Accueil > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche"
Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche"
Publie le mercredi 15 novembre 2006 par Open-Publishing17 commentaires

Propos recueillis par Raphaëlle Bacqué, Laurent Bazin et Stéphane Paoli
Vous avez qualifié Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal de "candidats du vide". Leurs campagnes sur les valeurs et le retour à l’ordre ne répondent donc pas, à vos yeux, à la défiance de l’opinion qui s’exprime de façon répétée depuis 2002 ?
Je les ai qualifiés de "candidats du vide", car ils se refusent, comme d’autres candidats, à parler des problèmes très simples et brutaux qui touchent les gens, à savoir une évolution économique perçue comme catastrophique, inacceptable.
Nous l’avons senti au moment du référendum sur l’Europe : ce qui agite, c’est la globalisation économique, la pression sur les salaires, l’emballement des prix de l’immobilier.
Un peu avant ce référendum, on pouvait s’imaginer que la seule partie de la population française en dissidence, c’était les milieux populaires, ouvriers (ce sont surtout des hommes), employés (surtout des femmes) et souvent ils sont mariés ensemble. Ce qui est très nouveau depuis le référendum sur l’Europe et ce qui explique le succès du "non", c’est l’entrée d’une bonne partie des classes moyennes en dissidence. Pas toutes, mais les classes "moyennes moyennes", par opposition aux classes moyennes supérieures.
Les élites n’abordent donc pas de façon efficace la question économique ?
Il y a un dogme central dans la pensée de l’élite, c’est le dogme du libre-échange. On n’a pas le droit de dire que le libre-échange a marché et qu’il ne marche plus. Le libre-échange (pas simplement la liberté de circulation du capital et des hommes, des marchandises) explique très bien la montée des inégalités. Il tend à introduire dans la société française et dans toutes les sociétés le niveau d’inégalités qui existe à l’échelle du monde. Il exerce une pression sur les salaires. Cette pression sur les salaires exerce une pression sur la demande globale. (...)
Ce que les inspecteurs des finances ne veulent pas comprendre, ce que les 20 % du haut de la société ne veulent pas comprendre parce qu’ils font plutôt partie des bénéficiaires de ce libre-échange, la majorité des gens, eux, le comprennent. Si vous parlez à un ouvrier français des délocalisations, il comprend très bien ce qui se passe. Il se rend compte que s’il n’y a pas de salaire, pas d’emploi, on entre dans une spirale de contraction, car il n’y aura pas de consommation. (...) La régulation du libre-échange serait relativement facile, mais à l’échelle continentale, à l’échelle européenne.
La plupart des pays européens ont cependant des systèmes libéraux. Quels alliés la France pourrait-elle trouver sur un tel programme ?
Nous sommes au début d’une crise. Cela va bouger très vite. Ce qui est nouveau, c’est que nous allons vers une rupture du système. Il y a l’exaspération des classes moyennes, et de vrais désarrois, de vraies paniques dans les milieux supérieurs, du fait de l’émergence de la Chine, puis de l’Inde.
Pourquoi les élites seraient-elles à ce point aveuglées ?
Marx parle de la fausse conscience. Des classes dirigeantes qui se refusent à voir parce qu’elles sont placées à un certain endroit privilégié dans la structure économique. (...) La vérité, c’est que l’on comprend beaucoup plus vite quand on souffre. (...) Mais ce qui est intéressant, c’est que le rejet remonte dans la structure sociale. Et que l’on répond aujourd’hui à la colère des classes moyennes par des candidats absurdes.
Qui est aujourd’hui un candidat absurde ?
Pour moi, Ségolène Royal peut faire perdre la gauche. Parce qu’elle a un discours très à droite. (...) Or beaucoup d’électeurs se sont décrochés des idéologies traditionnelles. Les ouvriers sont allés au Front national, dans la foulée de l’effondrement du Parti communiste, de l’encadrement catholique. Les deux grands partis qui semblaient avoir survécu étaient le parti gaulliste - sentiment national, tempérament égalitaire hérité de la Révolution française - et puis la tradition socialiste. Nicolas Sarkozy est décroché de la tradition de droite française. Il n’est pas gaulliste. (...) Si vous prenez Ségolène Royal, c’est la symétrie. Prenez les jurys populaires. Elle se libère du logiciel républicain. Elle n’est plus socialiste, et l’on se demande par moments si elle est de gauche. Cela accentue le flottement d’une partie énorme du corps électoral.
Pourtant, le démographe voit-il des raisons d’espérer ?
Nous avons des classes moyennes très étonnantes par rapport à l’Europe, par leurs activités culturelles, et même par leur fécondité. En Angleterre, par exemple, les ouvriers font les enfants et les classes moyennes n’ont pas le temps. En France, les classes moyennes ont un taux de fécondité relativement élevé. En France, ce sont vraiment les élites qui vont mal et qui sont malheureuses et complètement larguées.
Messages
1. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 12:53
Emmanuel Todd, votre analyse si limpide doit être diffusée un max. A la veille de ces élections, la plupart des électeurs sont déjà désespérés de penser que, quoi qu’ils fassent, ils vont se retrouver au second tour à devoir choisir, comme en 2002, entre deux de leurs ennemis , une droite dure, corrompue , impitoyable pour les pauvres et une autre droite déguisée en gauche socialiste, encore plus malhonnête, aussi dure et impitoyable pour les pauvres, les votes blancs ou nuls et les abstentions n’étant pas considérés comme un rejet massif des deux candidats en lice.
Je crains que de peur de se retrouver dans ce scénario l’électorat des salariés pauvres et des chômeurs des classes moyennes ne se tournent dès le premier tour vers le candidat qu’ils n’ont pas encore vu à l’oeuvre, à l’inverse de Sarkozy, dans son traitement de l’immigration.
Emmanuel Todd, pourquoi ne vous portez-vous pas candidat avec un programme de fin du libre-échange débridé nommé "mondialisation" ? Vous êtes humain, crédible et respecté.
2. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 12:53
Deux remarques.
– Sur le titre d’abord :
Pas d’accord. Mme Royal peut faire perdre le parti socialiste.
C’est tout. C’est déjà pas mal ;o)))))))
– Phrase de conclusion : "En France, ce sont vraiment les élites qui vont mal et qui sont malheureuses et complètement larguées."
Les pauvres !
Je songerai à en parler aux ouvriers et employés ravagés par le capitalisme mondialisé.
Y’a pas que les candidats qui sont "du vide"...
;o((((((((((((
Jean-Michel (PCF)
1. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 13:48
Très intéressantes ces remarques de Mr Todd. Jean-Michel a raison, le P-S n’est pas la gauche, n’est
plus la gauche. C’est tellement vrai qu’il accepte la candidature de Mme Royal.
"Dieu merci", il y a tous les autres dont l’alternative à gauche. Alors, remplissons le vide avec
ce qu’on peut qualifier de gauche, L. MICHEL
2. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 14:03
Totalement d’accord avec l’analyse d’Emmanuel Todd qui parle de la classe moyenne comme celle qui a le plus a perdre dans l’enfer ultra-libéral, entre autre parce qu’elle a compris que le mythe de l’ascenseur social avait servi a lui faire avaler des couleuvres.
J’enrage de voir les partis de gauche faire du nombrilisme et se préoccuper essentiellement des humeurs militantes en ignorant les attentes du plus grand nombre.
Le thème de l’anti-libéralisme rassemblera par-delà les clivages habituels puisqu’il s’attaque à la cause même des souffrances de la majorité : le système économique.
Si nous écoutons le Peuple, il nous écoutera et nous suivra, sinon...
3. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 14:45
Pourquoi ne pas limiter le libre-échangisme débridé vers les pays où la main d’oeuvre est enfantine ou exploitée à mort par UNE LOI EUROPEENNE imposant, dans le cahier des charges du produit commandé, qu’il est tenu d’avoir été fabriqué et commercialisé par des personnes de plus de seize ans dont le salaire mensuel pour 35 heures hebdomadaires soit supérieur d’un tiers à la somme du loyer d’un logement décent et de la nourriture d’une famille moyenne dans ce pays.
Les inspecteurs de marchés internationaux qui vérifient , avant l’embarquement, la conformité de la cargaison au cahier des charges du client européen avant le déblocage du paiement par lettre de crédit seraient tenus d’enquêter aussi sur les conditions de rémunération et de vie des salariés de l’entreprise étrangère. Tout manquement à la loi européenne dans l’entreprise étrangère révélé lors de cette inspection , d’une inspection ultérieure pour un autre marché ou par les révélations des employés entraînerait, pour le client européen de cette entreprise étrangère, une amende dissuasive d’un montant égal au triple de l’économie réalisée en commandant là-bas par rapport à l’Europe.
Cette loi européenne stopperait la plupart des délocalisations et cette spirale salariale mondiale vers le bas, moraliserait les exploiteurs de main d’oeuvre et relancerait sans doute la construction en Europe de nouvelles usines.
C’est aux législateurs de Bruxelles de faire ce travail !
1. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 17:12
il est absolument essentiel de mettre cette europe là en coma prolongé ; non par nationalisme mais parce qu’au plus profond d’elle même, elle est un instrument au service de ce que l’histoire a toujours produit de plus inhumain : le calcul glacé de l’interet égoïste qui preferera toujours la détresse de millions d’hommes a la baisse du taux de profit. Quant au désespoir de la classe supérieure, il attend les première neiges pour se refaire une santé à val d’isère ou sur l’ile Maurice. Ceci étant merci à Olivier Todd pour son article.
2. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 18:43
de toute facon le ps est depuis longtemps porteur de valeur centriste, voire carrement de droite ...bien plus que de gauche , cela depuis la cohabitation
et les candidatures de fabius et strauss khan ,un pietre ecran de fumée pour ratisser des voie de gauche vers le ps apres leur desistement en faveur de segolene...
segolene et sarkosy hors de toute ideologie de parti sont simplement des suiveurs du mouvement neo liberal et de la mondialisation...
si on lit la constitution europeenne on imagine mal comment une persone avec des idées (ideaux) de gauche pourrait y adherer..
4. Nouvelle vidéo de Marie-Ségolène..., 15 novembre 2006, 19:22
"Si le NON l’emporte, je serai obligé de privatiser les cantines scolaires". Ségolène Royal, durant l’Emission "Mots croisés" du 16 mai 2005 sur France 2. La preuve par l’image est : ICI.
5. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 20:10
Emmanuel Todd n’échappe pas aux poncifs :
Les ouvriers sont allés au Front national : aucune enquête sérieuse ne le montre. C’est faux, archi- faux : et d’ailleurs qu’entend-on par "ouvrier" quelle distinction avec les "employés" ? et les chômeurs, ils sont où ?
La seule conclusion vérifiée, c’est que l’abstention est massive dans les milieux pauvres.
P. Bardet
1. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 18 novembre 2006, 11:11
il y a une enquete qui a ete faite par des sociologues, ils en ont fait un tres bon livre "le descenseur social"
il disent la meme chose que todd beaucoup d’ouvriers sont alles au front national. il y a dans ce livre des chiffres, des pourcentages, des entretiens avec des ouvriers qui expliquent pourquoi ils votent FN.
un ouvrier est quelqu’un qui travaille sur les chantiers dans les ateliers..
un employé est plutot dans un bureau, dans un magasin...
j’espere avoir repondu a tes questions
6. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 15 novembre 2006, 22:38
— - Une seule solution ---
Toujours la même : il faut que le Peuple de Gauche dans ce pays batte le Parti Socialiste dès le premier tour.
C’est la sagesse même. :)))))))))
Cristobal.
1. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 16 novembre 2006, 23:50
Cristobal ne croit pas si bien dire, avec Royal comme candidate désormais investie, il n’y a pas une minute à perdre !
Investissons-nous massivement dans les collectifs et que la LCR arrête ses cris de vierge effarouchée !
Tous ensemble pour le non au libéralisme !
Lex
7. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 16 novembre 2006, 00:53
Bonnes gens versez une larme sur les malheureux cadres qui commencent à passer à la trappe aprés les ouvriers dont ils on regardé avec indifférnce les plans de licenciement massifs, comme écrivait D.Staus-Kahn ne nous occupons pas des pauvres de toute façon ils ne votent pas pour nous,
Plus sérieusement la fausse conscience dont parle E.Todd c’est le fait que la ’’bourgeoisie’’ n’est pas ’’marxiste à l’envers,ce n’est pas qu’elles refusent de voir, c’est qu’elles voient autre chose, la conscience de classe (en l’occurence celle de la bourgeoisie) ce n’est pas la conscience en soi , c’est la conscience de ses intéréts de classe dominante.
S.Dedalus qui s’est encore perdu
8. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 16 novembre 2006, 20:45
Todd aime bien provoquer par des espèces de paradoxes qui ne veulent rien dire :
"En France, ce sont vraiment les élites qui vont mal et qui sont malheureuses et complètement larguées."
Au fait, la gauche dans tout ça, qui peut la faire gagner ? ça l’écorcherait ce monsieur je sais-tout de proposer pour une fois ?
9. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 16 novembre 2006, 23:54
Bon, ben après avoir tant craché sur Ségo, maintenant qu’ell est investie, va falloir la soutenir à fond ! LOL !!
1. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 17 novembre 2006, 03:12
Il semble en fait que nous sommes bien partis pour justement vérifier la véracité de l’affirmation de M. Todd : "Mme Royal pourra faire perdre la gauche"... JM
2. > Emmanuel Todd : "Mme Royal peut faire perdre la gauche", 17 novembre 2006, 08:45
Raison de plus pour faire face à nos responsabilités, arrêter de rêver à une gauche antilibérale strass et paillettes, et penser rapport de forces puissant et organisé contre l’alternance libérale - socio-libérale. C’est aux candidats du collectif que je m’adresse JdesP