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Education nationale : 17 000 emplois de non-titulaires ont été supprimés en trois ans. La colère enfle.

Publie le mercredi 7 septembre 2005 par Open-Publishing
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L’Education nationale, machine à éjecter les profs précaires

de Emmanuel DAVIDENKOFF

Précaires hier, chômeurs aujourd’hui. En trois ans, l’équivalent de 17 000 emplois de non-titulaires a été supprimé à l’Education nationale. Mettant sur le carreau environ 20 000 personnes, si l’on tient compte des temps partiels (exemple : deux personnes à mi-temps = un « emploi » au sens budgétaire). Ils tenteront une fois de plus d’alerter l’opinion en manifestant aujourd’hui, notamment devant les rectorats de Paris, Créteil et Versailles. Pour certains, l’urgence est vitale. Des trois statuts de non-titulaires existants, deux sont relativement protecteurs : les maîtres auxiliaires (MA) ont en principe une garantie de réemploi et les contractuels ont droit aux allocations chômage ­ encore faut-il tenir avant que les premières tombent. Les vacataires sont moins bien lotis : recrutés sur des contrats de 200 heures (à 28 euros net de l’heure), ils n’ont aucun droit au chômage. « Ni aux congés maternité », ajoute Isabelle, du collectif des non-titulaires de l’académie de Créteil, dont le ventre joliment arrondi annonce le prochain accouchement.

Chaque situation mériterait d’être contée. Celle de Régis, 37 ans, enseignant en « français langue étrangère » (FLE) dans une classe d’accueil pour primo-arrivants depuis quatre ans, qui a reçu hier son attestation Assedic. Pour les élèves, ce n’est pas mieux : la personne qui est chargée de les affecter dans les collèges du coin est partie et n’a pas été remplacée ; ils n’ont pas d’affectation. Celle de Jean-Michel, conseiller principal d’éducation, précaire depuis dix-neuf ans « et deux interdictions bancaires » liées à des périodes de chômage. Celle d’Isabelle, professeur d’arts plastiques depuis cinq ans, à l’origine, dans son collège, d’une classe « arts et culture » dont elle ne verra pas la concrétisation.

Il y a aussi ceux qui ont joué le jeu des concours et tenté d’intégrer la maison comme titulaires. C’est le cas de Michèle T., 48 ans, deux enfants. Après quinze ans d’ancienneté, elle présente l’examen professionnel créé en 2000 pour aider à l’intégration des maîtres auxiliaires. Elle le réussit. Mais son année de stage (préalable à la titularisation définitive) se passe mal : l’inspectrice qui la visite ne lui trouve que des défauts. Quinze ans d’appréciations élogieuses de ses chefs d’établissement successifs sont passés à la trappe. Et Michèle avec, qui désespère. C’est ce que les collectifs de non-titulaires appellent « l’inspection couperet », celle qui légitime le licenciement de personnels qui, s’ils étaient restés maîtres auxiliaires, n’auraient pas pu être virés. Et pas question de faire marche arrière en redevenant maître auxiliaire.

La « victoire » de Ferry. S’il est encore impossible de chiffrer l’ampleur des dégâts en cette rentrée, tous les indicateurs sont au rouge. A Nantes, le Snes relevait fin août 151 contractuels affectés pour 1 147 demandes ; à Poitiers, une vingtaine de nommés pour plus de 300 chômeurs ; à Marseille, le Snes annonce 275 embauches cette année (contre 765 l’an passé, et 1 500 en juin 2004). Et cela ne va pas s’arranger. Car une mécanique délétère a été enclenchée en 2002-2003, et il faudra attendre 2007 dans le meilleur des cas pour qu’elle cesse de produire ses effets. Deux décisions se heurtent : d’abord celle de Luc Ferry, alors ministre de l’Education, de maintenir un haut niveau de recrutement de professeurs dans les collèges et les lycées. Ferry est alors fier d’annoncer une « victoire »... qui est aussi un gage donné aux syndicats. Mais simultanément, la loi Fillon sur les retraites change la donne. Jusque-là, les cessations progressives d’activité (CPA) permettaient de conserver 85 % du salaire en enseignant à mi-temps. Désormais, un mi-temps est payé à 50 % du salaire initial. Résultat : plusieurs milliers d’enseignants renoncent à prendre leur CPA. Dans le même temps, les départs à la retraite se font plus tardivement (en moyenne, les enseignants partent à 60 ans mais pas à taux plein ; ils ont tendance à prolonger d’un ou deux ans). Résultat : ça bouchonne ­ les « anciens » ne cèdent pas la place aux « nouveaux ».

Une troisième décision achève de refermer le piège : l’Education nationale supprime des postes sur le terrain. On se retrouve donc avec plus de titulaires que de postes fixes. Que faire ? Augmenter le nombre de remplaçants : les 12 000 titulaires sur zone de remplacement (TZR) de 1999 gonflent à 23 000 aujourd’hui. Qui remplacent-ils, ces remplaçants ? Une partie de ceux qui faisaient le boulot jusque-là : les non-titulaires. Qui étaient 28 000 en 2002. Et ne devraient pas être plus de 8 000 cette année. Quant aux vacataires, ils représentent l’équivalent de 2 500 emplois mais deux ou trois fois plus de personnes : pour la plupart, ils ne seront pas rappelés cette année.

Lolf. Cette machine infernale a encore d’autres conséquences. Aujourd’hui, un enseignant frais émoulu des concours risque de passer au moins cinq ans comme remplaçant, généralement en zone d’éducation prioritaire, avant d’espérer décrocher un poste fixe dans un établissement ­ et ce alors que l’Education nationale ne jure que par la nécessité de mieux accompagner les jeunes dans leur entrée dans le métier. Et plus question de recourir à un vacataire quand il reste des titulaires non-affectés : avec la Lolf (loi organique de loi de finances), les rectorats devront rendre plus de comptes qu’avant et les dépassements de budget seront scrutés à la loupe.

Le tout dans un contexte général de suppression de crédits qui rendent la vie quotidienne de plus en plus pénible dans les établissements. Le Snes-FSU (majoritaire dans le secondaire) va tenter de capitaliser le mécontentement dès aujourd’hui : il prévoit une cinquantaine de rassemblements devant les inspections d’académie et les rectorats pour « interpeller l’opinion et les pouvoirs publics sur les conditions concrètes d’une rentrée marquée par la suppression de 7 000 postes d’enseignants et 6 000 postes d’encadrement éducatif ».

http://www.liberation.fr/page.php?Article=321783

Messages

  • Selon Davidenkoff, le bon petit soldat du journalisme, "le SNES va tenter de capitaliser le mécontentement".

    Emmanuel Davidenkoff, salarié de la famille Rothschild et "spécialiste" de l’education, ne peut ignorer que les bureaucraties syndicales de l’éducation nationale n’ont jamais pour objectif de capitaliser le mécontentement mais au contraire de le contrôler, de le freiner et de l’étouffer.

    Pour que le doute s’installe, il suffit de commencer à réfléchir un peu : pourquoi ces fédérations syndicales ont laissé les lycéens seuls face aux flics dans la contestation de la loi Fillon ?.

    Les enseignants n’auraient-ils pas été visés par la loi fillon ? l’abaissement qualitatif du niveau d’enseignement par le socle minimum, la mise en cause du baccalauréat, les attaques sur les statuts, l’annualisation larvée par les remplacements internes, le recrutement des professeurs associés sans conditions de diplôme, la précarité en perspective pour de plus ne plus de professeurs, et des salaires de misère pour tous, on n’en prend conscience
    que maintenant ?

    Pour aller vers quoi ? La grande liturgie d’une journée de grève avant Noel ?

    Cette compromission, pour achever de s’en convaincre , il suffit d’observer le décalage entre le discours des militants du SNES, de l’UNSA, ou du SGEN-CFDT ( le plus jaune de tous comme il se doit ) et les votes de leur élus dans les instances paritaires de l’Education Nationale.

    Et ils osent encore demander et supplier les personnels de voter pour eux en décembre !