Accueil > Et pendant ce temps, ...un mois à l’Assemblée nationale...

Et pendant ce temps, ...un mois à l’Assemblée nationale...

Publie le jeudi 23 novembre 2006 par Open-Publishing

Informations Ouvrières N° 770 - L’éditorial du 23 novembre

Un mois à l’Assemblée nationale

Entendu ce matin : Ségolène Royal invite tous les Français à « participer et venir dans le projet des socialistes ». C’est, paraît-il, le principe de la « démocratie participative », dont elle a fait son credo.

Pratiquement, qu’est-ce que cela signifie ? Il y a deux semaines (1), Ségolène Royal s’est prononcée pour « une nouvelle République », où « le Parlement soit rétabli dans sa souveraineté ». Elle a appelé à « supprimer les règles qui brident la représentation nationale », évoquant en particulier : « vote bloqué, 49-3, maîtrise excessive de l’ordre du jour par le gouvernement, recours abusif aux ordonnances et aux procédures d’urgence ».

Passons sur le fait que les procédures ici montrées du doigt par la candidate du PS ont été systématiquement mises en œuvre par tous les gouvernements successifs, y compris ceux où Ségolène Royal fut ministre. Mais l’essentiel est ailleurs : dans sa longue énumération, Ségolène Royal a-t-elle vraiment fait le tour des « règles qui brident » le pouvoir du Parlement ?

Pour répondre à cette question, regardons ce qui se passe en ce moment même à l’Assemblée nationale.

La loi relative à l’énergie ouvrant à la concurrence totale le marché de l’électricité et du gaz vient d’y être adoptée en dernière lecture. Elle transpose les directives européennes 2003-54-CE et 2003-55-CE.

Ce vote a été suivi par l’examen du projet de loi de finances pour 2007, qui se poursuit en ce moment, article par article. Ce projet de loi est cadré par la mise en œuvre de l’article 104 du traité de Maastricht, celui qui stipule que les budgets nationaux doivent respecter les contraintes du pacte de stabilité, à savoir : endettement limité à 60 % du PIB, pas de déficit budgétaire supérieur à 3 %, lutte contre l’inflation. Moyennant quoi, le projet de loi de finances sabre dans tous les budgets publics, démantèle les administrations de l’Etat, privatise à tour de bras, liquide les bureaux de poste et les écoles.

A partir du 21 novembre - une fois adopté l’ensemble du projet de loi de finances 2007 -, l’ordre du jour de l’Assemblée nationale prévoit de passer à l’examen du projet de loi déjà adopté par le Sénat relatif à « la prévention de la délinquance ». Projet de loi qui prend soin de préciser dans son exposé des motifs que « cette politique nouvelle s’inscrit naturellement dans le cadre des initiatives européennes ».

Puis, à partir du 28 novembre, l’Assemblée nationale passera à l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le traité de Maastricht imposant que les comptes de la Sécurité sociale soient incorporés dans l’équilibre général des finances de l’Etat, la Sécurité sociale est soumise aux mêmes contraintes rappelées plus haut, celles du pacte de stabilité. Lesquelles se combinent aux recommandations de Bruxelles sur « l’allégement des charges sociales » pour les patrons. Au nom de quoi, depuis 1992, 170 milliards d’euros d’exonérations ont été détournés de la Sécurité sociale au profit des patrons, tandis qu’on dérembourse les médicaments par centaines, qu’on ferme les centres de Sécurité sociale et que les soins sont de moins en moins pris en charge.

Le mois parlementaire s’achèvera à partir du 30 novembre avec l’examen en deuxième lecture du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, en application de la directive 2000-60 de l’Union européenne et en vertu de cinq condamnations de la Cour de justice des communautés européennes contre la France, en vertu de l’article 226 du traité de Maastricht.

On le voit : du 10 au 30 novembre, pas une seule loi examinée par l’Assemblée qui ne soit dictée par l’Union européenne.

Rétablir la souveraineté d’une représentation nationale ? Cela ne se peut qu’à la condition de briser les entraves, qui, en effet, la « brident ». Comment le faire sans rompre avec le traité de Maastricht et l’Union européenne qu’il a instituée ?

Poser la question, c’est y répondre.

Du point de vue de la démocratie, il faut donc se féliciter qu’un candidat pose clairement cette exigence dans la prochaine élection.

Et on ne s’étonnera pas que ce maire, Gérard Schivardi, reçoive à cet effet l’appui d’un grand nombre de ses collègues, tant il est vrai que les communes sont les premières victimes de l’étouffement de la démocratie par l’Union européenne.

Daniel Gluckstein

(1) Dans l’Hebdo des socialistes, 4 novembre 2006.