 2008, 11:32, par marianne
« C’est la première fois dans l’histoire de la République qu’un chef d’Etat va aussi loin dans la manifestation d’une opinion personnelle, d’une conviction personnelle et dans une nouvelle formulation des rapports entre la religion et l’Etat ».
Et pourquoi ?
Tout simplement parce que Sarkozy n’a pas l’envergure d’un vrai chef d’Etat, l’UMP n’ayant rien eu sous le coude au moment des présidentielles ! Ils ont gratté les fonds de tiroir ! C’est misérable non ?