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Etats-Unis : dérapages en pleine campagne

Publie le dimanche 8 août 2004 par Open-Publishing

Une association « indépendante » de vétérans du Vietnam met en doute l’héroïsme de John Kerry pendant la guerre.

de Pascal RICHE

Depuis quelques jours, le candidat démocrate à la présidence, John Kerry, est la cible d’une campagne vicieuse. Des vétérans du Vietnam, dans un spot de télévision et dans un livre à paraître, Inapte au commandement, remettent en cause son héroïsme au Vietnam. Kerry, disent-ils, a menti sur ses trois blessures (il s’en serait même infligé deux), aurait gagné sa « Silver Star » en tuant un adolescent en train de s’enfuir, etc. Le livre était vendredi en tête des commandes au classement du libraire en ligne Amazon...

Promoteur texan. Tous les yeux se sont évidemment tournés vers Bush et son équipe de campagne. Car l’opération est en partie financée par un promoteur immobilier de Houston, Bob Perry, qui a fourni 100 000 dollars (80 000 euros) à l’association Swiftboat Veterans for Truth. L’attaque est très similaire à celle qui avait visé un autre héros du Vietnam, le sénateur John McCain, qui affrontait George W. Bush lors des primaires républicaines de 2000. La Maison Blanche a donc décidé de se démarquer du spot diffamatoire : « Nous avons déjà dit très clairement que nous ne remettrons pas en doute le passé d’ancien combattant de John Kerry au Vietnam », a déclaré son porte-parole, Scott McClellan, qui en a profité pour dénoncer « les activités financées par de l’argent non autorisé ». Bush est en effet la première victime de campagnes hostiles menées par des associations « indépendantes ». Moveon.org, groupe en partie financé par le milliardaire George Soros, a réalisé plusieurs spots pour dénoncer la politique du Président.

Le sénateur McCain, qui fait campagne pour Bush mais n’en est pas moins un ami de John Kerry, a volé au secours de ce dernier, dénonçant un spot « malhonnête et déshonorant ». Pense-t-il que la Maison Blanche puisse être derrière cette campagne ? « J’espère que non, mais je ne sais pas », a répondu celui qui semble toujours soutenir Bush comme la corde soutient le pendu. Ancien prisonnier de guerre au Vietnam, McCain est l’un des orateurs les plus attendus à la Convention républicaine, qui se tiendra à la fin du mois à New York.

La campagne électorale prend chaque jour une tournure plus féroce. Jeudi, pour la première fois, Kerry s’en est pris à l’attitude de Bush le matin du 11 septembre 2001, alors que les deux tours du World Trade Center venaient d’être frappées. Dans son film pamphlet, Fahrenheit 9/11, Michael Moore a retrouvé une vidéo montrant Bush l’air hagard, continuant pendant sept minutes de lire un livre pour enfant dans une école de Floride. « Si j’avais été en train de lire un livre à des enfants et que mon conseiller m’avait murmuré à l’oreille que l’Amérique est attaquée, j’aurais dit très gentiment à ces enfants que le président des Etats-Unis avait quelque chose à faire », a déclaré jeudi Kerry devant des journalistes.

Piquée au vif, l’équipe Bush a chargé Rudy Giuliani, ancien maire de New York et héros des journées qui ont suivi le 11 septembre, de mener la contre-offensive : « John Kerry doit être bien frustré, s’il est obligé d’avoir recours à des attaques mesquines basées sur les conseils de Michael Moore », a accusé Giuliani, dressant le portrait d’un Kerry « incapable de décider », et soulignant les flottements du sénateur démocrate sur l’Irak.

Flexibilité. Les deux candidats ont labouré toute la semaine les swing states, les Etats qui n’ont pas encore basculé dans un camp ou un autre (1). L’économie y est clairement la variable la plus importante pour gagner. Dans l’Iowa, Kerry a présenté une liste de 200 patrons qui le soutiennent. Dans l’Ohio et le Michigan, Bush a vanté le retour de la croissance et tenté de vendre son projet de rendre les horaires de travail plus flexibles. Mais dans ces Etats souvent fortement syndiqués, ce thème de la flexibilité ne fait pas trop recette. Les chiffres de l’emploi, publiés vendredi, ne facilitent pas la tâche du Président : en juillet, la croissance n’a créé que 32 000 emplois, bien en deçà de ce qui était espéré.

(1) Le candidat qui arrive en tête d’un Etat rafle tous les « grands électeurs » de cet Etat, qui éliront le Président.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=229002