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Les élections professionnelles auront lieu le 19 octobre à La Poste et
le 18 janvier à France Télécom. Leurs résultats déterminent le nombre
de postes des syndicats en Commissions Paritaires, Comités d’Hygiène et
Sécurité, dans les CTP locaux ou les Instances de négociations.
Proportionnellement, les patrons de La Poste et de France-Télécom leur
répartissent d’importants moyens de fonctionnement (locaux, journées
d’ASA, équipements informatiques et fournitures de bureau). C’est dire à
quel point les cotisations des adhérents ne suffisent plus depuis
longtemps à assurer l’indépendance du syndicat, quelle que soit son
étiquette.
Une frange du patronat doute traditionnellement de l’utilité des
syndicats, notamment en Grande Bretagne (Ouest-France du 4/09/04). Nous
pensons que cela les embête surtout de continuer à les financer : pour
eux, le syndicalisme a terminé sa mission d’éteignoir des luttes sociales.
Pour des raisons complètement opposées, les salariés se demandent si les
syndicats et les instances de co-gestion leur sont d’une grande utilité.
En effet, depuis les précédentes élections de l’automne 2000, la
condition des salariés s’est beaucoup dégradée : flexibilité, précarité,
compressions d’effectifs, pressions managériales et mercantiles,
attaques envers le statut et le droit du travail, baisse des salaires
réels et des retraites... Or, aucune résistance sérieuse n’a été tentée
au plan national. Ceux qui prétendent « représenter les intérêts
individuels et collectifs des salariés » sont pourtant organisés et fédérés.
Seuls des esprits grossiers ou malhonnêtes feindront de prendre pour la
construction d’un rapport de force, l’appel à des grèves de 24 heures, à
des rassemblements squelettiques, à des manifestations quasi-funéraires.
Cela devient paradoxalement une sorte de « système protestataire à
démoraliser » encore plus les gens ! Les fruits sont pourris, car les
arbres le sont. Pourtant les salariés ont les arbres et les fruits
qu’ils méritent : au lieu d’être directement organisés en collectifs
face aux patrons, ils ont laissés les syndicats jouer les intermédiaires.
Différentes « boutiques » syndicales se partagent un monopole de
représentation établi carrément par l’Etat ! Bon an, mal an, les
syndicats gèrent la contestation (la conflictualité disent les experts)
et négocient notre force de travail. Ils se comportent comme les partis
politiques, avec des élections pour faire oublier 1 jour tous les 3-4
ans qu’ils sont tout le reste du temps plutôt loin des travailleurs ...
loin de leurs résistances quotidiennes, loin de la lutte des classes.
Faut-il élire des représentants, avoir des « leaders » ? NADA n’en voit
pas la nécessité et dresse dans ce journal un bilan : qui sait si nous
ne le partageons pas avec un nombre croissant de salariés, et même avec
plusieurs militants syndicaux ?!
Commissions Paritaires :
Plusieurs membres du collectif Nada y ont siégé plusieurs années, à la
Poste comme à France Télécom, pour défendre les collègues faisant des
recours ou pour ceux qui se retrouvent devant des commissions de
discipline. Certains d’entre nous en ont aussi fait l’expérience en tant
que requérants. Les élus du personnel quelque soit leur étiquette
défendent bien les salariés ; mais les DRH ont toujours le dernier mot :
renforcer au quotidien l’exploitation et la domination capitaliste est
la ligne de conduite des représentants de la direction jusque dans les
instances de recours ou de sélections. L’intérêt des recours et
statistiquement leur chance d’aboutir deviennent proche de zéro. Une
audience de requête peut avoir de meilleurs résultats, surtout avec un
soutien collectif énergique.
Comités Techniques Paritaires, CNCL et autres Commissions de Concertation :
Ce sont de pures et simples chambres d’enregistrement pour les projets
patronaux ; les représentants, désignés par les syndicats, jugés les
plus représentatifs par l’Etat et par les directions, ne peuvent au
mieux qu’y amuser la galerie :
la protestation et les incantations aux droits des salariés dans des CTP
ne pèsent RIEN. Seules pèsent des luttes ou résistances vigoureuses de
ceux-ci.
Comités d’Hygiène et Sécurité :
Certes le nombre de représentants des salariés est majoritaire, mais le
président n’est pas obligé d’appliquer les vœux majoritaires ! ... Il
n’y a que l’intérêt de surveiller la bonne application par les patrons
des lois en vigueur et de leurs propres règlements : en regards des très
maigres résultats que nous avons connu dans nos différents
établissements durant une vingtaine d’années, c’était souvent une perte
de temps face à des singes. A problème égal, l’énergie des salariés que
nous sommes est mieux employée avec des pétitions et débrayages à la
porte des décideurs. C’est souvent plus efficace.
Que penser finalement des “ audiences syndicales ” et des “ délégués du
personnel ” ?
Evoquons le cas général : pour se défendre de l’arbitraire hiérarchique,
ou d’une détérioration des conditions de travail, ou pour satisfaire des
revendications, tel ou tel salarié ou groupe de salarié est, à un moment
donné, en situation de se confronter aux patrons. Le patronat et l’Etat
ont inventé pour cela les “ audiences syndicales ” et les “ délégués
représentatifs ”. En ce moment, avec le développement du droit privé à
France Télécom et à La Poste, des syndicalistes essaient encore
laborieusement de faire croire que la désignation ou l’élection de
représentants attitrés seraient indispensables ou utiles aux salariés.
Mais ce n’est ni mieux ni nouveau ! Ce sera toujours une catégorie
d’intermédiaires, avec un “ chèque en blanc ” pour x années.
Evidement, on nous dira “ qu’en période de faible résistance aux
patrons, le recours à des organisations ou à des spécialistes qui
traversent les siècles est bien utile aux salariés isolés ou pas, etc...
”. Nous considérons précisément, qu’à défaut d’un minimum de combativité
et d’action collective, le meilleur délégué syndical ou leader
n’obtient rien ou presque. On nous dira “ que les patrons n’écoutent que
les représentants officiellement reconnus ”. Mais c’est essentiellement
la détermination qui force le patron à écouter, c’est ce qui le force à
une reconnaissance réelle plutôt que formelle. Nous parlons de
l’efficacité à obtenir réellement satisfaction, et non des “ résultats
obtenus ” par les différents clientélistes syndicaux qui ne font que
co-gérer les salariés et leurs “ sautes d’humeur ”.
UN CERTAIN POIDS DE L’HISTOIRE
A La Poste et à France Télécom, il reste certes le poids d’histoire du
syndicalisme de co-gestion des administrations et du secteur public,
avec des affrontements bien polis ; les différentes structures
syndicales sont totalement liée aux coteries et cliques politiciennes
qui noyautent les instances de l’Etat, jusqu’aux niveaux décentralisés.
Il existe aussi une crainte et un respect de toute hiérarchie,
profondément intériorisés par les fonctionnaires. Tout cela n’encourage
personne à la contestation ouverte et radicale. Les syndicats
traditionnels sont fondamentalement plombés par cette tradition. Quant
aux plus récents syndicats, ils reproduisent en quelques années le même
fonctionnement : cloisonné, vertical, avec des experts, et à tous
niveaux des leaders inamovibles “ reconnus ” par divers appeindices de
l’appareil d’Etat (médias, vieux partis de gauche et d’extrême-gauche,
systèmes juridiques).
Enfin les directions se sont toujours donné les moyens d’avoir du “
grain à moudre ”, avec ou sans l’ineffable apport du clientélisme
syndical : il y a encore quelques années, il était clair que le patron
et sa chefferie tenait en main souvent plus de la moitié du personnel
par divers avantages (postes valorisés, promos, planques, gestion des
absences, etc...), et cela dans diverses sortes de services. Mais vu les
impératifs capitalistes de rentabilisation (voir page 4, notre article “
motivations à durée limitée ”), ce temps-là se termine, et nous ne le
regrettons pas !
SE PASSER D’INTERMEDIAIRES ...
Pour le collectif NADA, il n’y a pas besoin d’intermédiaires
sélectionnés d’entre les salariés : une assemblée des individus
concernés est bien plus à même de “ déléguer ” au coup par coup, si
besoin. La plupart du temps, cette assemblée a tout intérêt à porter
directement et massivement ses revendications, cela se confond avec ses
actions. Les comparaisons sont à l’avantage de l’action directe des
salariés : par exemple, d’après le plus ancien syndicat, en une dizaine
d’années, les élus en CAP n’ont jamais pu obtenir une seule remontée de
notation défavorable, alors que nous connaissons des établissements où
de nombreux trieurs ou facteurs sont parvenus de façon collective à se
soutraire à tout entretien annuel de notation, plusieurs années de suite...
Il nous semble que le bilan de l’utilisation par les salariés de
représentants, d’élus et autres délégués qui font écran est suffisamment
maigre depuis des dizaines d’années. La “ délégation à des experts ou
spécialistes ” a presque toujours renforcé l’attentisme ou la passivité
du nombre, même en plein conflit social. Alors que la conjugaison du
nombre et de l’action dynamique est la clé de toute lutte efficace !
Nous n’avons pas la prétention d’appeler au boycott et à l’abstention de
ces « élections syndicales à des institutions patronales », parce que ce
fait ne peut provenir que de l’addition des expériences des collègues,
non d’un mot d’ordre prétentieux. C’est comme la solidarité dans les
luttes : elle se tisse non pas sur une idéologie ou une conscience, mais
sur une communauté d’intérêts communs perçus comme tels dans le
quotidien de l’exploitation.
RESEAUX NADA ?...
Pour le collectif NADA, les syndicats n’ont pas plus d’intérêt pour les
prolétaires que les partis politiques. Ils vont même à leur encontre,
dès qu’ils ont cessé d’être, littéralement : organisation de lutte des
salariés par eux-mêmes, collectif d’êtres égaux. Les experts ou les
chefs syndicaux, les leaders professionnels, sont des freins, ou des
adversaires, de l’émancipation et de la lutte directe des prolétaires.
C’est pourquoi les membres de Nada ne sont représentés par RIEN ni
personne, et ne veulent représenter RIEN ni personne qu’eux-mêmes.
Pendant ou en dehors des périodes d’action collective des salariés, nous
estimons utile et sympathique de constituer des réseaux d’échanges.
Notre endurance se fonde sur nos liens, mais aussi sur l’analyse des
mécanismes et méthodes d’exploitation que nous subissons
quotidiennement. Notre entraide nous permet de nous défendre, comme
lorsque depuis 3 ans telle ou tel d’entre les nôtres a pu être harcelé
ou sanctionné(e) par le patronat de France-Télécom ou de La Poste. Dans
ces buts, nous continuons à nous voir tous les mois.
MOTIVATIONS ... A DUREE LIMITEE
A l’heure de la modernisation et de la rentabilisation, mondiales, du
système capitaliste, les rapports deviennent plus brutaux, plus clairs
aussi.
Diverses réorganisations engagées récemment montrent que même les
employés « les plus dévoués au patron », ou simplement les plus
travailleurs et les plus consciencieux, ne sont plus du tout à l’abri de
se faire déplacer comme des pions, de se retrouver brusquement
déqualifiés, et ignorés leurs états de service... Les exemples se
multiplient, comme à Rennes pour la concentration des chantiers Cédex
vers la recette principale de La Poste du Colombier. Mais le sort est
édifiant aussi, des collègues souffrants ou rendus inaptes, du fait des
conditions de travail des dernières années, au Tri et à la Distribution
du Courrier : c’est l’ANPE interne, on les isole en congé maladie
plusieurs mois, ou bien on leur ordonne de commencer à se chercher un
reclassement d’emploi par eux-mêmes ! A France-Télécom, nous avons connu
cette brutalisation des rapports sociaux bien avant la privatisation :
la réorganisation totale de France Télécom « EO 2 » aboutissait en 1 an
ou 2 à de multiples délocalisations et reconcentrations, de services,
d’établissements, ainsi qu’à d’innombrables mutations d’offices des
salariés, qui sont pourtant restés fonctionnaires !
Malgré l’individualisation entretenue, malgré la collaboration ou
l’inertie syndicales, le seul moyen de résister à cette vague croissante
d’éliminations et de sélections impitoyables est pourtant encore
l’entr’aide collective, la lutte radicale, ... sans attendre que la
moitié des collègues aie disparu autour de soi !
Un paradoxe du capitalisme moderne peut contribuer à cette
radicalisation et à des soulèvements collectifs des salariés : les
patrons ne cessent de pousser les salariés à s’impliquer à fond en
qualité et en quantité de travail, mais au même moment tous se rendent
compte que deplus en plus d’entre eux se font jeter ou déplacer comme
des pions, justement après s’être investis fortement des années auparavant.
... De plus en plus les salariés comprennent qu’il faut désormais «
travailler intelligemment » contre le capital, tout contre : il est déjà
possible, chacun à son niveau, de miner quotidiennement la
rentabilité capitaliste de nos entreprises. Les héros du boulot sont
fatigués, la lutte peut commencer !
extrait de « NADA, sinon rien ! »
octobre 2004
NADA est un collectif d’agents de différents services Poste ou Télécom,
fonctionnaires ou contractuels de droit privé. NADA tisse un réseau avec
des sympathisants, des collègues, pour résister et agir.