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Donner de vraies chances aux jeunes...

Publie le lundi 1er janvier 2007 par Open-Publishing
9 commentaires

Les jeunes d’aujourd’hui subissent plus durement qu’hier la précarité du monde du travail. A qui la faute ? Comment sortir de cette situation ? Une analyse de Louis Chauvel, sociologue, professeur à Sciences-Po Paris. (Vient de publier : Les classes moyennes à la dérive, Le Seuil)

Depuis vingt ans, la situation se dégrade. Le fossé des générations se creuse. Pourtant plus qualifiés, plus diplômés, les jeunes ont une entrée dans la vie active plus difficile et la sortie des études se fait dans une plus grande précarité, avec un pouvoir d’achat plus faible. En 1970, les quinquagénaires gagnaient 15% de plus que les trentenaires et en 2000 l’écart atteignait 40%.

Deux questions se posent : cette situation est-elle spécifiquement française et comment en est-on arrivé là ? En effet, il y a un vrai problème dans la société française, qui est partagé par les sociétés italienne et espagnole : l’entrée de plus en plus difficile des nouvelles générations dans le monde du travail.

En parlant des jeunes, dans le langage commun, on pense surtout aux moins de 25 ans. Or, cela fait très longtemps que les problèmes ne s’arrêtent pas à 25 ans, ni à 26 ans, et même plus à 30 ans, et on risque de les occulter en se concentrant sur les moins de 25 ou 26 ans. Les difficultés des jeunes touchent les 15 ans à 45 ans, voire très largement au-delà.

Ce sont là des problèmes très importants, de plus en plus pesants à mesure que les difficultés se sont accumulées. Au cours des douze derniers mois, il y a eu deux mouvements majeurs qui ont agité la question de la jeunesse avec les émeutes de novembre et avec la crise du CPE (Contrat première embauche) au printemps dernier. En analysant plus attentivement la situation, il s’avère que beaucoup d’événements se sont déroulés depuis 2005.

La réforme Fillon a été retirée au printemps 2005. Il y a eu aussi la grogne des trentenaires, le mouvement de la génération précaire, la révolte des jeunes chercheurs ; sans compter le « non » au référendum où les jeunes ont exprimé un profond malaise, alors qu’ils avaient été en pointe sur le « oui » à Maastricht. Cela montre clairement que de 15 jusqu’à au moins 35 ans et de Bac +3 jusqu’à Bac +8, existent en France de nombreux problèmes, exprimant des frustrations croissantes.

 Les conséquences pour les jeunes d’une entrée difficile dans le monde du travail

Jusqu’à présent il n’y a pas eu jonction de ces mouvements, mais se posent de multiples interrogations en ce qui concerne les nouvelles générations, notamment celles qui sont entrées dans le monde du travail à partir du moment où le plein emploi a connu une totale remise en cause, depuis la fin des années 1970. De nombreux éléments de diagnostics pourraient être faits pour complexifier le diagnostic, mais rappelons simplement qu’en 1973 il y avait 4% de taux de chômage dans les deux ans après la sortie des études. Les jeunes salariés étaient en situation de choisir leur employeur plutôt que l’inverse. À partir du milieu des années 1980 en France, ce même taux de chômage dans les deux ans après la sortie des études se situait autour de 25% à 30%.

Le chômage est devenu la voie d’entrée standard d’une énorme partie de la jeunesse aujourd’hui. Ces chiffres sont encore plus concentrés auprès des populations les moins qualifiées, mais malheureusement, la crise du CPE l’a bien souligné, les difficultés montent progressivement dans la hiérarchie sociale française. À l’image d’un sucre posé au fond d’une tasse de café, ce sont d’abord les parties inférieures qui se désagrègent, mais le dessus finira tôt ou tard par y passer.

Les jeunes de classes moyennes à Bac +4 et même plus commencent à être touchés par la crise économique. À 25 ans, ils acceptent des emplois, avec trois années d’études de plus que leurs propres parents, qui, en termes de rétribution et de position sociale, sont en moyenne en deçà de ceux de leurs parents. Pour les catégories populaires, c’est terrifiant. Pour les catégories moyennes, les jeunes sont financés de plus en plus longtemps pour continuer à suivre des études de plus en plus longues. Mais, en définitive, ils ne sont pas accueillis dans le monde du travail à la hauteur de l’investissement éducatif, humain, social, familial, qui a été réalisé au cours de leur formation, c’est le moins que l’on puisse dire.

Malheureusement, ce bizutage à l’entrée dans la vie adulte ne s’arrête pas à l’âge de 30 ans. Une fois que les jeunes ont accepté des situations moins favorables pour intégrer le monde du travail durablement, une partie d’entre eux rattrape, mais ce n’est pas le cas en général, et beaucoup continuent de subir à long terme les séquelles de ces conditions d’entrée plus difficiles dans le monde du travail.

Ces problèmes sont beaucoup plus larges que le monde du travail. Ils touchent aussi la consommation, le logement. Une année de salaire de trentenaire dans Paris intra-muros correspondait à 9 m2 en 1984. Aujourd’hui, ce sont 4 m2, c’est-à-dire moins de la moitié. Par conséquent, ce ne sont pas simplement les salaires qui sont moindres. Le coût de la vie est de plus en plus un souci pour ceux qui n’ont pas pu acheter un logement dans les années 1970, simplement parce qu’ils sont nés à cette époque.

Cette situation a des conséquences sur l’ensemble des aspects du monde de la décision. En effet, en 1997, les députés français avaient un âge médian de 52 ans ; en 2002, il est de 57 ans. Autrement dit, il y a eu un vieillissement de quatre ans et demi de la médiane en cinq ans de temps. Il s’agit d’une quasi-absence de renouvellement. Les syndicats suivent aussi une pente un peu semblable. Par exemple, il est dit qu’à la CGT un tiers des adhérents seraient retraités. Il faudrait vérifier précisément, mais il est certain qu’en moyenne les titulaires d’un syndicat ou d’un parti politique en France, tout syndicat et toute politique confondue avaient 45 ans en 1982, et 57 ans au début des années 2000. Il existe donc un vrai vieillissement. À quelle génération seront transmis l’ensemble des savoir-faire, des connaissances, des compétences qui sont nécessaires au bon fonctionnement de la social-démocratie, de la démocratie tout court, et de l’ensemble de l’ordre social ?

 Comparaison avec d’autres pays

S’agit-il d’un phénomène typiquement français ? L’Italie, l’Espagne, la France, ces trois États sont les moins bien placés en matière d’intégration des jeunes dans le monde du travail, dans la vie syndicale, dans la vie adulte, dans la vie politique à tout point de vue. Le modèle latin mettrait à l’écart les jeunes, notamment parce que le modèle social, le modèle de l’État-providence irait de pair avec un système plutôt corporatiste, protégeant avant tout les cotisants. Évidemment les difficultés d’une crise sont reportées sur ceux qui ne sont pas dans le système, ou se trouve moins en situation de négocier, c’est-à-dire les femmes, les jeunes, les immigrés qui sont les plus fragilisés, sans compter bien sûr les jeunes femmes immigrées. C’est une façon de voir la question des différentiels internationaux où la France est allée très loin. Les pays du Nord montrent qu’il est possible d’intégrer les jeunes, encore faut-il en avoir le désir. Par ailleurs, l’une des chances de l’Italie et de l’Espagne, c’est leur fécondité. À très court terme, c’est-à-dire dans les cinq prochaines années, ils n’auront plus de souci de jeunes car il n’y en aura pratiquement plus. Ils auront d’autres difficultés, notamment celle du financement des retraites. Ce sera moins le cas en France, mais nous devrons en revanche intégrer les jeunes pendant quelques années. C’est à la fois négatif et positif. Il faut voir les deux facettes du problème.

 Des responsabilités politiques et générationnelles

Il importe aussi d’avoir une lecture politique en posant la question des responsabilités. Cela fait une petite dizaine d’années que je travaille sur la responsabilité générationnelle, sur l’ensemble de ces diagnostics. Il y a dix ans on pouvait dire qu’on ne savait pas. Aujourd’hui, il n’est plus possible de tenir ce discours, et il me semble que les responsabilités sont très largement partagées par l’ensemble de la population.

Il y a une grande responsabilité politique à avoir préféré gérer des problèmes de court terme plutôt que de planifier à long terme, car les jeunes d’aujourd’hui sont bien évidemment les vieux d’après-demain, et les jeunes paupérisés d’aujourd’hui risquent bien de nous promettre à un avenir où les vieillards occuperont de nouveau une foultitude de petits emplois, comme aujourd’hui en Argentine, par exemple. Cette responsabilité politique serait énorme.

Parallèlement, les travailleurs et les syndicats de salariés sont aussi responsables, en tout cas une grande partie d’entre eux, car ils n’ont pas fait de cette question de l’intégration des jeunes dans le monde du travail une priorité. Les syndicats de travailleurs font ce qu’ils peuvent dans un climat intellectuel et politique de rapports sociaux qui sont ce qu’ils sont.

À mon sens, il y a aussi une responsabilité des universitaires, dont je fais partie. Nous avons accepté de former plus longtemps les jeunes avec peu de moyens. Pour mémoire, en France un jeune étudiant coûte 6500 euros de dépenses annuelles à l’université, alors qu’un apprenti à 17 ans en Allemagne coûte 10000 euros. Il a été accepté de former des étudiants de 22 ans en France avec moins de moyens qu’un apprenti de 17 ans en Allemagne. Sont dépensés 13500 euros par an pour un élève en classe préparatoire aux grandes écoles, 40000 euros par an pour un Polytechnicien et 120000 pour un Énarque (École nationale d’administration). Il est vrai qu’il est difficile de comparer. Mais la responsabilité des enseignants qui ont accepté cette situation de paupérisation de l’enseignement supérieur est terrible. Il me semble que les mêmes acteurs en ont une autre, qui concerne le contenu des enseignements, et les modalités des études : il est très difficile en France de suivre des études supérieures à temps partiel. Pour autant, pour les dédouaner en même temps, ils en ont fait avec les moyens qui leur ont été confiés. À tous ces acteurs sociaux cités, il faut ajouter les étudiants et leurs parents, qui, d’une façon ou d’une autre, ont accepté de faire en sorte que leurs enfants soient formés dans ces conditions. Il existe en France une surenchère du diplôme avec une acceptation d’orientation qui n’est pas forcément la plus efficace. En tant que sociologue, cela ne me semble pas forcément très productif d’avoir autant de jeunes sociologues. À mon avis, il serait mieux que la sociologie soit apprise un peu plus à tout le monde que concentrée sur beaucoup de jeunes sociologues, beaucoup de jeunes philosophes, beaucoup de jeunes qui ne feront que ça.

J’allais oublier aussi la responsabilité des entreprises, qui ont parfois (souvent) tiré bénéfice du chômage des jeunes, des bas salaires, de la précarisation, de l’aide de plus en plus massive et durable des parents à leurs enfants, qui permettent maintenant de trouver des stagiaires dévoués pour 350 euros par mois. Les responsabilités sont partagées et, à la CFDT, comme dans les autres syndicats, au Medef, dans tous les partis politiques et ailleurs, il est temps de réfléchir une fois pour toute au long terme à offrir aux jeunes d’aujourd’hui qui sont les cotisants de demain et les retraités d’après-demain.

 Organiser les transitions de formation et les transitions professionnelles

Pour remédier à cette situation bien française, il faudrait lutter contre le déterminisme social qui existe actuellement et qui ne cesse de s’ancrer. Si vous êtes né du côté de la rue Soufflot à Paris, proche du Lycée Henri IV, vous avez des chances d’être normalien à 19 ans, de cotiser à partir de 19 ans et de finir Énarque en faisant valoir vos droits à la retraite à 57 ans ou à 58 ans, comme quelques-uns de nos Premiers ministres passés. En revanche, si vous êtes né près du Lycée Jacques Brel, du côté de la Courneuve en Seine-Saint-Denis, le risque de l’échec scolaire est fort. Le problème de la France apparaît clairement en comparaison avec les pays nordiques. Les Français, qu’ils soient issus des classes moyennes, supérieures ou des catégories populaires, ont un accès tardif à l’emploi valorisé.

Les Nordiques intègrent réellement le monde du travail de façon beaucoup plus précoce que dans l’Hexagone. L’alternance, trop rare chez nous, est une norme dans ces pays : pour eux, il est normal qu’à l’université, il y ait des gens de 18 à 38 ans, ou au-delà, qui progressent ensemble grâce à la diversité de leurs origines et de leurs parcours. En France, il existe une institution centrale extraordinaire, le CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), mais cette voie représente une exception dans les pratiques de cheminement professionnel et d’éducation. Il faut parvenir à la généralisation d’un accès précoce au monde du travail véritablement valorisé, dès la sortie de l’adolescence. Ensuite, il faut systématiquement pouvoir envisager des retours à des formations qui ne soient pas des formations continues, mais des retours à une formation diplômante.

Cette séparation française entre d’un côté les études et de l’autre le travail est complètement mortifère pour la jeunesse. Les trois années d’études après le Bac se déroulent sans accès au monde du travail, au monde de la vie adulte. Les Nordiques sont en situation de faire exister de vrais allers et retours entre le monde du travail et le monde de l’université avec des possibilités de retourner à des masters jusqu’à l’âge de 28 ans ou même de 32 ans, par exemple.

Pour l’instant, en France, ce sont de trop rares exceptions. Ces transitions doivent être organisées, le patronat doit accepter de donner des places aux jeunes de 18 ans. En effet, avant 25 ans, voire avant 30 ans, les jeunes ne participent pas au monde du travail, tout comme les seniors d’ailleurs. Il serait intéressant de créer un vrai contrat d’autonomie qui accompagne les relations, la transition entre le monde du travail et celui de l’éducation, et organise aussi le retour dans la formation de façon systématique, sans ces bricolages qui se sont accumulés au cours des trente dernières années.

Les jeunes mériteraient d’avoir davantage leur chance, ce qui leur permettrait de se motiver. En effet, les salaires nets de l’ensemble de la population des salariés rapportent de moins en moins ; ceux des jeunes travailleurs sont encore moins rémunérateurs. Pour un jeune diplômé qui entame sa troisième année de stage à 350 euros par mois, qui vit grâce à l’effort massif de ses parents voire de ses grands-parents, il n’est pas facile de rester motivé des années entières.

http://laurentfabius2007.over-blog.com

Messages

  • supprimons le travail, il n’ y aura plus de problème !!!

    vieux grincheux

  • A force de voir les choses par le petit bout de la lorgnette
    surtout quand celle-ci est bouchée de merde
    (louis chauvel fait partie du gang de rosanvallon, la republique des idées du lobby industriel)
    on ne voit plus rien
    les moins de quarante ans contre leurs ainés !
    grandiose perspective de lutte des classes !
    Si tonton karl entendait ça !

  • Je ne crois pas vraiment que le problème soit générationnel.
    Si vous allez dans ce sens, vous allez vers la voie que souhaite le MEDEF.
    A terme, les entreprises prendraient les enfants au berceaux pour en faire de bons travailleurs intégrés.

    Cela ressemble à la vue du ’meilleur des mondes", le rôle des êtres humains seraient entierement déterminé par la fonction qu’ils devront occuper toute la vie.

    Comment qualifier un monde ou le destin est de travailler dès 18 ans jusqu’à 70 ans, simplement dans l’optique de faire fonctionner des entreprises qui ont de moins en moins besoin de mains d’oeuvres, et dont l’objectif est même de supprimer le travail.

    C’est le paroxysme de l’esclavage volontaire.
    L’esclave mendiant sa servitude à un maître qui lui n’a plus besoin d’esclaves.

    Un exemple qui montre où la notion de travail salarié en est ;
    J’ai lu quelque part qu’une ancienne "vedette" myopathe du Téléthon était montrée en exemple ; Ce type, sur un fauteuil roulant, était devenu chef d’entreprise.
    Il déclarait quelque chose comme "je bosse parfois jusqu’à 5 heures du matin" ...

    Le summum de la victoire du Medef ; même les handicapés sont des inutiles qui s’ignorent.

    Comme la jeunesse dans un monde vieux, comme la nature dans un monde sur-mécanisé, le travail devient une obsession morbide car il disparait.

    Ce qui devrait être une activité devient comme l’eau, l’espérance de vie, l’espace vital ; un capital à conserver jalousement de l’avidité des autres qui en sont privés.

    Alors demander aux entreprises de s’occuper des emplois, c’est comme demander aux directeurs de prisons s’ils n’ont pas besoin de quelques hommes libres pour remplir leurs cellules surpeuplées.

    jyd.

    • A l’heure de l’éclatement et de la privatisations des services publics et de la suppression progressive de toutes les garanties sociales et organisations de solidarité collective, il ne s’agit pas de faire semblant de pleurer sur une situation à laquelle vous souscrivez où chacun devient l’ennemi de l’autre et de nos servir le plat de la guerre des générations. Quand vous parlez de "déterminisme social" en le limitant à la géographie, j’aurais envie de vous dire de lire Bourdieu qui n’était pourtant pas de tradition marxiste. Il ne s’agit pas" d’un problème d’entrée des "nouvelles générations dans le monde du travail", les enfants de l’oligarchie et autres exploiteurs n’en ont pas : il s’agit aujourd’hui de rendre compte de l’effondrement des espoirs et des illusions de certaines catégories sociales de se perpétuer sans trop de heurts dans le système capitaliste.
      La "société de consommation" a permis l’émergence d’une classe moyenne qui a assuré jusqu’il y a peu la prospérité des capitalistes aux USA et en Europe grâce à la misère des pays du tiers monde.
      Aujourd’hui la rentabilité industrielle et financière commande les délocalisations massives dont celle des classes moyennes qui ne constituent plus en Europe et aux USA un moteur d’expansion du capitalisme : déclin chez les uns en Occident, émergence et "montée en puissance " chez les autres en Asie.
      Les plans dits "sociaux" et autres retructurations, délocalisations etc. et leurs conséquences, chômage, précarité, misère...qui jusqu’ici n’étaient réservée (dans l’indifférence générale) qu’aux catégories sociales les plus modestes (ouvriers , petits employés...)gagnent de plus en plus largement ces couches plus favorisées. JdesP

    • Chauvel substitue la "lutte des générations" à la lutte des classes.

      C’est un sociologue officiel.

    • Je n’ai effectivement pas lu Bourdieu ni Marx.

      Pourtant il me semble que Marx considérait que le progrès industriel développé par la Bourgeoisie favorisait le développement de la classe prolétarienne, et ainsi permettait aux ouvrier de s’organiser et de lutter contre leur condition.

      C’est précisément ce qui a changé, Marx ne pouvait imaginer qu’à terme le libre échange commercial arriverait à un point où le besoin d’un prolétariat pour faire fonctionner le commerce deviendrait inutile.

      Loin de moi la prétention de me mesurer à un philosophe, mais je pense que si Marx vivait et publiait des articles sur Bellaciao aujourd’huis, il serait moins enthousiaste sur la faculté de la bourgeoisie à favoriser des révolutions industrielles successives qui augmentent le progrès.

      Il verrait qu’aujourd’hui, progrès industriel et misère cohexistes sans problème, or sans avoir lu entierement le manifeste, il pensait que la misère était une survivance de l’ancien régime féodal.

      Par exemple, est-ce que Marx écrirait encore cela en janvier 2007 :

      "La société se divise en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat."

      Dans quelle catégorie il rangerait les cadres supérieurs qui possèdent des actions de l’entreprise dont ils sont salariés ?

      "La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages."

      il emploie le terme "activité" (donc je suis quand même un peu Marxiste), mais il verrait aujourd’huis que ces professions, devenues "libérales" (sauf les prêtres, grâce à 1905, mais que prévoir pour l’avenir), et on a maintenant des "poetes" rentiers qui se vendent en grande surface.

      "
      Petits industriels, marchands et rentiers, artisans et paysans, tout l’échelon inférieur des classes moyennes de jadis, tombent dans le prolétariat ; d’une part, parce que leurs faibles capitaux ne leur permettant pas d’employer les procédés de la grande industrie, ils succombent dans leur concurrence avec les grands capitalistes ; d’autre part, parce que leur habileté technique est dépréciée par les méthodes nouvelles de production. De sorte que le prolétariat se recrute dans toutes les classes de la population
      "
      Très bien vu, sauf que maintenant on n’a plus besoin de la main d’oeuvre qualifiée, et qu’il est plus rentable d’utiliser des moyens de production moins évoluées que de moderniser les moyens de production.
      Marx ne pouvait pas prévoir les chaussures Nike.

      "
      le développement de l’industrie, non seulement accroît le nombre des prolétaires, mais les concentre en masses plus considérables ; la force des prolétaires augmente et ils en prennent mieux conscience
      Les ouvriers commencent par former des coalitions contre les bourgeois pour la défense de leurs salaires. Ils vont jusqu’à constituer des associations permanentes pour être prêts en vue de rébellions éventuelles. Çà et là, la lutte éclate en émeute.
      "
      Et bien non.
      Malgrè notre haut niveau de connaissance des mécanismes du capitalisme, il n’y a quasiment plus de contestation syndicale.
      Des enfants de 13 ans sont les émeutiers du 21eme siecle.
      J’aimerai savoir ce qu’aurait dit Marx a ce sujet.
      Est-ce qu’il serait d’accord pour intégrer plus vite les jeunes au travail , et que penserait-il de la sacro-sainte croissance économique comme curseur du bonheur universel ...

      Par contre, sa vision de l’antagonisme entre le souci de modernité pour le profit bourgeois (néo-libéraux) et les nostalgiques de l’ancien régime (la droite réactionnaire) est encore assez d’actualité.

      En tout cas, bien d’accord sur le fait que des types comme Marx ou Bourdieu devraient passer plus souvent à la télé pour nous expliquer tout cela.

      jyd.

    • La main d’oeuvre qualifiée reste encore d’actualité dans le domaine de l’aéronautique, par exemple ou plus généralement dans les secteurs à haute valeur technologique ou stratégiques de l’armement.
      Il est vrai que le syndicalisme " subit" y compris en France (le phénomène né de la Guerre Froide, s’est accéléré depuis la conversion de la Gauche au libéralisme) une offensive de normalisation voire de corruption passive ou active, face à des restructurations et à la disparition de pans entiers du salariat ouvrier pour l’essentiel.

      Nous sommes plus que jamais dans cette compétition, cette guerre généralisée des capitalistes de conquête de nouveaux marchés dans les pays dits émergents tout en restant présents dans les marchés traditionnel des pays riches de plus en plus saturés où la différence se joue désormais sur la baisse des salaires qui assuraient la reproduction de la force de travail dans les "standards européens".

      En France le salaire nominal s’ajoute aux prestations et garanties sociales. La suppression ou la privatisation progressive des services publics, pour ne choisir que cet exemple, outre la paupérisation encore plus rapide des plus démunis entraîne la disparition de milliers d’emplois d’employés et de cadres dont le mode de vie et les moyens financiers grossissaient les rangs des classes moyennes.

      La "prolétarisation" de ceux qui les remplacent partiellement, qui accompagne la dévaluation des salaires par les statuts précaires, les temps partiels non choisis... suscite des révoltes détournées par l’invention de "conflits générationnels", la provocation de réactions et d’affrontements corporatistes , racistes ou autres qui sont des pierres supplémentaires apportées à la construction de l’édifice dangereux de la division des exploités, aggravées par l’éducation de ces jeunes issus de ces classes moyennes salariées oublieuses de leurs origines, dont beaucoup se disent prêts à rejoindre les choix ultra-libéraux que dissimulent sous des tombereaux de haine les démagogues d’extrême droite.

      Ceci n’est qu’une réflexion forcément limitée de citoyen communiste JdesP

    • Il n’y a jamais eu de seuil de tolérance à l’imposture. Toute objection est une falsification.