Dominique Ambiel : le Concierge de Raffarin aimait les Catins

D’abord le fait divers croustillant et d’une ironie subtile : un membre d’un gouvernement moralisateur qui a voté les lois les plus répressives qu’il soit en matière de prostitution, surpris par la police en compagnie d’une prostituée mineure et sans-papier, c’est déjà assez délectable. Que cela se passe dans une voiture dans une allée du bois de Boulogne ajoute une petite touche « France d’en-bas » somme toute de bon goût dans toute cette histoire.

Que Dominique Ambiel, alias le Concierge de Matignon pour les initiés, ose sortir aux policiers et aux magistrats une explication embrouillée de bagarre dans un abri-bus et de portière de voiture qui s’ouvre au lieu de se fermer, permettant à une prostituée de se glisser lâchement dans son véhicule, est encore plus drôlatique. D’autant plus que ladite prostituée reconnaîtra avoir M. Ambiel pour client régulier depuis quelques temps.

Cela dit, derrière ce fait-divers d’un cynisme roboratif, se profile un nouveau coup dur pour Jean-Pierre Raffarin : car Dominique Ambiel n’est autre que le conseiller en communication du Premier ministre, et on peut imaginer toute l’importance de sa fonction au sein du gouvernement actuel à l’aune du battage médiatique qui entoure les actions ministérielles depuis l’arrivée au pouvoir de l’UMP après les législatives de 2002.

Dominique Ambiel est un fidèle de Raffarin, à qui il succède au poste de secrétaire général du Mouvement des Jeunes Giscardiens en 1977, et dont il partage les convictions libérales. Cet ancien professeur de lettres est même Ministre de l’Education sous Giscard, de 1979 à 1981.

C’est également un opportuniste : en 1981, après la victoire de Mitterand et sentant venir la libéralisation de la communication initiée par les radios libres, il fonde une société de production audiovisuelle. Initiant ainsi une carrière sinueuse qui passe et repasse constamment les frontières de la politique et des médias.

Il gardera ainsi sa double casquette politico-médiatique tout au long des années 80, tour à tour chargé de communication pour l’Union des Républicains et Indépendants au Sénat, conseiller technique au ministère de la Culture auprès de François Léotard puis de Philippe de Villiers, puis collaborateur de Simone Veil au sein du Comité Directeur Européen.

Il abandonne ses activités politiques en 1988, quand il prend les fonctions de Directeur du Développement Audiovisuel du conglomérat Expand, mais garde un rôle actif au sein de l’UDF dont il préside la Délégation à la Culture et à la Communication. Sous son impulsion, la société Expand va se muer en groupe audiovisuel et devenir le Groupe Expand-Images, qui sera consacré premier fournisseur de programmes des chaînes françaises en 1995.

En 2000, Dominique Ambiel est devenu Directeur Général et Président d’Expand Images, leader français et quatrième au niveau européen de la production audiovisuelle. C’est un grand ponte de l’audiovisuel français, dont tous les membres éminents, producteurs ou journalistes, sont ses « potes ».

En juin 2001, Vivendi Universal - dirigé par un homme plutôt proche de la gauche, Jean-Marie Messier - devient l’actionnaire principal du Groupe Expand. Dominique Ambien finit par donner sa démission le 6 mai 2002, et deux jours plus tard, le 8 mai 2002, est nommé Conseiller du tout nouveau Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin.

Il devient alors celui que ses (nombreux) ennemis surnomment le Concierge, son bureau étant installé au bas de l’escalier d’honneur de l’hôtel Matignon. Il fait office d’éminence grise et de metteur en scène de la communication du gouvernement. Il dépasse même le cadre de sa fonction première, et joue un rôle de plus en plus politique, opérant un mélange subtil de politique et de communication, n’hésitant pas à téléphoner aux ministres pour les conseiller et leur donner des idées. C’est notamment lui l’artisan de la fameuse « France d’en bas », traduction en slogan publicitaire de la tentative de synthèse du libéralisme et du conservatisme en cours à l’UMP.

Ses nombreux contacts dans le milieu de la télévision lui permettent de faire passer son ami Jean-Pierre dans des émissions de télévision soigneusement préparées par ses soins sur M6, ou encore de lui faire rencontrer l’état-major de TF1 lors de dîners mondains.

Il se distingue par ses talents de censeur et de cerbère, devenant le harceleur téléphonique des rédactions de journaux de la presse écrite et de la télévision, menaçant les journalistes indélicats et faisant intervenir ses amis tels Jean-Marie Cavada ou Etienne Mougeotte pour remettre les récalcitrants dans le droit chemin. Avec lui s’opère la collusion totale, pour ne pas dire la fusion, entre les milieux d’affaires de l’audiovisuel, les grands patrons de presse et les plus hauts sommets de l’Etat.

C’est cet homme qui a été interpellé par de simples policiers de la BAC, dans la nuit de lundi à mardi, alors qu’il lutinait avec une petite roumaine de 17 ans en situation irrégulière, à l’intérieur de sa voiture garée dans le bois de Boulogne. Policiers qu’il menacera du haut de sa toute-puissance matignonnesque, avant de s’empêtrer dans une fumeuse histoire de bagarre, de fausse manoeuvre et de portière de voiture ouverte par hasard. L’homme pour qui « le cœur de [la] communication, c’est d’être naturel » ne sait pas mentir.

On le sait bien, les producteurs sont rarement les auteurs des scénarios des œuvres qu’ils financent.

Auteur : Zedrx

Sources :

– http://www.nouvelobs.com/articles/p2046/a231174.html
– http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-362192,0.html
– http://www.lexpress.fr/info/france/dossier/raffarin/dossier.asp?ida=402763
– http://www.radiofrance.fr/chaines/france-inter01/emissions/tele/fiche.php?numero=7083
– http://acrimed.samizdat.net/article.php3?id_article=1241
– http://www.ujjef.com/index.php?idRubrique=&idCategorie=20&idSousCategorie=
&RepertoireInclude=
home&Action=LireArticle&idArticle=838
– http://www.u-blog.net/ancilla/2003/09/16
– http://www.lidealiste.com/article.php/id/3202
– http://www.politis.fr/article692.html
– http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-359184,0.html
– http://www.liberation.com/page.php?Article=188435